En nous basant sur la littérature, il nous parait difficile de savoir si un scénario décrit une
séquence spécifique d’actions ou l’ensemble des séquences possibles. Pour éclaircir ce point, dans
la suite de ce manuscrit nous appelons scénario “l’agencement temporel et causal des actions
dans l’environnement virtuel lors d’une session d’utilisation du système de réalité virtuelle.”.
Nous définissons unmodèle de scénarioscomme le “formalisme et l’organisation de données
permettant de décrire des scénarios ainsi que les mécanismes qui permettent leurs utilisations par
les composants du système de réalité virtuelle” (voir Figure2.12). Nous appelonsspécification
des scénarios la description de l’ensemble des scénarios possibles. Une spécification des
scénarios est réalisée à partir d’un modèle. Enfin, certains systèmes utilisent un moteur
de scénarios (voir Figure 2.13). Ce dernier se base sur une spécification de scénarios pour
contraindre ou orienter les actions au cours de la simulation.
Figure 2.12 – Le scénario (1) est une des exécutions possibles prévues par la spécification des
scénarios (2). La spécification est basée sur un modèle de scénario (3) qui définit quelles sont les
données et comment les utiliser.
Comme les actions définissent des séquences d’évènements (voir section1.2), la spécification
de l’ensemble des scénarios consiste à définir quelles actions sont peuvent être réalisées (par
les acteurs ou non) en fonction de l’état de l’environnement virtuel et de l’avancement de la
simulation. En fonction des objectifs de l’utilisation de l’environnement virtuel, les acteurs
devront être plus ou moins guidés dans leurs actions. Prenons par exemple un environnement
virtuel de formation au montage d’une culasse utilisée dans deux cas distincts : la formation et
l’évaluation. Dans le cas de la formation, il peut s’agir d’apprendre à l’utilisateur la procédure
exacte à réaliser. Les actions accessibles à chaque étape sont alors limitées aux actions correctes.
L’ensemble des scénarios possibles est plus restreint sur les actions disponibles à chaque étape
du montage (voir Figure 2.14). Dans le cas de l’évaluation, les actions possibles sont toujours
toutes disponibles, même si elles sont incohérentes avec la procédure. Une fois que la culasse est
montée, une évaluation de la séquence d’actions réalisée par l’utilisateur est réalisée par rapport à
Figure 2.13 – un moteur de scénarios impose des contraintes aux entités de l’environnement
virtuel afin de contrôler de manière plus ou moins forte les actions pouvant y avoir lieu. Pour ce
faire, le moteur utilise une spécification des scénarios possibles et l’état de l’environnement.
l’ensemble des séquences prévues par la procédure. En fonction des besoins de lier à l’utilisation
de l’environnement virtuel, le Modèle de scénarios doit permettre d’exprimer différentsniveaux
de contrôle des acteurs.
La notion d’ordre dans l’ensemble des évènements d’un scénario est très importante. On la
retrouve dans les systèmes de formation [Barot,2014;Gerbaud,2008] comme dans la narration
interactive [Theune et al.,2003]. Lors de la spécification des scénarios possibles, il faut prendre
en compte que certains évènements doivent avoir lieu avant ou après d’autres en fonction de
l’état de l’environnement et de l’avancement global de la simulation. Certains sous-scénarios
seront obligatoires alors que d’autres auront des alternatives ou seront optionnels. Reprenons
en exemple le montage d’une culasse. Supposons que nous ayons plusieurs acteurs pouvant
réaliser la séquence de montage, mais un seul tournevis disponible. Alors, seul un des acteurs
peut réaliser le montage. Pendant ce temps les autres acteurs peuvent effectuer d’autres tâches,
avec leurs propres séquences d’actions. La simulation se terminera lorsque toutes les tâches
auront été réalisées. Le modèle doit permettre d’exprimer les contraintes de causalité et de
temporalité entre les actions (parallélisme, concurrence, séquences).
Dans notre exemple, le tourne-vis est une ressource nécessaire à l’exécution des actions.
