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LA SCENE PETROLIERE ET GAZIERE INTERNATIONALE : INCERTITUDES, ENJEUX ET CHALLENGES POUR L’ALGERIE 1

Dr Mourad PREURE2

Résumé

L’auteur explique les changements à l’œuvre dans l’industrie mondiale des hydrocarbures et leurs incidences sur l’Algérie. Il met en évidence quelques hy-pothèses sur les évolutions dans le futur immédiat, le moyen et le long terme. Il aborde ainsi les grands équilibres et les tendances lourdes, ainsi que les jeux d’ac-teurs. Il examine succinctement les évolutions récentes du marché pétrolier, et tente de poser quelques hypothèses sur les évolutions attendues dans le futur immédiat et dans le moyen et le long terme. Il aborde ensuite l’industrie gazière et plus spécifiquement la scène gazière européenne, le marché naturel de l’Algé-rie, et conclut en posant quelques questions sur l’impact de cette crise sur l’Al-gérie, à son potentiel et aux challenges, auxquels il est confronté.

A. L’industrie pétrolière

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ous vivons un puissant épisode baissier engagé depuis l’été 2014. Les prix ont été divisés par deux. Les raisons :

un excédent d’offre provenant des huiles de schistes américains, alors que l’OPEC dépassait déjà son plafond de 1 Mbj ;

une forte progression du dollar ;

une surproduction des pays de l’OPEC, principalement l’Arabie saou-dite. (décision de l’OPEC, prise en Novembre 2014, de laisser les forces du marché stabiliser les prix) ;

livrés aux forces du marché, les prix ont un caractère erratique, en l’absence de forces de rappel ;

ces facteurs déterminants interviennent dans un contexte de ralentis-sement de l’économie mondiale dont la croissance a été de 3% en 2014.

1 Conférence organisée à l’INESG, le 03.12.2015.

2 Expert pétrolier international et Président du Cabinet EMERGY.

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Il reste que même si l’offre est abondante, le facteur dominant est le fléchis-sement de la demande par rapport à la dynamique de l’offre. Il y a manifestement un problème de demande. Le pétrole remontera durablement, quand une dyna-mique de demande reprendra, ce qui est prévisible à moyen terme.

Stratégies et jeux des deux principaux acteurs : L’Arabie saoudite et les Etats-Unis

L’Arabie saoudite

L’évolution de la production pétrolière mondiale, depuis les chocs haussiers de la décennie 70 s’est caractérisée par la montée en puissance de la production NOPEC et la réduction tendancielle de la part de celle-ci dans la production mon-diale. A présent, l’OPEC représente 41% (en incluant les LGN) de la production mondiale, alors qu’elle détient 72% des réserves. La période des prix élevés a rendu possible la révolution des huiles de schiste.

L’Arabie saoudite et les pays du CCG refusent de jouer le rôle de swing pro-ducer, ajustant sa production pour défendre les prix, et voir ses parts de marché s’éroder encore. Elle n’a pas provoqué la baisse des prix, mais l’a suivie, visant un changement structurel du marché, ce qui semble hautement improbable.

L’OPEC, sous l’impulsion de l’Arabie saoudite appelle à un partage des sacrifices avec les pays NOPEC. Ce qui est difficile à envisager aujourd’hui avec les schistes américains et la Russie en mal de ressources pour soutenir son économie.

Il semble cependant fortement probable que la guerre des prix déclenchée par l’Arabie saoudite se termine en queue de poisson, comme toutes celles dans lesquelles ce pays a entrainé l’OPEC par le passé. Un retour à une politique de défense des prix est inévitable, car la baisse des prix ne peut être enrayée par une dynamique de demande, impossible aujourd’hui, mais par une réduction de l’offre.

Les Etats-Unis

Aujourd’hui les Etats-Unis sont le centre des bouleversements dans l’indus-trie pétrolière. Ils sont passés d’une doctrine, où ils renonçaient à l’indépendance pétrolière au profit du contrôle des grandes zones de production vers une re-cherche de l’autosuffisance pétrolière et une moindre exposition aux crises poli-tiques du Moyen-Orient. Les Etats-Unis sont déjà indépendants du Moyen-Orient.

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La révolution des schistes américains est l’événement le plus important depuis la rencontre entre Roosevelt et Ibn Saoud sur le croiseur Quincy en mer Rouge, en 1945, rencontre qui a consacré leur contrôle sur le pétrole moyen-oriental.

Cette nouvelle situation précarise l’Arabie saoudite et crée un contexte géopoli-tique inédit. Le rafraichissement des relations entre les Etats-Unis et l’Arabie saoudite et le rapprochement avec l’Iran sont une première manifestation du nou-veau paradigme pétrolier à l’œuvre.

