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3 - Sens et forme de la mise à distance dans le projet touristique

Après avoir exploré la distance « comme » projet touristique et avoir montré la relativité et les formes que peut prendre la rupture qu’elle suppose, il nous semble intéressant d’aborder la question de la distance « dans » le projet touristique Pour cela nous aborderons la question en privilégiant l’analyse de l’idée de distance à travers les sociabilités touristiques.

La dimension sociabilité est au cœur des pratiques de tourisme. Si l’on peut penser qu’il existe des projets touristiques sans jeux ou sans shopping, il n’est pas possible de penser un projet touristique sans sociabilité. Même pour les croisiéristes qui explorent l’Antarctique ou pour les adeptes de la randonnée au Groenland, la pratique sera une pratique accompagnée, et l’isolement du reste du monde que supposent ces lointaines destinations ne donnera qu’une dimension plus forte aux sociabilités se jouant dans le petit groupe. Cette dimension est tellement omniprésente que, quand nous avions commencé à réfléchir à une typologie des pratiques touristiques avec Isabelle Sacareau il y a une dizaine d’années, nous n’avions pas distingué de catégorie « sociabilité ». Cette dimension était, en effet, présente partout, dans le jeu, dans la découverte, même dans le soin de soi, qui implique généralement que s’installe une relation de confiance avec son environnement social pour pouvoir, par exemple, sereinement s’exposer en maillot de bain sur une plage ou profiter de son mojito avec des amis.

Cette dimension de la sociabilité si importante dans la vie quotidienne ne peut prendre qu’une dimension particulière dans le déplacement touristique où l’exposition aux autres sera différente puisque les lieux fréquentés amèneront le touriste à côtoyer en nombre important des gens dont il n’est pas familier.

L’analyse des comportements interpersonnels et la place de la « distance » dans ces relations sont passionnantes, puisque la réussite d’un projet touristique suppose de trouver les bonnes distances avec les autres tout au long de l’accomplissement du voyage, et parce que, à nouveau, ce qui est dit de la distance recherchée avec les autres n’est pas forcément ce qui est vécu.

Cette analyse commencera par une réflexion sur la manière dont se combinent sociabilité et distance. Nous verrons, tout d’abord, comme nous l’évoquions précédemment, que la mise à distance est une manière de créer de la proximité ou du moins une manière de vivre des sociabilités de l’entre-soi dans de bonnes conditions. Néanmoins, c’est parfois aussi la proximité des « autres » qui est recherchée dans la mise à distance avec, là encore, des modalités qui peuvent rendre plus complexe qu’il n’y parait cette recherche de nouvelles rencontres. Nous aborderons ensuite la question de la masse qui est indissociable de la recherche de sociabilité. Les lieux fréquentés de manière intense sont souvent des lieux perçus comme propices aux rencontres multiples et en même temps se

développe toute une problématique de la masse qui serait insupportable par son nombre. Nous chercherons à comprendre cette apparente contradiction et verrons comment se construit la perception de la « qualité » des lieux en lien avec la fréquentation. La manière dont la gestion des lieux touristiques développe un certain nombre d’outils permettant de rendre supportable ou de tirer parti des fortes fréquentations sera aussi examinée. Enfin, dans un dernier temps, nous chercherons à comprendre comment, sur la plage, domaine de pratique emblématique du littoral, et souvent montré du doigt pour les fortes densités qu’il concentre, s’organise la distance dans les relations entre les plageurs.

