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- d’activités : soit des motifs, des mobiles de l’individu dans le but de réaliser une action. Il n’y

aurait pas d’activité sans motif. Un même motif peut donner lieu à une multiplicité d’actions.

Afin de réaliser des activités il convient que « les motifs et les buts de l’individu coïncident »

(Leontiev, 1975/1976, p. 297).

- d’actions : soit les buts conscients visant un objet immédiat. Une fois atteint, les buts vont

influencer les motifs (l’activité est un processus de transformations). Les activités les englobent

au sein de contexte spécifiques pour répondre à des motifs plus vastes. Les actions s’effectuent

par des opérations. Une action peut servir plusieurs activités. « Pour que surgisse une action, il

est nécessaire que son objet (son but immédiat) soit conscientisé dans son rapport au motif de

l'activité dans laquelle est insérée cette action. » (Leontiev, 1976, p.293).

- d’opérations : soit des conditions, des moyens de réaliser une activité. Elles correspondent à

des actions dont la production a été « automatisée à force de réalisations successives »: soit des

modes opératoires.

72 L’exemple de la chasse primitive: « les motifs de l’activité consistent à se nourrir et à se vêtir, le but de l’action du rabatteur consiste à traquer le gibier et à le rabattre vers des chasseurs chargés de le capturer. Dans un cas comme dans l’autre les dimensions sociales et collectives sont présentes. L’activité renvoie à des ressorts sociaux, des valeurs partagées, à l’histoire ou la tradition d’un groupe social, etc. L’action, qui répond à un but précis, peut se réaliser de façon individuelle, collective ou partagée (division sociale du travail). Mais pour être comprise, pour en saisir le sens, il faut pouvoir relier l’action à l’activité des autres et aux motifs qui la suscitent. Ainsi, on ne comprend pas l’action du rabatteur si elle n’est pas mise en relation avec celle des chasseurs. On peut même considérer l’action d’effrayer le gibier comme contraire au but recherché de capturer la proie » (Amigues, 2003, p.8).

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Ce rapport dynamique entre « les activités », « les actions » et « les opérations » permet de

comprendre comment se transforme et se développe l’activité individuelle

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: « l’activité peut perdre

le motif qui l’a fait naitre et se transformer alors en une action réalisant peut être un tout autre

rapport au monde, une autre activité; à l’inverse, l’action, peut acquérir une force motivante

autonome et devenir une activité particulière; enfin l’action peut se transformer en moyens

d’atteindre un but, en opération capable de réaliser certaines actions ». (Leontiev, 1975/1979,

p.121). Selon Clot (2008) « les mobiles initiaux de ce dernier (de l’individu) sont transformés par

de nouveaux à travers la création d’opérations nouvelles pour atteindre les buts » (p.128).

Les travaux de Leontiev nous intéressent particulièrement dans cette recherche puisqu’ils

permettent de mieux comprendre comment se développe l’activité individuelle d’un acteur. Il

semble nécessaire afin d’analyser l’activité d’un acteur de prendre en compte « ses motifs », « ses

buts » et « les moyens dont il dispose ».

1.2.2. L’individu a des objectifs qui lui sont propres : stratégies d’acteurs et

enjeux identitaires

La sociologie des organisations s’intéresse à la notion « de stratégies d’acteurs » afin de

comprendre comment l’acteur s’investit dans son activité. Une multitude de significations est

attachée à la notion d’acteur en sciences sociales. Selon le dictionnaire le Robert (2014).: « un

acteur est une personne qui prend une part active, joue un rôle important »

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. L’acteur est celui qui

agit, qui change son environnement matériel et social « en transformant la division du travail, les

modes de décision, les rapports de domination et les orientations culturelles » (Farro, 2000).

L’acteur agit à l’intérieur d’un système (ici le milieu de travail, empreint de contraintes, de

possibilités) qu’il contribue à construire mais qui dans le même temps l’influence.

Dans cette recherche, nous entendons par « acteur » chaque personne participant de près ou de loin

à la démarche ORSOSA. L’idée sous-jacente étant que chaque personne peut à un moment donné

s’engager, être à l’initiative de propositions vis-à-vis de la démarche mise en place. Nous

considérons comme acteur, un individu présent aux réunions organisées par l’intervenant afin de

73 C’est ainsi que Clot (1995) s’est inspiré des travaux de Leontiev afin de créer le concept « de pouvoir d’agir » (cf. Partie 2, chapitre 2, 2, 2.).

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déployer la démarche ORSOSA. Un individu qui reconnaît l’ampleur d’une problématique

rencontrée dans son milieu de travail, qui est prêt à y faire face et à chercher des moyens (quels

qu’ils soient) pour y pallier est considérer comme un acteur. Selon Contandriopoulos, Champagne,

Denis et Avargues (2000a), « les acteurs sont caractérisés par leurs projets, leurs conception du

monde et leurs convictions, les ressources qu’ils ont ou qu’ils contrôlent et leurs disposition à agir.

Ils interagissent dans un jeu permanent de coopération et de concurrence, pour accroitre leur

contrôle sur les ressources critiques du système d’action » (p.522).

La démarche ORSOSA mobilise plusieurs acteurs au sein d’un même établissement d’horizons et

de niveaux hiérarchiques différents. Leur implication dans cette démarche peut donc varier. La

« théorie des jeux d’acteurs » de Crozier et Friedberg (1977) montre les formes dynamiques des

interactions entre les acteurs dans une organisation. Selon cette théorie, bien que toute organisation

soit soumise à des incertitudes (en termes économiques, organisationnelles, socioculturelles,

technologiques), certains acteurs seraient capables de maitriser, réduire certaines d’entre elles. Il

existe différentes façons de maitriser ces zones d’incertitude au sein des organisations : contrôler

des ressources matérielles et financières ; avoir des savoir-faire et compétences particulières ; gérer

la production d’informations et leurs diffusions ; avoir la possibilité de créer, modifier, interpréter et

faire appliquer des règles de fonctionnement ; avoir la capacité de déplacer, muter, changer de poste

d’autres acteurs (Bobillier-Chaumon et Sarnin, 2012). Ainsi, les acteurs mettent en œuvre des

stratégies afin d’atteindre « des objectifs propres » (Soparnot, 2005, p.77). Mettre en parallèle cette

approche avec la théorie des motifs de Leontiev (cf. Partie II, chapitre 3, 1.2.1) nous parait alors

pertinent. Chaque stratégie est rationnelle dans la logique des acteurs. Ces derniers cherchent à

améliorer leur capacité d’actions, s’aménager des marges de liberté parfois au détriment de celles

des autres. Crozier et Friedberg (1977) suggèrent d’analyser les stratégies des acteurs en termes de

contraintes et d’opportunités afin de dégager : les caractéristiques et les projets des acteurs ; les

enjeux tels qu’ils les perçoivent ; les ressources et les handicaps dont ils disposent ; les relations

entretenues avec d’autres (Bobillier-Chaumon et Sarnin, 2012). Cette analyse permettrait de

comprendre les stratégies de certains professionnels dans une organisation donnée.

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