L’exceptionnelle résilience de la production américaine à la guerre des prix menée par l’Arabie saoudite s’explique par trois facteurs, insuffisamment pris en compte par cette dernière :

(i) le progrès technique combiné à la pression sur les sociétés de service a permis d’abaisser les coûts entre 20 et 40% et rendu possible une rési-lience de la production américaine. Le nombre de puits a baissé de 1539 fin Décembre 2014 à 662 fin Mai 2015 sans que la production ne dé-croisse sensiblement.

(ii) une évolution darwinienne du secteur, qui a vu les plus faibles avalés par les plus forts, rendant les producteurs en mesure de résister à la baisse des prix. D’autre part, les producteurs américains se sont couverts en ven-dant leur production future sur les marchés à terme ou ont pris des cou-vertures sur les marchés financiers (hedging). Nous vivons un moment charnière, où les couvertures prennent fin, et où la concentration va s’ac-célérer, renforçant encore la résilience de la production américaine.

(iii)La gestion des stocks américains, qui atteignent des pics historiques du fait des prix bas, agit puissamment sur les prix et reste une épée de Da-moclès sur l’OPEC.

Nous pensons que l’essor pétrolier américain n’est pas soutenable sur le long terme. Le retour vers le pétrole OPEC, notamment moyen-oriental est une ten-dance lourde. La production américaine ne peut pas structurellement suppléer au pétrole OPEC. La production américaine atteindra son plafond en 2016,selon l’Etat américain, puis déclinera à la fin de la décennie. Il n’y a pas de sources al-ternatives en non conventionnel au pétrole de schiste américain. Les Etats-Unis restent aussi fragilisés par le coût de production très élevé de leurs gisements.

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Situation présente

La baisse de 50% en une année n’a pas stimulé la demande, comme at-tendu, ni réellement fait sortir du marché les pétroles coûteux américains.

Pire encore, du côté de la demande, la baisse est sensible. Les demandes chinoise et américaine augmentent faiblement comparativement aux ten-dances historiques; la demande européenne poursuit son cycle de stagnation.

Les pays émergents ne sont plus, pour le moment, le moteur de l’économie mondiale, là est le vrai problème. La reprise en Asie pourrait absorber les surplus pétroliers. Quand viendra-t-elle ?

Le marché reste surapprovisionné. L’excédent d’offre serait de l’ordre de 2 Mbj. L’OPEC n’en a cure et produit 31.7 Mbj en moyenne ces trois der-niers mois.

Les inquiétudes sur la croissance chinoise ont impacté directement le marché et effacé la légère reprise des cours du second trimestre.

La Chine a représenté 40% de la croissance de la demande entre 2010 et 2014.

Prix : WTI : 40.57 $ et Brent 43.23 $.

Les raisons :

renforcement du dollar ;

excédents qui risquent de s’accentuer du fait du ralentissement de la demande ; stocks élevés (ils ont atteint le record de 3 Gbls) pas d’inquiétudes sur des ruptures d’approvisionnements ;

mauvaises statistiques chinoises ; prix du pétrole bradés par l’Irak ; déprime des autres matières premières.

Mais si la FED augmente ses taux directeurs mi Décembre, le choc sera fort pour les pays émergents du fait de la fuite des capitaux qui s’ensuivra et compli-quera leur reprise, et affectera la demande en même temps que le renforcement du dollar pèsera sur les prix. On sait qu’il y a une corrélation inverse entre le cours du dollar et les prix pétroliers.

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Comment sera 2016 ?

L’AIE a revu à la baisse les perspectives de croissance économique en 2016 autour des 3% contre 5% en moyenne les cinq années précédant la crise de 2008.

Selon l’AIE, la demande sera de 94.4 Mbj en 2015 et 95.6 Mbj en 2016, soit une hausse de 1.21 Mbj. L’offre NOPEC devrait se contracter de 600 000 bj. L’appel au pétrole OPEC pourrait être plus important que prévu et atteindre 32 Mbj le deuxième semestre 2016.

Pour 2016, l’OPEC est néanmoins exposée au retour sur le marché de vo-lumes provenant de certains des plus significatifs de ses membres. (Iran 1 Mbj;

Libye capacité inutilisée de 1 Mbj ; Irak 500 000 bj à 1 Mbj). La discipline au sein de l’OPEC et le partage des sacrifices seront difficiles à tenir.

L’Iran veut un quota de 4.3 Mbj. Seule inconnue : l’état des installations ira-niennes (augmentation de 500 000 à 1 Mbj : quand ?), alors que la capacité inu-tilisée de l’Organisation en 2016 sera de 2 Mbj. L’accord avec l’Iran entre en application le 15 décembre. L’arrivée des volumes iraniens commencera à affec-ter le marché visant à atteindre un niveau de 1 Mbj.

Il n’est pas exclu de voir le risque que l’excédent d’offre se maintienne et même s’aggrave en 2016, exerçant une pression baissière sur les prix. 2016 sera une année de forte incertitude.

Pour 2016, trois scénarios sont envisageables :

Scénario 1:moyennement probable, où la pression baissière des surcapacités de