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La segmentation attire des critiques de la part des desi-

5.4 Partie V : de nouveaux outils numériques pour les designers in-

1.2.3 La segmentation attire des critiques de la part des desi-

Les designers industriels ne se satisfont pas de cette méthode d’intégration par juxtaposition pour plusieurs raisons ([16]). Tout d’abord, ils prescrivent no- tamment les dimensions extérieures des produits qu’ils conçoivent ([106, 107]). A ce titre, ils souhaitent intervenir tout au long du processus afin d’être cer- tains que leur conception initiale ne sera pas trahie. Lorsqu’ils s’expriment lors de phases de «creative front end» ils emploient généralement des medias de conception traditionnels tels que le maquettage, «clay modeling» ou encore le «sketching» ([42, 100, 40, 101, 34, 35]). Ces médias sont intensivement explo- ratoires et favorisent la créativité. En effet, de telles ressources fournissent un moyen de suggestion et d’exploration davantage que de prescription claire.

Toutefois, ces atouts se meuvent en contrainte dès lors qu’il s’agit de trans- mettre à d’autres le concept. Ces médias comportent en effet une large part d’ambiguïté et fournissent peu de détails. Bien plus, en compartimentant la créa- tivité et en limitant l’intervention des designers industriels aux phases amont du processus il existe un fort risque d’interprétation erronée ou de simplification de leur concept initial, ce qu’ils vivent comme une trahison. En effet, un détail insignifiant pour les autres concepteurs mais crucial pour les designers indus- triels peut être éliminé lors des phases de développement. Il est, par ailleurs, délicat d’utiliser ces médias comme moyen de prescription, alors qu’ils sont pour le concepteur créatif un «moyen de discuter avec lui-même» et «de faire avancer son concept», comme le souligne Schön dans ses deux ouvrages ([92, 93]. Les designers industriels sont ainsi rarement en mesure de savoir ou de prédire les éléments du concept qui sont impérativement à conserver sans suivi de celui-ci au cours de ses nombreuses phases de développement.

Enfin, il est également courant que lorsque des impératifs de développe- ment spécifiques, tels que des délais très courts ou l’obligation d’utiliser une technologie, il soit demandé aux designers industriels d’intervenir sur des ob- jets quasiment entièrement conçus. Lors de telles situations, les phases créatives sont souvent les premières à être «sacrifiées». De plus, les designers industriels s’accommodent très mal de ces interventions tardives et comparent cet état à de «l’habillage de bossu» ([70]). La Figure 1.8 illustre ce type de travail d’em- ballage.

Figure 1.8 – La machine Gestetner à dupliquer (a) avant et (b) après l’intervention de Loewy.

1.2.4

Le design gap est un épineux problème de la juxta-

position

L’usage de ce processus séquentiel ainsi que son mode d’intégration de la créativité par juxtaposition pose un autre problème, dont les solutions sont ar- demment débattues dans la littérature des outils de conception numériques. Le

passage des phases amont créatives aux phases de développement produit induit généralement un «design gap» ([106, 107, 4, 118]). Il s’agit d’une “incapacité pour les concepteurs de disposer d’outils numériques pour effectuer les premières étapes de la conceptualisation du futur produit”. Une telle incapacité à disposer d’outils numériques offrant les mêmes performances d’exploration et de créati- vité que les outils traditionnels, contraint les concepteurs à conserver et faire évoluer leurs concepts sous une forme qui n’est pas intégrable sans perte pour l’industrie. La richesse des médias traditionnels est perdue lors de la conversion des données en représentations sauvegardées numériquement. De plus, il est dif- ficile pour un concepteur de maîtriser simultanément la conceptualisation son sa forme traditionnelle et une expertise des outils de CAD. En conséquence, cette conversion de données est souvent gérée par des modeleurs spécialisés. Cette médiation additionnelle renforce l’éloignement avec le concept initial et accentue la perte de contrôle dont les designers industriels se disent victimes.

Par ailleurs, les concepteurs d’outils étudient depuis longtemps cette déli- cate question. Les chercheurs en sciences informatiques s’efforcent également de résoudre cette transition entre créativité intensive et développement industriel sans perte. Les espaces hybrides d’idéation en sont en bon exemple, illustrés en Figure 1.9 ([29, 31]).

Figure 1.9 –L’espace hybride d’idéation ([29, 31]).

Plusieurs approches sont proposées, liées majoritairement à la création d’ou- tils reproduisant les modalités physiques d’interaction des designers lorsqu’ils emploient des moyens traditionnels (en opposition à ceux du numérique). Les interfaces sont inspirées du dessin (outil historique des concepteurs créatifs) et de la sculpture sur glaise (technique très utilisée par les designers industriels du domaine de l’automobile). Les propositions de nouveaux outils de concep- tion pour les designers industriels sont principalement axées sur les phases qui précèdent le «design gap», ou sur le «design gap» lui-même ([3]), à l’endroit identifié en Figure 1.10.

Figure 1.10 –Le processus de conception séquentiel en deux temps, avec le «design gap» qu’il génère.

1.3

Le modèle séquentiel est un cas particulier

qui se fonde sur des hypothèses simplifica-

trices.

Le modèle séquentiel du processus est omniprésent et incontournable dans l’industrie mais nous doutons de sa performance lorsqu’il s’agit d’intégrer des designers industriels créatifs afin d’atteindre des innovations radicales. En fait, la modélisation du processus implique un grand nombre d’hypothèses simplifica- trices (dont découlent également ses nombreux avantages). Nous en identifions trois qui jouent un rôle majeur quant à la nature de la conception dans la suite logicielle. Nous allons les répertorier et les commenter afin qu’un nouveau mo- dèle capable d’intégrer la créativité différemment de la juxtaposition émerge.