1.2 Problèmes multi-échelles 1.2.4 Schémas préservant l’asymptotique Dans cette partie, on présente les méthodes préservant l’asymptotique (Asymptotic Pre-servingen anglais) qui occupent une place primordiale dans ce manuscrit. Dans la suite on désignera par les initiales AP le terme Asymptotic-Preserving. Présentons dans un premier temps le contexte où peuvent être utiles ces schémas. Soit un réel positif qu’on choisira inférieur ou égal à 1 , sans perte de généralité. Un problème physique faisant intervenir un tel paramètre sera noté P. Nous supposerons que la solution de ce problème notée u converge (dans un certain sens) vers une solu-tionu0d’un problème limite, notéP0. De tels problèmes sont délicats à étudier aussi bien d’un point de vue analytique que numérique. En effet, les problèmes non-limite et limite peuvent être de nature mathématique complètement différente (le problème limite étant souvent plus simple que le problème initial). Et certaines méthodes analytiques et/ou nu-mériques adaptées pour le problème non-limite ne le seront pas plus le problème limite (et réciproquement). Les schémas préservant l’asymptotique trouvent leur motivation dans le contexte des problèmes multi-échelles évoqués précédemment. Les méthodes numériques classiques peuvent échouer à résoudre correctement de tels problèmes. En guise d’exemple, tout schéma numérique explicite souhaitant résoudre un problèmePfera apparaitre une condi-tion de stabilité qui dépendra de, ainsi dans de nombreux cas, à la limite→0, il faudra prendre des pas de temps et/ou d’espace de l’ordre depour ne pas violer cette condition. Ce qui n’est pas tolérable pour des valeurs très faibles de. Une première idée afin de contrer ce problème serait de résoudre le problème limiteP0 plutôt que le problèmeP. Mais pour cela, il faut que celui-ci soit bien connu, ce qui n’est pas toujours le cas. De plus, dans de nombreux cas physiques, se préoccuper uniquement du problème limite est réducteur. Les exemples de problèmes multi-échelles donnés précé-demment ont montré que le paramètrepouvait être relié à un paramètre physique. Cela permet de souligner le fait que le problème limite n’est pas toujours adapté pour décrire le phénomène physique considéré. Si est très faible dans certaines zones du domaine, il peut être de l’ordre 1 dans d’autres. Le paramètrepeut donc varier en espace et en temps du fait de l’évolution des propriétés physiques du système. Une deuxième idée serait de développer un schéma numérique pour le problèmeP et un autre pour le problème P0 (sous couvert de connaitre ce problème limite). Mais cette approche pose le problème de la zone de transition entre les deux régimes et de la manière de coupler les deux modèles. De plus, il est nécessaire de connaitre précisément la variation spatiale de afin de construire une zone de transition appropriée. L’idée d’un schéma AP est de résoudre sans condition de stabilité qui dépendrait deles problèmesPetP0sans passer par le développement de deux méthodes numériques distinctes. Propriétés d’un schéma AP. Nous allons considérerP,hune discrétisation du problèmePetP0,hune discrétisation du problèmeP0, avech= (∆x,∆t) . Un schéma préservant l’asymptotique devra vérifier ces trois conditions : — Le schéma développé devra être uniformément stable par rapport à. — Pour tout >0 fixé,P,h devra être une discrétisation consistante du problèmeP. — Pour touthfixé,P0,hdevra être une discrétisation consistante du problèmeP0. Ainsi, ces schémas sont en mesure d’obtenir les bonnes solutions numériques aux échelles microscopique et macroscopique en une même procédure numérique. Nous pouvons résu-mer notre propos dans le diagramme commutatif présent sur la Figure1.8: P,h P P0,h P0 → 0 h→0 h→0 → 0 Figure1.8 – Propriétés d’un schéma préservant l’asymptotique. Construction d’un schéma AP. Si nous avons expliqué ce qu’est un schéma préservant l’asymptotique, il reste à donner la méthode pour construire un tel schéma à partir de notre problème de départ. 1. Reformulation du problème à perturbation singulière. Bien souvent, le problème P est singulier, ce qui conduit à un problèmeP0 de nature mathématique très diff é-rente du problème initial. Une des premières étapes du développement d’un schéma AP (bien qu’elle ne soit pas toujours nécessaire) est de reformuler mathématiquement le problèmeP afin d’obtenir un nouveau problèmeR équivalent au problèmeP. L’idée est que ce problème reformulé soit une perturbation régulière du problème limite P0. Ils seront donc sous une même forme mathématique et le traitement nu-mérique sera largement simplifié. 2. Discrétisation en temps adaptée. L’étape suivante est la discrétisation en temps du problème reformulé (ou du problème initial si ce dernier n’a pas été reformulé). Afin de s’assurer de la stabilité inconditionnelle du schéma, on implicite tous les termes raides du problème, s’il en reste après la régularisation du problème. 3. Discrétisation en espace adaptée. Enfin, il faut choisir une discrétisation en espace des opérateurs présents dans le problème reformulée. Cette étape est aussi impor-tante que la discrétisation en temps. En particulier, même si tous les termes raides sont implicites, un mauvais choix de discrétisation spatiale peut conduire à un schéma numérique ne respectant pas les propriétés d’un schéma AP. Ce point sera illustré dans le Chapitre 2. Quelques références pour finir. L’esprit des schémas AP a été introduit la première fois par Larsen & al. au sujet de l’ob-tention de la solution stable lors du transport de neutrons en régime diffusif [91]. Pour une revue détaillée des méthodes préservant l’asymptotique, on renvoie à [80,112]. De nombreux schémas AP ont été développés pour résoudre une grande variété de pro-blèmes, incluant des problèmes anisotropes elliptiques [35,36] ou paraboliques [107], ainsi que des équations de Vlasov dans le régime hydrodynamique [55], le régime de dérive-diffusion [30,84], ou encore le régime en champ magnétique fort [31,81]. On peut égale-ment citer les problèmes liés au régime faible-Mach de l’équation d’Euler [37,42]. Dans le document Étude mathématique et numérique d'équations cinétiques et fluides multi-échelles pour la description d'un plasma de fusion (Page 31-34)