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Saturation des actionneurs : facteurs et incidence sur la commandabilité

la commandabilité

Comme il a été présenté précédemment, la notion de commandabilité du robot est une des composantes caractérisant l’intégrité d’une application robotique. On a une perte de commandabilité lorsque l’actionneur se trouve dans l’incapacité physique d’exécuter la com-mande déterminée par le calculateur embarqué. Une première limitation est le temps de réponse de l’actionneur de braquage des roues : l’actionneur est incapable d’établir la com-mande désirée à l’instant t, celle-ci n’est atteinte qu’à l’instant t+ H. Afin de remédier à ce problème, une commande prédictive (présentée à la section 3.2.2) permettant de tenir compte de ce temps de réaction et d’anticiper la commande à envoyer a été proposée.

Une deuxième limitation qui impacte fortement le robot est la valeur maximale de bra-quage que peuvent fournir le système de direction. Ainsi, lors de forts dérapages du robot, ou lors du suivi d’une trajectoire ayant une forte courbure, le robot peut se retrouver dans la situation où la loi de commande réclame un braquage qui excède la valeur maximale. Dans de telles situations, l’augmentation du braquage commandée par l’application de suivi de trajectoire n’est plus retransmise sur le robot, ce qui représente clairement une perte de commandabilité et donc une perte d’intégrité de l’application (celle-ci ne remplit plus sa tâche).

De plus, lorsque le robot se trouve dans cette situation du fait d’angles de dérive élevés, cela peut mettre en défaut la stratégie d’observation/commande. En effet, comme présenté

à la section 3.4, les équations d’observation mises en place ont été écrites dans le cas de petits angles de glissement. Si ce n’est plus le cas, les valeurs des dérives estimées sont alors fausses et généralement surévaluées. On se retrouve alors dans un cas instable, puisque cette augmentation des valeurs estimées tend à maintenir les actionneurs dans un état de saturation.

Trajectoire de référence

Sous-virage le véhicule sort de la trajectoire

(a) Sous-virage

Sur-virage pouvant entraîner un tête à queue

Trajectoire de référence

(b) Sur-virage

Figure 4.2 – Illustration des cas de sous et survirage

La saturation des actionneurs de braquage des roues peut avoir lieu dans différentes conditions. En effet les phénomènes dynamiques menant à cette saturation peuvent être :

– le sous-virage du robot, – le survirage du robot,

– une trajectoire non admissible.

Les raisons menant à ces trois cas, ainsi que leurs spécificités, sont explicitées ci-dessous.

4.3.1 Sous-virage

Dans le cas du sous-virage, les glissements latéraux tendent à réduire la vitesse de lacet du robot. Celle-ci ne permet donc plus de suivre la trajectoire désirée et donc la trajectoire suivie par le robot est plus « large » (comme le présente la figure 4.2(a)). Ce phénomène s’explique par la perte d’adhérence au niveau du train avant du véhicule, qui n’est alors plus en capacité d’augmenter les efforts entre la roue et le sol (zone de saturation présentée à la figure 2.9). La loi de commande impose dès lors une augmentation de l’angle de braquage, et dans le cas extrême, l’actionneur sature sans que le véhicule ne tourne, la commande n’a alors plus d’incidence sur la dynamique du véhicule.

Dans ce cas, un conducteur avisé freinerait afin de réduire sa vitesse. Cela aurait comme conséquence de réduire la vitesse de lacet nécessaire pour négocier le virage et aussi ramè-nerait de la charge sur les roues avant permettant d’augmenter les efforts transmissibles par ces roues. En conséquence, cela permettrait de replacer les contacts roue/sol dans une zone où les efforts transmissibles sont suffisants par rapport à la dynamique que doit suivre le véhicule (zone linéaire ou transitoire sur la figure 2.9).

