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Les sens internes Objections:

Dans le document QUESTION 75: L'ESSENCE DE L'ÂME (Page 41-44)

1. La division admise des sens internes ne parait pas satisfaisante. On n'oppose pas en effet ce qui est commun à ce qui est propre. On ne doit donc pas compter le sens commun parmi les puissances sensibles internes, à part des sens externes qui sont des sens propres.

2. Il n'est pas besoin d'une faculté interne de connaissance pour une fonction que peut accomplir le sens propre et externe; mais pour apprécier les objets sensibles, les sens externes suffisent; chaque sens en effet peut juger de son objet propre. De même, ils semblent avoir ce qu'il faut pour percevoir leurs actes. L'action du sens est en effet comme un intermédiaire entre la puissance et l'objet; il paraît donc que la faculté de voir peut bien mieux percevoir son acte de voir qu'elle ne perçoit la couleur, son acte étant plus proche de la faculté que l'objet.

De même pour les autres sens. Il n'est donc pas nécessaire de désigner pour cette fonction une puissance interne qu'on appellerait sens commun.

3. L'imagination et la mémoire sont, d'après le Philosophe, des modalités du centre primitif de la sensibilité. Mais l'on n'oppose pas une modalité à son sujet. Il ne faut donc pas distinguer la mémoire et l'imagination du sens.

4. L'intelligence dépend beaucoup moins du sens que n'importe quelle puissance de l'âme sensitive. Et cependant l'intelligence ne connaît que par l'apport des sens. C'est pourquoi il est

dit dans les Seconds Analytiques: "Ceux qui manquent d'un sens, manquent d'une science. " A plus forte raison ne doit-on pas distinguer une puissance sensible destinée à percevoir des représentations qui échappent aux sens, puissance qu'on nomme " estimative ".

5. L'acte de la cogitative, qui est de juger, de synthétiser et d'analyser, et l'acte de la faculté de réminiscence, qui consiste à user d'une manière de syllogisme pour évoquer les souvenirs, ne sont pas moins différents des actes de l'estimative et de la mémoire que l'estimative ne l'est de l'imagination. Il faut donc distinguer les deux premières de l'estimative et de la mémoire, ou alors ne pas distinguer celles-ci de l'imagination.

6. D'après S. Augustin. il y a trois genres de visions: corporelles, par le moyen des sens;

spirituelles, par l'imagination; intellectuelles, par l'intelligence. Il n'y a donc pas, entre le sens et l'intellect, d'autre faculté interne que l'imagination.

Cependant:

Avicenne, dans son livre sur l’âme, admet qu'il y a cinq sens internes: le sens commun, la "

fantaisie", l'imagination, l'estimation, et la mémoire.

Conclusion:

La nature ne manque jamais de donner le nécessaire; il faut donc qu'il y ait dans l'âme sensitive autant d'actions diverses qu'en requiert la vie d'un animal parfait. Et toutes les actions qu'on ne peut ramener à un seul principe demandent des puissances diverses; car une puissance de l'âme n'est rien d'autre que le principe immédiat d'une opération de cette âme.

Or, il faut remarquer que la vie d'un animal parfait requiert non seulement qu'il connaisse la réalité quand elle est présente au sens, mais encore quand elle est absente. Autrement, du fait que le mouvement et l'action de l'animal suivent la connaissance, celui-ci ne se mettrait jamais en mouvement pour chercher quelque chose qui n'est pas là. Or c'est le contraire qu'on observe, surtout chez les animaux parfaits qui se meuvent dans l'espace; ils se dirigent en effet vers un objet absent dont ils ont connaissance. L'animal doit donc, en son âme sensitive, non seulement recevoir les ressemblances des qualités sensibles au moment où il est actuellement modifié par elles, mais encore les retenir et les conserver. Dans les êtres corporels, recevoir et conserver se réfèrent à des principes divers: les corps humides reçoivent bien et conservent mal; c'est le contraire pour les corps secs. La puissance sensible étant l'acte d'un organe corporel, il doit y avoir y avoir une faculté pour recevoir les ressemblances des qualités sensibles, et une autre pour les conserver.

Il faut encore remarquer que si l'animal ne se mettait en mouvement que pour des objets agréables ou douloureux pour les sens, il lui suffirait de connaître les qualités que le sens perçoit et qui le délectent ou lui font horreur. Mais l'animal doit rechercher ou éviter certains objets non seulement parce qu'ils conviennent ou non au sens, mais encore parce qu'ils sont ou utiles ou nuisibles. Par exemple, la brebis qui voit le loup arriver, s'enfuit, non parce que sa couleur ou sa forme ne sont pas belles, mais parce qu'il est son ennemi naturel. De même, l'oiseau rassemble de la paille, non pour le plaisir sensible qu'il en éprouve, mais parce qu'elle lui sert à construire son nid. Il faut donc que l'animal perçoive des représentations de ce genre, que le sens externe ne perçoit pas. Il doit y avoir un principe distinct de cette perception. Car la connaissance des qualités sensibles vient d'une modification causée par l'objet sensible, mais non la perception des représentations dont nous parlons.