Les ressources nécessaires ont un impact important sur la spécification des scénarios. Elles
participent à la synchronisation des actions en fonction de leur disponibilité. Par exemple,
deux actions ne sont pas réalisables en parallèle s’il n’y a qu’un seul outil de disponible pour les
réaliser. Les ressources participent également à la spécification des actions possibles. Le montage
de notre exemple doit se faire en croix en prenant en compte le point de départ (voir Figure
2.14). Ceci donne 8 scénarios possibles sans prendre en compte les ressources. Si maintenant
nous prenons en compte qu’il y a quatre vis v1 à v4 et que l’action “visser” utilise une vis et
un emplacement alors il existe exactement 192 scénarios possibles. Nous pouvons ajouter à ceci
le nombre de tournevis disponibles. La combinatoire action/ensemble d’objets fait exploser le
nombre d’actions à prendre en compte dans l’agencement. De plus, si l’environnement est modifié
(ajout d’un tourne-vis par exemple), il faut le répercuter sur la spécification des scénarios. Une
solution consiste à généraliser les définitions des actions à réaliser. Dans notre exemple
les définitions d’actions indiqueront spécifiquement l’emplacement, mais les vis et tourne-vis ne
seront pas définis explicitement. Ainsi seuls les 8 scénarios initiaux seront à décrire.
Figure 2.14 – Les vis doivent être placées, en croix, dans les pas de vis associés (A, B, C, D).
L’automate à droite donne les différents scénarios possibles.
Tous les évènements n’ont pas pour origine les actions des acteurs. Il peut être intéressant
de modifier l’environnement indépendamment de leur volonté afin de les obliger à gérer des
situations non prévues. Dans le cadre de narration interactive, l’objectif peut être d’ajouter de
la tension narrative, par exemple en coupant l’électricité dans un bâtiment, plongeant ainsi ses
occupants dans le noir. En formation il peut s’agir d’évaluer la capacité des apprenants à gérer
une situation de crise. Par exemple comment réagir si l’alarme à incendie se déclenche en plein
milieu d’une procédure risquée comme une opération chirurgicale. Un modèle de scénarios doit
donc permettre de déclencher des évènements dans l’environnement hors du contrôle des
acteurs.
Le nombre et la nature des acteurs (agent virtuel ou utilisateur) vont eux aussi dépendre de
l’utilisation prévue du Système de Réalité virtuelle et de l’environnement virtuel. En narration
interactive, par exemple dans l’adaptation de Madame Bovary de Cavazza et al. [Cavazza
et al., 2007], un unique utilisateur est intégré à l’histoire en tant qu’un des protagonistes.
Tous les autres acteurs sont des agents virtuels. Dans CORVETTE [Berthelot et al.,2014], les
acteurs peuvent être indépendamment des utilisateurs ou des agents virtuels et participent à une
procédure de maintenance industrielle. Un modèle de scénarios ne doitpas faire d’hypothèses
sur la nature ou le nombre d’acteurssous peine de limiter les cas d’utilisation.
Enfin, que ce soit en formation [Mollet and Arnaldi, 2006] ou en narration interactive
[Cavazza et al.,2008] la spécification des scénarios reste un problème majeur. Une des raisons
est la difficulté pour l’auteur d’appréhender le problème dans son ensemble. L’utilisation d’une
représentation graphique est reconnue comme un moyen d’aider à la compréhension de systèmes
[Sugiyama et al.,1981]. Ceci permet également à des non-informaticiens, par exemple les experts
d’un domaine lors de la réalisation d’un système de formation, de participer plus activement
à la conception. Sur ce point les modèles dont le formalisme permet une représentation
graphiquepossèdent un avantage non négligeable. Par exemple, le projet EAST [Taoum et al.,
2015] vise à intégrer fortement dans la conception d’un environnement virtuel de formation sur
les experts métiers, les pédagogues et les formateurs.
Dans le document
Séquencement d'actions en environnement virtuel collaboratif
(Page 42-45)