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Savoir et expérience de notre échantillon dans les traumatismes psychiques

Matériel et méthodes

B. Savoir et expérience de notre échantillon dans les traumatismes psychiques

Le travail réalisé a permis de recueillir deux types de données concernant les connaissances des médecins des forces dans la prise en charge des psychotraumatismes. Tout d’abord, nous avons pu vérifier que la pathologie avait été rencontrée par la plupart des médecins d’unité et donc qu’une expérience propre à la majorité d’entre eux existait. D’autre part, le questionnaire nous a permis une réflexion sur les motivations de cette prise en charge.

1.

Des pathologies fréquentes dans la pratique

médicale militaire

Notre étude confirme, s’il en était besoin, l’importance des psychotraumatismes dans l’exercice des médecins des forces. Poser un diagnostic initial de traumatisme psychique est une expérience commune à 66,1% des répondeurs. Nos chiffres sont à cet égard dans la continuité de ceux obtenus ces dernières années (78,2% dans le travail de thèse de Koch (39), 74,9% dans celui de Bourhis (4)). Cela rend également compte des capacités des médecins d’unité à

poser un diagnostic que l’on peut qualifier de complexe eu égard à la difficulté des patients à parler de leur symptômes, aux comorbidités pouvant masquer le diagnostic ou encore à la fréquence des syndromes partiels. Néanmoins, nous ne pouvons pas établir de relation linéaire entre prévalence de la pathologie et fréquence de diagnostic par un médecin des forces. Les patients peuvent en effet consulter un autre médecin que leur médecin d’unité, ne pas consulter tout court ou présenter les difficultés diagnostiques citées plus haut.

Plus de répondeurs (80,7%) ont déclaré avoir suivi un patient atteint de traumatisme psychique. Ce chiffre est remarquable si l’on tient compte de l’exigence et de la disponibilité que nécessite le suivi des maladies psychotraumatiques. On note également que les médecins soutenant l’armée de terre avaient un taux supérieur aux autres. Comme dit plus haut, il faut se garder de conclure à une plus forte exposition au risque traumatique des personnels concernés car il existe des unités terrestres moins exposées aux situations violentes que certaines unités des autres armées (Groupe d’Intervention de la Gendarmerie Nationale, commandos de Marine, etc…). Il serait intéressant d’explorer une telle différence par des travaux ultérieurs, par exemple dans la meilleure information des personnels de l’armée de terre à l’égard des traumas psychiques ou dans les difficultés de suivi des personnels des autres armées. L’écart de proportion entre diagnostic et suivi peut s’expliquer par plusieurs facteurs. Tout d’abord, les répondeurs ont pu estimer que c’était le spécialiste qui avait posé le diagnostic lorsqu’ils lui ont adressé un cas suspect ou difficile. D’autre part, les diagnostics établis en opération, s’ils nécessitent le même suivi que s’ils étaient établis en métropole, ne sont pas forcément considérés comme vraiment établis, eu égard aux contraintes cliniques ou opérationnelles. Quoiqu’il en soit la récurrence de ces pathologies exige des médecins des forces une

connaissance solide des psychotraumatismes afin d’assurer une prise en charge actualisée et cohérente.

2.

Un savoir commun en constante progression

Nous avons particulièrement veillé à ce que notre questionnaire ne soit pas vécu comme un examen des connaissances mais certaines réponses peuvent néanmoins apporter un éclairage sur les pré-requis possédés par les médecins des forces. Ce savoir est pour une large part acquis après l’Examen Classant National par l’Ecole du Val de Grâce et doit être régulièrement remis à jour. Cela n’est pas toujours évident vis-à-vis des impératifs du service qui laissent peu de temps à la formation des médecins d’unité. A la question du traitement immédiat d’un état de stress aigu, trois classes de médicaments sont sortis du lot : les sédatifs, les benzodiazépines et les neuroleptiques. Cette triade interroge lorsque l’on sait que plusieurs études cliniques rapportent un effet délétère des benzodiazépines sur le développement ultérieur d’un ESPT par perturbation de l’encodage mnésique de l’évènement traumatique (65). De plus, une proportion non négligeable de répondeurs choisissait de ne donner soit aucun traitement (9,4%) soit plusieurs associés (39,3% en tout). Lors du pré-test, les sujets confiaient se montrer méfiants vis-à-vis des psychotropes, soit parce que l’effet à long terme leur semblait incertain, soit parce que leur usage était jugé stigmatisant au sein des unités combattantes.

L’écart observé entre connaissance de la pathologie post-traumatique et interrogation sur la conduite à tenir a déjà été observé dans la littérature. Munro a montré en Ecosse en 2004 que, si 67,5% des médecins de l’étude savaient diagnostiquer un tableau clinique typique d’ESPT, seuls 28,3% d’entre eux savaient mettre en œuvre un traitement adapté (80). La raison n’est pas à chercher du côté

d’un manque de savoir théorique : Bourhis dans son travail de thèse montrait que 83,1% des médecins s’estimaient suffisamment informés sur les ESPT (4). En réalité, la variabilité des prises en charge médicamenteuses peut être interprétée comme le reflet de la diversité des expériences cliniques et opérationnelles des états de stress aigu, du tableau bruyant aux syndromes a minima, de la situation de crise extrême au temps de paix en métropole. Le souhait d’une formation complémentaire (demandé à 50,8% dans le travail de thèse de Bourhis) s’est lors de notre pré-test exprimé par une demande d’enseignement simple et pratique, à partir de cas

cliniques réels et surtout accessible dans les unités mêmes. Répondre aux besoins de formation concernant les troubles psychiques post-traumatiques est une priorité du SSA et explorer ces pistes d’apprentissage est un moyen privilégié d’y parvenir.