31 - La distance crée la proximité dans les pratiques de tourisme 8

L’histoire du tourisme est une histoire de l’entre soi autant qu’une histoire de la rencontre. Bath, station thermale des campagnes du sud-est de l’Angleterre, est parfois qualifiée de matrice de tous les lieux touristiques (Équipe MIT 2005). Elle incarne le passage de la healthy place à la pleasure place (Boyer 1996), il devint, au XVIIIe siècle, un lieu permettant à l’oisiveté de s’afficher et incarnant autant la fréquentation aristocratique que l’intégration d’une bourgeoisie venant y décrypter les codes des bonnes manières. C’est donc aussi le lieu d’invention d’une classe de rentier qui régnera sur le tourisme du XIXe siècle et dont Marc Boyer nous dit qu’ils sont écartés du pouvoir, dépassés par le capitalisme et écrasés par l’extension du suffrage. « Les rentiers vivent une situation aliénante. Saisis par le « spleen », ils choisissent le voyage comme une « fuite de soi » (Boyer, 1996, p. 52). Dans cette fuite, les lieux de l’entre-soi seront souvent privilégiés : station thermale, station balnéaire, lieux de villégiature hivernale comme sur une Côte d’Azur que les Britanniques appellent encore Riviera. Se retrouver dans des lieux dédiés pour mieux vivre sa condition n’a rien de très orignal, mais le tourisme fait partie des pratiques qui permettent de légitimer un déplacement vers ces lieux de l’entre-soi. Nous pourrons voir aussi que cet entre-soi peut être très circonstanciel, la distance créant une proximité inattendue. Enfin, la distance peut aussi être pensée comme un moment permettant de vivre ensemble des choses plus denses.

311 - Entre-soi de « classe » à l’autre bout du monde

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Si, avec l’exemple des aristocrates, l’entre-soi peut être un entre-soi de classe, aujourd’hui, il se déclinerait à travers la structuration de l’espace social tel que la propose Pierre Bourdieu (1994) à travers non seulement une distinction en fonction du volume du capital (classes populaire, moyenne, dominante), mais aussi en fonction de la structure du capital avec la part du capital économique et celle du capital culturel. Aujourd’hui, les pratiques de distinction et d’entre-soi associées peuvent clairement se baser sur des combinaisons de ces différentes dimensions. Sélectionner des vacances dans des hôtels à 1 000 euros la nuit141 garantira de ne croiser que des gens ayant des moyens similaires aux siens. Certains hôtels installés sur des îles à proximité de la Grande Barrière de Corail en Australie pratiqueront des prix plus raisonnables, mais ne seront accessibles que par hydravion ou hélicoptère. La fréquentation de voyagistes spécialisés dans le voyage culturel comme Arts et Vie ou

141 Plus de 1 000 euros (NZ$ 1595) par personne pour séjourner une nuit dans l’hébergement de Dolphin

Clio, qui a construit sa réputation sur des voyages accompagnés par des « conférenciers » et non des guides, permettra là aussi de sélectionner indirectement les gens que l’on sera amené à côtoyer durant son voyage. D’ailleurs, Clio revendique un public « cultivé » qui partagera à n’en point douter les valeurs d’une « élite » éclairée.

L’entre-soi n’est bien sûr pas réservé à des groupes à fort capital. Nous avons évoqué, dans la deuxième partie de ce travail, les backpackers qui font le tour du monde. La fréquentation de lieux où s’organise une réponse commerciale à leur présence génère aussi les conditions pour que des petits restaurants, des hostels et autres services de location de vélo ou de kayak ne soient fréquentés que par ces jeunes voyageurs. Que l’entre-soi soit recherché ou pas, il se constitue de fait. D’autant plus que les interactions avec la société locale, autre que commerçante, restent en général très limitées.

Cet entre-soi peut aussi être classiquement lié à une pratique sportive, de la marche en montagne au surf, en passant par la pêche à la mouche. Là encore, des lieux peuvent s’organiser autour de la pratique générant les conditions d’une fréquentation partagée. Mais les sportifs seront de toute manière amenés à se croiser sur leur site de pratique et à échanger à propos d’un même plaisir. Pour certains lieux, comme les spots de surf par exemple, la rencontre avec les autres pratiquants, qui permet d’échanger des informations pratiques et de s’afficher comme membre de la « communauté », est presque un préalable à la mise à l’eau du surfeur. Certains pourront rattacher à ces pratiques sportives le shopping qui implique de pouvoir faire des affaires et donc d’en parler avec d’autres « acheteurs » qui seront en mesure d’apprécier les « performances ».

