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La sensibilisation allergénique est définie comme une réponse immunologique inadaptée de l’organisme face à son environnement. Elle se traduit biologiquement par une production élevée en IgE spécifiquement dirigées contre un allergène auquel le sujet a été exposé. La sensibilisation allergénique est à distinguer de l’atopie qui désigne une prédisposition génétiquement déterminée à synthétiser des IgE, aptitude se manifestant le plus souvent durant l'enfance ou l'adolescence (Figure 1) (10).

La sensibilisation allergénique apparaît comme prédictive de ces maladies dans de nombreuses études menées, soit en population générale chez l’adulte (33–35) ou chez l’enfant (36,37), soit chez des enfants à risque d’allergie (i.e. dont l’un ou les deux parents sont atteints d’une maladie allergique) (38–40). Il est estimé que 30 à 56%, 40 à 46% et 19 à 32% des cas d’asthme, de rhinite et de dermatite atopique sont attribuables à la sensibilisation allergénique, respectivement (41–44). De plus, Pinart et al. (2014) (18) ont estimé dans le cadre du projet MeDALL que 38% des cas de comorbidité allergique chez l’enfant lui sont attribuables.

Toutefois, la sensibilisation allergénique ne conduit pas de façon systématique à l’allergie, et de nombreux sujets sensibilisés demeurent asymptomatiques (27,43,45,46). Il est aussi bon de remarquer que tous les patients symptomatiques ne sont pas sensibilisés (i.e. maladie allergique non IgE-médiée) (18,19,27,47).

II.2. Caractérisation des allergènes

Les allergènes sont des protéines ou des glycoprotéines, parfois des glycanes (constituant des parois des microorganismes fongiques). Il peut s’agir d’un trophallergène, allergène d’origine alimentaire, ou d’un pneumallergène, allergène aéroporté. Il existe aussi des composants allergéniques ubiquitaires, avec une structure conservée entre les différentes sources, appelés panallergènes. Ces derniers sont impliqués dans les allergies croisées (syndrome pollen-aliment par exemple).

Selon la nomenclature des allergènes établie par l’OMS, chaque allergène est désigné d’après le nom taxonomique de sa source : les trois premières lettres du genre, puis la première lettre de l’espèce, puis le rang d’identification (48). Ainsi Der p 1 désigne le premier allergène

Figure 1. De l’allergène à l’allergie (inspiré de Halken (2004) (49)).

identifié de Dermatophagoides pteronyssinus (acariens). De plus, un allergène est qualifié de « majeur » lorsque plus de 50% des sujets sensibilisés à la source présentent des IgE spécifiquement dirigées contre l’allergène en question.

II.3. Physiopathologie

La réaction clinique IgE-médiée est décomposée en deux phases (Figure 2) : d’abord une « phase de sensibilisation » à l’allergène, puis une « phase effectrice » avec expression des symptômes cliniques.

Phase de sensibilisation

Lors du premier contact, l’antigène est pris en charge au niveau de la peau et des muqueuses par les cellules dendritiques qui, après migration vers les ganglions lymphatiques, le présentent aux lymphocytes Th2. Ces derniers, par l’intermédiaire d’interleukines, induisent la maturation des lymphocytes B en plasmocytes producteurs d’IgE spécifiquement dirigées contre l’antigène (IL-4 et IL-13) et une élévation des concentrations sanguines en polynucléaires basophiles et éosinophiles (IL-5). Libérées dans la circulation sanguine, la majeure partie des IgE se fixent à la surface des mastocytes et des polynucléaires par le biais des récepteurs FcεRI. Le sujet est alors dit sensibilisé à l’antigène, nommé dès lors allergène.

Phase effectrice

Lors d’un second contact, l’allergène est directement reconnu par les IgE. La formation de pontages allergéniques à la surface des mastocytes entraîne la libération rapide dans le milieu

Figure 2. Physiopathologie des hypersensibilités allergiques IgE dépendantes.

extracellulaire du contenu des granulocytes mastocytaires (principalement de l’histamine). Surviennent alors les premiers symptômes allergiques cliniquement observables : c’est la phase immédiate. La reconnaissance de l’allergène par les IgE induit également la production et le relargage de médiateurs pro-inflammatoires (leucotriènes, cytokines, facteurs de croissance, …) par les mastocytes, les basophiles et les éosinophiles jusqu’à 24 heures plus tard : c’est la phase retardée. Ces médiateurs, à l’origine de lésions et de remodelages tissulaires, sont impliqués dans la chronicité de la maladie allergique.

Ainsi, les IgE apparaissent comme un maillon primordial dans le développement des maladies telles que l’asthme allergique, la rhinite allergique, la dermatite atopique et les allergies alimentaires.

II.4. Exploration de la sensibilisation allergénique

Cette exploration repose essentiellement sur le dosage des IgE sériques circulantes (i.e. non fixées à la surface des cellules effectrices). Celles-ci sont couramment dosées par technique immuno-enzymatique (anciennement par tests radio-immunologiques). L’allergène, couplé à un support solide, est ici incubé avec le sérum du sujet. Les IgE spécifiques sont ensuite révélées et quantifiées par un anticorps anti-IgE couplé à un marqueur fluorescent (seuil de positivité communément admis : IgE ≥0,35 kUA/L).

Basé sur la même technique, un dosage quantitatif des IgE totales est aussi couramment réalisé. Cependant, en raison de grandes variabilités interindividuelles, la pertinence clinique de ce dosage est discutable chez l’enfant après 2 ans et jusqu’à l’adolescence (50,51). De nombreux tests de criblage permettent un dosage qualitatif (positif ou négatif) des IgE dirigées contre un panel d’allergènes.

De plus, les deux dernières décennies ont vu le développement de puces à protéines permettant le dosage semi-quantitatif de plus d’une centaine d’IgE spécifiques de façon simultanée dans de très faibles volumes de sérum (52). Basée sur la détection des IgE spécifiques de composants allergéniques, cette technique est à ce jour la plus sensible, la plus spécifique, la plus informative et la mieux adaptée dans la discrimination des allergies croisées (53).

Parallèlement, des tests cutanés allergologiques (TCA) tels que le prick test – méthode de référence chez les cliniciens, rapide et économique – sont également réalisés pour explorer la sensibilisation allergénique et évaluer la capacité d’un sujet à réagir à un allergène. Dans les études épidémiologiques, les TCA et les dosages d’IgE sont alternativement utilisés malgré l’existence de discordances entre les résultats (54–56).

III. Sensibilisation allergénique : données