Ainsi donc, pour percevoir les qualités sensibles il y a le sens propre et le sens commun. On dira plus loin comment ils se distinguent. Pour obtenir ou conserver ces qualités, il y a la "

fantaisie " ou imagination, qui sont une même chose. L'imagination est en effet comme un trésor des formes reçues par les sens. Pour percevoir les représentations qui ne sont pas reçues par les sens, il y a l'estimative. Pour les conserver, il y a la mémoire, qui en est comme le trésor. En voici un signe: les animaux commencent à avoir des souvenirs à partir d'une connaissance de ce genre, par exemple que ceci leur est nuisible ou leur convient. La raison de passé, que perçoit la mémoire, doit être comptée parmi ces représentations.

Notez que relativement aux qualités sensibles il n'y a pas de différence entre l'homme et les animaux. Ils sont modifiés de la même manière par les objets sensibles extérieurs. Mais quant à ces représentations spéciales, il y a une différence. Les animaux ne les perçoivent que par un instinct naturel; l'homme les saisit par une sorte d'inférence. Aussi la faculté, appelée chez les animaux estimative naturelle, est appelée chez l'homme cogitative, ou faculté qui forme des représentations par une sorte d’inférence. On la nomme encore " raison particulière", et les médecins lui assignent un organe spécial, la partie médiane du cerveau. Elle regroupe en effet des représentations individuelles, comme la raison proprement dite regroupe des représentations universelles.

Pour ce qui est de la mémoire, l'homme possède non seulement comme les animaux le pouvoir de se souvenir immédiatement des faits passés, mais encore celui de les évoquer, par la " réminiscence", en recherchant d'une manière presque syllogistique à se souvenir de ces faits sous forme de représentations individuelles.

Avicenne distingue une cinquième faculté, intermédiaire entre l'estimative et l'imagination, qui assemble et dissocie les images; ainsi, avec l'image de l'or et l'image d'une montagne, nous formons une seule image, celle d'une montagne d'or que nous n'avons jamais vue. Cette opération ne se trouve pas chez les animaux, mais seulement chez l'homme, qui peut faire cela avec la seule imagination. C'est d'ailleurs à l'imagination qu'Averroès l'attribue, dans son livre sur le Sens et les Sensibles.

Il n'est donc pas besoin de distinguer plus de quatre facultés internes dans l'âme sensitive: le sens commun et l'imagination, l'estimative et la mémoire.

Solutions:

1. Le sens interne n'est pas appelé " commun " par attribution universelle, comme s'il était un genre, mais comme la racine et le principe communs à tous les sens externes.

2. Le sens propre apprécie son objet sensible, en le discernant des autres qualités qui peuvent tomber sous le même sens, par exemple en discernant le blanc du noir ou du vert. Mais discerner le blanc du doux, ni la vue ni le goût ne le peuvent; car pour discerner une chose d'une autre, il faut les connaître toutes les deux. C'est donc au sens commun qu'il appartient de faire un tel discernement; à lui sont rapportées comme à un terme commun toutes les connaissances des sens propres, et c'est par lui encore que sont perçues les activités des sens, par exemple quand quelqu'un voit qu'il voit. Cela ne peut être le fait du sens propre, qui ne connaît que la qualité sensible par laquelle il est modifié. C'est par cette modification que s'accomplit la vision, et de cette modification en découle une autre dans le sens commun, qui perçoit la vision elle-même.

3. Une puissance peut sortir de l'essence de l'âme par l'intermédiaire d'une autre, on l'a déjà dit; de la même façon l'âme peut être sujet d'une puissance par l'intermédiaire d'une autre puissance. Sous ce rapport on dit que l'imagination et la mémoire sont des modifications du sens commun, qui est le premier des sens internes.

4. Bien que l'opération intellectuelle ait son origine dans la sensation, l'intelligence connaît, dans la réalité saisie par le sens, bien plus que le sens n'en peut percevoir. Il en va de même dans l'estimative, à un degré inférieur cependant.

5. Si la cogitative et la mémoire ont une telle excellence dans l'homme, ce n'est pas à cause de l'âme sensitive, mais à cause de leur affinité, de leur proximité à la raison universelle, qui exerce sur elles une sorte d'influence. Ce ne sont pas des puissances différentes de celles des animaux; ce sont les mêmes, mais plus parfaites.

6. Pour S. Augustin, la vision spirituelle est celle qui est causée par les images des corps en leur absence. Elle comprend donc toutes les connaissances internes.

Dans le document QUESTION 75: L'ESSENCE DE L'ÂME (Page 41-44)

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