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Chaque individu possède sa propre conscience identitaire qui le rend différent de tous les autres ce qui signifie que l'identité est d'abord individuelle :

"marquant ainsi le fait qu'elle se situe dans le registre de l'unique."124

On peut la considérer comme la façon dont l'être humain construit son rapport personnel avec l'environnement. Le processus commence dès que l'on se rend compte du fait que nous ne sommes pas seuls au monde. Le rapport identitaire relève très largement du subconscient, mais il n'en demeure pas moins qu'il façonne la perception que chaque individu a de sa place dans l'univers, dans le tout global. Cela implique que l'identité est construite :

"L'identité est une construction dont le sujet tire permanence et singularité." 125

Cette construction se poursuit tout au long de la vie et peut varier parce qu'elle reflète l'histoire personnelle de chacun qui comprend plusieurs éléments différents comme par exemple l'interaction de la personne avec ses parents, l'apprentissage des rôles liés à son sexe, l'éducation reçue dans son milieu, l'interaction de la personne avec son milieu social etc. L'histoire personnelle de chaque individu se déroule toujours à l'intérieur d'une culture spécifique, d'un ensemble de représentations et de pratiques définissant un certain type de rapport aux autres. L'identité est le produit de la relation que l'on construit avec son environnement :

"L'identité du sujet constitue, au sens où elle établit, une manière d'exister dans l'environnement social."126

124 CHAUCHAT Hélène - DURAND – DELVIGNE Annick (dir.), De l’identité du sujet au lien social, Paris,

PUF, 1999, p.7.

125

idem

34 L'environnement comprend tout élément faisant partie de l'entourage d'une personne. L'identité étant ce qui différencie les êtres les uns des autres, elle ne peut se construire qu'en rapport à l'autre, le regard de l'altérité pèse aussi bien sur les comportements individuels que collectifs :

"L'identité ne peut se construire que par référence ou par opposition. En ce sens elle est dynamique et contradictoire"127

L'être ne peut produire le "nous" que s'il a déjà identifié son "moi", l'identité collective comprend à la fois l'unité du groupe et sa différence face à l'altérité, ce n'est qu'à ce titre que l'on peut désigner l'autre ou les autres comme différent de soi ou de nous :

"l'identité collective désigne à la fois l'unité d'un groupe et sa revendication à la différence avec les autres par une série de caractère qui les signifient et les symbolisent."128

L'identité d'un individu étant multidimensionnelle, individuel et collectif se regroupent dans la définition de l'identité.

Le regard porté sur les us et coutumes des populations maritimes est depuis longtemps négatif, probablement en raison de la méconnaissance de ce milieu :

"Les appréciations médiévales sur les gens de mer restèrent massivement dépréciatives peut-être parce que la mer était très largement ignorée des populations."129

C'est au cours du XVIIe siècle que grâce à Richelieu puis Colbert une première qualification des gens de mer est apparue, dans un souci purement administratif il s'agissait de connaître le potentiel en terme de nombre d'hommes et de leur qualifications professionnelles :

"En France, c'est probablement l'état monarchique qui le premier, de façon assez systématique, uniforme, hiérarchisé, s'attacha à connaître les populations maritimes. (...) C'est l'instauration du système des classes qui permit de savoir qui étaient les hommes de la mer. (...) Il s'agissait d'établir les rôles des hommes susceptibles de servir le roi."130

Ce système des classes établi par ordonnance en 1681, dont l'ambition première est le maintien d'une réserve permanente de marins disponibles, fixe pour longtemps les cadres et principes de gestion de la marine. Le pouvoir voulait s'assurer une place prépondérante sur les

127

CABANTOUS Alain, Les citoyens du large, Les identités maritimes en France (XVIIe-XIXe), Paris, Aubier

coll. Historique, 1995, p.15.

128 idem 129

ibid.57.

35 mers, la puissance maritime était gage de supériorité en ces temps très troublés. Ce système porte un coup dur aux populations maritimes déjà soumises de par leur métier difficile et dangereux au risque de mourir, au lourd tribut de la mort en mer s'ajoute alors le tribut de la mort pour le roi. N'en reste pas moins que l'image véhiculée à l'époque des rivages et de ceux qui les peuplaient était rattachée au regard porté sur l'élément marin, rempli de craintes et de frayeurs, la mer qui abrite des monstres ne pouvait qu'engendrer des monstres :

"Ces terres presque exotiques, aussi lointaines qu'insolites, étaient en outre bornées par un monde qui, à lui seul, générait des peurs ancestrales."131

"La mer engendre ainsi une société et une culture propres souvent mal perçues des villes de l'intérieur peut-être envieuses."132

A partir du milieu du XVIIIe siècle émerge un nouveau discours qui tend à valoriser l'image des gens de mer par le biais de l'image du marin pêcheur qui ne connaît pas le même mépris que ces homologues marins au long cours. Celui-ci n'est pas de par son activité soumis aux même tentations que les matelots ou officiers qui sillonnent les mers et font escale dans de nombreux ports éloignés de chez eux. Les pêcheurs sont réputés plus solides, plus endurants, plus fidèles, plus stables du fait de leur activité qui ne leur permet pas de fantaisie. Le fait est qu'ils ne travaillent pas dans les mêmes conditions, le pêcheur pêche tandis que le matelot navigue. Le pêcheur même après une longue campagne de pêche rentre chez lui et retrouve sa famille :

"Le pêcheur ne trouve pas d'occasion de connaître d'autres femmes que la sienne parce qu'il revient directement au port dont il est parti."133,

le marin au long cours voyage, fait escale, découvre d'autres contrées et d'autres personnes loin de chez lui le laissant plus libre de répondre positivement aux sollicitations en tout genre:

"Les voyages au long cours, droiture ou périple triangulaire, dressent des pièges auxquels succombent les marins."134

L'image du marin alcoolisé, bruyant, porté sur la bagarre ou sur des distractions plus intimes en compagnie de fille aux mœurs légères est tenace et perdure encore de nos jours. L'expression "une fille dans chaque port" pour qualifier un coureur de jupon fait référence aux mœurs de ces matelots:

131 CABANTOUS Alain, LESPAGNOL André, PERON Françoise (dir.), Les Français, la terre et la mer, XIIIe-

XXe, Paris, Fayard, 2005, p.392.

132 CABANTOUS Alain, Les citoyens du large, Les identités maritimes en France (XVIIe-XIXe), Paris, Aubier

coll. Historique, 1995, p22.

133

ibid.59.

36

"Fauteur de troubles, "libertin", acteur du désordre social, le marin se complaît dans le bruit, le tumulte"135

"L'ivresse, l'alcoolisme constituent malheureusement déjà un des traits du marin atlantique."136

Les recherches historiques portant sur les gens de mer ont longtemps concerné les aspects professionnels, ce sont surtout des travaux de droits, ceci parce qu'en échange des obligations de service les gens de mer ont bénéficié de dispositions juridiques particulières137.

Les Français bien qu'habitant un pays ouvert sur les mers et océans sur trois façades ne sont pas attirés par la mer :

"Les Français ont la bonne caractéristique de tourner le dos à l'océan en général"138

C'est une mentalité plutôt tournée vers l'intérieur des terres et un modèle de vie plus terrien que marin qui s’impose :

"c’est l’agriculture, la seule façade maritime qui est considérée comme vraiment façade maritime c’est la Bretagne"139

Ce n'est que tardivement vers le milieu du XXe siècle que sous l'impulsion de l'histoire économique et d'études géographiques des littoraux le champ de l'étude sociale des littoraux s'est progressivement ouvert.

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