Ces regroupements, que l’on pourrait qualifier d’utilitaires en relation avec l’usage d’un même espace pour des mêmes pratiques sportives, peuvent faire penser à d’autres formes plus classiquement communautaires où le lieu est moins important que la communauté qu’elle rassemble. Néanmoins, que le lieu en soi ne motive pas le déplacement ne veut pas dire que tous les lieux soient appropriés. Emmanuel Jaurand et Stéphane Leroy l’expliquent très bien à propos du tourisme gay quand ils évoquent le fait que « Ainsi, c’est dans le choix de destinations accueillantes pour les gays, et l’évitement d’autres, marquées par l’insécurité en ce qui regarde l’homosexualité, que réside une spécificité notable du tourisme gay. Cela revient à dire dans une certaine mesure que les touristes gays eux-mêmes, plus que la qualité intrinsèque des lieux, constituent un élément de motivation du déplacement. » (Jaurand & Leroy, 2011, p. 301). Ils ajoutent que « La nécessité d’accéder à des lieux sans homophobie et fréquentés par d’autres homosexuels est au fondement du tourisme gay. ». Que des lieux soient accueillants pour une communauté n’implique automatiquement pas un entre-soi. Cependant, le fait que le tourisme gay, en tant que forme de tourisme communautaire142, s’organise autour de la rencontre d’autres gays, à des fins de sociabilité pouvant comporter une dimension sexualité notable, implique bien souvent l’entre-soi permettant ainsi « le repli dans des espaces à l’écart du regard hétérosexuel ».

En toute logique, des espaces hors du monde peuvent offrir des coquilles offrant cet environnement dans lequel ne se pose pas la question de l’acceptation ou non de son identité sexuelle. Le succès des

142 Tourisme gay que Emmanuel Jaurand et Stéphane Leroy distinguent bien du tourisme des gays qui, lui, ne s’organise pas automatiquement sur un projet de tourisme communautaire.

croisières gay et lesbienne est, à cet égard, emblématique. Emmanuel Jaurand et Stéphane Leroy notaient l’organisation de la première croisière de ce type organisée en France en 2009. « Cette mise à distance du monde et de l’Autre à l’intérieur d’une bulle relationnelle fermée témoigne de façon spectaculaire de la volonté de s’extraire des espaces hétérosexuels et de se retrouver entre homosexuels. » (Jaurand & Leroy, 2010, p. 1). Aujourd’hui, le succès de ce secteur de la croisière avec l’organisation d’une dizaine de croisières de ce type par an dans le monde, dont la moitié par le tour opérateur américain Atlantis Events, consacre cette formule où le voyage est une manière de se retrouver entre-soi (figure 51).

Figure 51 - L’entre-soi des « 2800 amis » de la croisière gay proposée par Atlantis Events

« 2800 amis du monde entier » sur le paquebot Celebrity Silhouette. Image d’annonce de la croisière Silhouette Caribbean Cruise du 1er au 8 février 2015

organisée par Atlantis Events, le plus gros tour opérateur spécialisé dans les croisières gay (qui a racheté RSVP Vacations, autre acteur majeur du secteur).

Site Atlantis Events, http://atlantisevents.com/Silhouette-Caribbean-Cruise/38#overview (consulté le 24 août 2014)

Cette logique du repli se retrouve pour d’autres groupes communautaires souhaitant échapper à la stigmatisation ou souhaitant tout simplement trouver un cadre et une offre correspondant à leurs attentes loin du regard des autres. C’est le cas de certaines communautés religieuses qui peuvent avoir des exigences particulières en matière de comportements publics, d’interdits alimentaires et bien sûr de pratiques religieuses. On trouve ainsi, dans la liste des plages de la mairie de Tel Aviv, le signalement d’une « plage des religieux », isolée par des murs et réservée à la population juive orthodoxe. Même si Tel Aviv connaît d’autres plages marquées par une fréquentation communautaire, gay, musulmane, la plage des religieux est la seule qui soit aussi exclusive et aussi

explicite dans son souhait de l’entre-soi. Mais l’usage de cette plage n’est pas spécifiquement touristique et s’adresse en partie aux habitants de la cité.