La figure 4.3 montre le résultat d’un suivi de trajectoire effectué à 6 m.s-1 en utilisant la loi de commande (3.12) et l’observateur multimodèle. Cette figure met en évidence que le robot a fortement sous-viré (courbe rouge sur la figure 4.3(c)). On peut aussi constater la saturation de l’actionneur pendant le virage (à 20° entre 40 et 50 m) sur la figure 4.3(a), qui représente la commande (en noir) et l’angle réel (en rouge) de l’actionneur. On constate que cette saturation se répercute sur la vitesse de lacet du véhicule (figure 4.3(b)qui sature

0 10 20 30 40 50 60 70 80 -20 -15 -10 -5 0 5 10 15 20 25 30 Valeur commandée Valeur réel Distance(m) Angle de braquage δF (°)

(a) Angles de braquage commandé et réel

0 10 20 30 40 50 60 70 80 -40 -20 0 20 40 60 80 Suivi à6m.s−1 Distance(m) Vitesse de lacet ˙ θ .s 1) (b) Vitesse de lacet 0 5 10 15 20 25 30 35 -5 0 5 10 15 20 25 30 35 40 Trajectoire de référence Trajectoire réel X(m) Y( m )

(c) Trajectoires de référence et suivi

Figure4.3 – Exemple de sous-virage en conditions réelles à 6 m.s-1

également (à 60°.s-1 entre 40 et 50 m), alors que pour suivre correctement la trajectoire celle-ci doit être plus importante. Cela se traduit par une valeur de braquage calculée par la loi de commande plus élevée (≈ 25°), valeur inatteignable du fait des limites physiques de

l’actionneur. Les dérives, qui ne sont pas présentées ici, sont correctement estimées au début de l’essai, mais ensuite leur valeur devient aberrante (saturation à −60°) lorsque l’angle de

braquage est saturé. Cela est dû au fait que l’hypothèse des petits angles de glissement et le modèle linéaire adapté du pneu ne sont plus valides. Ainsi, les observateurs ne sont plus basés sur un modèle représentatif du système et ne sont donc plus fonctionnels.

4.3.2 Sur-virage

Dans le cas du survirage, la vitesse de lacet produite est cette fois trop élevée, ce qui a pour conséquence de faire chasser le véhicule de l’arrière (les dérives arrière sont plus élevées que les dérives avant) et de rendre la courbure de la trajectoire suivie par le véhicule plus forte que celle de la trajectoire de référence. Le véhicule se retrouve donc à l’intérieur de la courbe, comme présenté sur la figure 4.2(b)). De plus, si ce phénomène arrive à un stade critique (perte d’adhérence au niveau du train arrière), le véhicule va se retrouver en situation de tête-à-queue (le centre de rotation instantané du véhicule se rapproche du centre

de l’essieu avant) et la perte de contrôle du véhicule est totale.

Dans ce cas de figure, la loi de commande (3.12) va faire contre-braquer le robot. Si ce contre-braquage ne permet pas, par son action, de contre balancer la vitesse de lacet atteinte, l’actionneur va saturer et le robot sera alors incontrôlable.

Dans cette situation, il est généralement nécessaire d’accélérer pour ramener de la charge sur les roues arrière du véhicule et ainsi faire diminuer les angles de dérive arrière. Dans l’optique de la commande prédictive, réduire la vitesse du véhicule à l’amorce du virage (avant de braquer les roues) est également une solution efficace, car elle permet de ne pas arriver à cette situation.

-45 -40 -35 -30 -25 -20 -15 -10 -5 0 0 10 20 30 40 50 60 Trajectoire de référence Trajectoire réelle X(m) Y( m )

(a) Trajectoires de référence et suivi

0 2 4 6 8 10 12 14 16 18 20 -40 -30 -20 -10 0 10 20 30 Valeur réelle Valeur commandée Temps(s) Angle de braquage δF (°)

(b) Angles de braquage commandé et réel

0 2 4 6 8 10 12 14 16 18 20 -25 -20 -15 -10 -5 0 5 10 15 20

Angle de dérive arrière Angle de dérive avant

Temps(s) Angle de dériv e (°)

(c) Angles de dérive avant et arrière

0 2 4 6 8 10 12 14 16 18 20 -20 0 20 40 60 80 100 Suivi à7m.s−1 Temps(s) Vitesse de lacet ˙ θ .s 1) (d) Vitesse de lacet

Figure4.4 – Exemple de survirage en conditions réelles à 7 m.s-1

La figure4.4 montre le résultat d’un suivi de trajectoire effectué à 7 m.s-1 en utilisant la loi de commande (3.12) et l’observateur multimodèle (une version antérieure à celle présentée à la section 3.4.3, qui n’utilise pas de MIT rule. Elle est détaillée dans [LTCM10]).

Cet essai présente une situation où le robot survire, puis effectue un tête-à-queue. On peut voir que les phases de survirage (vers 14s et après 18s) interviennent après des phases de sous-virage (entre 11 − 14s et entre 16 − 18s), puis le tête-à-queue survient à la fin de l’essai. Ces comportements peuvent être déduits de la figure4.4(d)qui représente la vitesse de lacet du véhicule. Sur cette figure, on voit tout d’abord une saturation de la vitesse de lacet (à 60°.s-1) lors du premier virage (comportement sous vireur), puis une forte décélération (comportement survireur, action de contre-braquage comme le montre la figure4.4(b)), s’en

suit une nouvelle saturation de la vitesse de lacet (à 60°.s-1) qui correspond à nouveau à une phase de sous-virage, qui amène à nouveau le robot à une phase de survirage.

Cependant, lors de cette deuxième phase de survirage (à partir de 18s), bien que la loi de commande impose au robot de contre-braquer (δF change de signe), la vitesse de lacet augmente. Cela correspond au moment où survient le tête-à-queue. Sur cette figure, on voit clairement la valeur de saturation de la vitesse de lacet : elle est dans ce cas de 60°.s-1, ce qui représente la vitesse de lacet maximale admissible par le robot compte tenu des conditions d’adhérence et de la limite physique de l’actionneur en braquage. Lorsque ce palier est dépassé, le robot n’est plus contrôlable (le train arrière dérape).

Cela se retrouve également sur la figure 4.4(c) qui décrit l’évolution des dérives avant (en bleu) et arrière (en rouge). On peut constater que lors de la première manœuvre de contre-braquage (à13s) les glissements sont ramenés vers zéro, alors qu’au moment du tête-à-queue la dérive arrière n’est plus contrôlée ni impactée par la commande de l’angle de braquage avant. On a donc bien la même évolution que celle constatée sur la vitesse de lacet : saturation de la dérive à 15° pendant les deux sous-virages, mais dans le premier cas la dérive revient vers zéro (premier survirage), alors que dans le deuxième cas la dérive arrière dépasse la saturation et la contrôlabilité du robot est perdue.

4.3.3 Trajectoire non admissible

Dans le cas d’une trajectoire qui n’est pas admissible (courbure trop élevée), le robot va se trouver en situation de sous-virage. Dans ce cas, cela n’est pas forcément dû aux glissements (bien que les deux phénomènes puissent se superposer), mais au fait que la vitesse de lacet demandée pour suivre la courbure de la trajectoire de référence est hors des limites acceptables par le véhicule (saturation des actionneurs en braquage) car la courbure de cette trajectoire n’est pas admissible cinématiquement par le robot.

Pour pouvoir faire face à ce cas de figure, deux solutions sont possibles : on peut soit ralentir le véhicule, ce qui diminue la vitesse de lacet nécessaire pour passer le point de courbure posant problème, ou alors il est possible d’envisager de se servir du phénomène de sous-virage pour augmenter la vitesse de lacet admissible par le véhicule (cas par exemple d’un pilote de rallye qui dérape dans un virage). Cette dernière solution n’est cependant envisageable que si l’on est capable de conserver la contrôlabilité du robot pendant cette phase.

Ce cas de figure étant identique au sous-virage, on ne présente pas ici de nouveaux résultats expérimentaux, on peut se référer à la figure 4.3. Il faut également noter que l’augmentation des glissements tend à rendre une trajectoire non admissible, comme il sera présenté au travers des relations liant la vitesse de lacet du robot aux conditions d’adhérence et de braquage.