Dans cette même logique, il est possible de se demander s’il existe des pratiques de tourisme « kasher ». Une prise en compte des interdits alimentaires permettant de vivre sereinement déplacement et pratiques religieuses est possible dans les circuits du tourisme international, que cela soit dans les grands hôtels ou les compagnies aériennes, mais nous n’avons pas identifié de tour opérateur se revendiquant ouvertement d’une pratique du judaïsme. Des Jewish tours (Europe, Pologne, Berlin, Brooklyn, etc.) sont proposés par des tours opérateurs communautaires, mais ils sont souvent organisés autour d’un tourisme sur des lieux de la culture, du patrimoine et de l’histoire juive. Il ne s’agit pas de se retrouver dans un hôtel club avec d’autres membres de sa communauté afin de vivre de manière pleine et détendue son appartenance.

Il est à noter que de nombreuses communautés ayant des pratiques religieuses traditionalistes et/ou intégristes considèrent le tourisme comme une pratique inappropriée et n’ont donc pas développé de forme spécifique.

Ce n’est pas le cas du tourisme halal qui est en plein développement aujourd’hui. Cette forme de tourisme s’adresse aux familles musulmanes souhaitant pouvoir séjourner dans des lieux respectant les codes de leur pratique religieuse, que cela soit pour l’alimentation et l’absence de consommation d’alcool, mais aussi en lien avec un code vestimentaire « pudique ». Halal Booking vous propose ainsi « des vacances dans le respect de l’éthique musulmane. Le tourisme islamique 143», quand

l’objectif de Voyages Halal « est de permettre aux musulmans d’explorer le monde dans le respect

de l’éthique musulmane et islamique 144».

Ce tourisme, qui se distingue du voyage de dévotion musulman structuré depuis longtemps autour du Hajj ou de la Oumra, les pèlerinages à la Mecque, s’organise autour de la fréquentation d’hôtels souvent luxueux, ce qui montre que l’accès à cette forme de tourisme concerne des populations aisées. La place du balnéaire est aussi très importante avec des plages réservées, voire des zones de plage privées pour les femmes.

La structuration de ce secteur du tourisme halal en Europe remonte à quelques années. Le Crescent

Rating, qui propose depuis 2009 une expertise internationale sur le tourisme halal, établit un

classement des destinations les plus « Muslim friendly » depuis 2011. On y distingue les lieux qui semblent les plus adaptés pour vivre cet entre-soi respectueux de l’éthique musulmane. De manière étrange, ces pays sont classés en deux listes, l’une concernant les pays membres de l’Organisation de la coopération islamique145 (OIC) regroupant les pays à forte population musulmane, et l’autre pour les autres pays. « L’entre-soi » semble donc être appliqué à plusieurs niveaux d’échelle ne permettant pas de savoir si les services aux touristes musulmans sont meilleurs à Singapour, premier des pays non-musulmans, ou en Indonésie, quatrième des pays musulmans.

143 Site de l’agence Halal Booking, http://fr.halalbooking.com/voyage_halal (consulté le 24 août 2014). 144 Site de l’agence Voyages Halal, http://www.voyageshalal.com/tourisme-voyage-halal/ (consulté le 24 août 2014).

Figure 52 - Carte des meilleures destinations de vacances pour le tourisme halal en 2014

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8 « Holiday destination ranking - Crescentrating’s Halal Friendly »

Pays OIC (appartenant à l’Organisation of Islamic Cooperation) et Pays non OIC Critères clés du classement : Holiday Destination = Family Friendly Destination

Halal Friendliness = Halal food availability, Prayer rooms availability, Halal friendly accommodation Marketing = Destination marketing initiatives to the Muslim Travel market

Source : Crescent Rating « The World's Leading Authority on Halal/Muslim Friendly Travel » http://www.crescentrating.com/crescentrating-rankings.html

312 - Cocorico à Pékin, les proximités de circonstance

Tous les touristes ayant voyagé à l’étranger ont expérimenté cette propension, chez certains, à considérer tout compatriote comme un proche après quelques jours loin de chez eux. Le fait d’avoir communiqué difficilement avec son environnement durant un temps plus ou moins long, et très variable en fonction des personnes, implique que la parole à nouveau libérée se doit d’être employée avec célérité. Si ces échanges sont évités par beaucoup comme la peste, car vous désignant à la face de tous comme un « touriste » susceptible d’être de masse, pour d’autres, c’est le doux moment où l’on peut échanger sur la piètre qualité de la nourriture et sur les mésaventures en tous genres qui font que l’on est heureux de pouvoir échanger avec quelqu’un qui peut vous comprendre. Pour le touriste français, un Belge ou un Suisse pourront faire l’affaire ; le cocorico patriotique s’incarnant habituellement dans une critique de la qualité du pain ou de l’absence de pain, se transformant en une

ode aux valeurs communes de la francophonie… et une critique de la bière locale.

Plus on s’éloignera des sentiers battus et plus les proximités de circonstance deviendront larges. Cette définition d’une proximité à rayon toujours plus grand en fonction de l’éloignement sera proportionnelle à la manière de revendiquer son appartenance de quelque part. Le touriste venant du quartier de La Hume à Gujan-Mestras (Gironde) sur le bassin d’Arcachon se présentera, en quittant le « Bassin » comme de « Gujan », avant de se réclamer d’Arcachon, puis en quittant la France de s’identifier par rapport à Bordeaux, avant, à l’autre bout du monde de revendiquer « France ! Paris ! ». Ce référencement-identité géographique à géométrie variable correspondra bien souvent à des niveaux d’agglomération que le voyageur appliquera aux autres touristes qu’il rencontrera. Au Maroc, un Espagnol deviendra proche ; en Chine, l’Américain deviendra fréquentable, et en quittant le monde « civilisé », il sera rassurant d’échanger avec un Japonais. Bien sûr, cette belle équation donne une tendance et ne sera pas systématiquement vérifiée.

Il est intéressant de noter que ces remarques, qui concernent habituellement des formes de tourisme classiques s’inscrivant dans des durées du voyage d’une semaine à une quinzaine de jours146, sont aussi très présentes chez les voyageurs engagés dans des périples beaucoup plus longs. Suzanne Lallemand (2010), qui a enquêté auprès de jeunes routards en Indonésie, remarque ainsi que l’entre-soi de circonstance est en permanente recomposition dans des groupes se constituant et se défaisant au rythme des rencontres. L’essentiel des sociabilités de jeunes gens, comme nous l’avons déjà signalé préalablement, se déroule à l’intérieur des groupes, dont Lallemand souligne qu’ils se distinguent par le fait qu’ils ont bénéficiés d’une instruction plus longue que celle de la moyenne des jeunes locaux ; que l’éducation reçue contient une part de contenu et d’étapes communes ; qu’ils ont subi, en matière de politesse, des injonctions présentant des analogies et qu’enfin, ils partagent généralement un même groupe d’âge, celui des 20-35 ans.

Cet aspect peut rejoindre l’idée de pratique communautaire, dont l’existence pourrait être confortée par la volonté de se définir par opposition à « l’abomination qu’est l’afflux touristique » comme le signale Lallemand. Mais il est aussi observé que le jeu des critiques (et des rapprochements de circonstance) se fait en général au sein même des regroupements de routards. Dans les losmens (hôtels bon marché), les critiques portent en général sur les visiteurs de nationalités différentes, plus que sur les locaux croisés dans la journée : les Australiens sont bruyants, les Américains sont sans gène. Cependant, la présence ou l’absence de locuteurs de sa propre langue147 ainsi que les départs et les arrivées, entraînent une reconfiguration permanente des rapprochements. Le fait que les jeunes voyageurs soient aussi amenés, pour des questions de budget, à négocier de manière collective le prix de différents services (transports, guides) joue aussi dans la génération de ces proximités de

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