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NACA 5 Risque vital immédiat qui, sans traitement d'urgence, évoluerait probablement vers le décès; transport en étant prêt à une réanimation

4.1 Le « SAR », une mission d’exception

Les évacuations médicalisées héliportées sont réalisées en milieu hostile et s’apparentent à une mission d’exception. Le profil épidémiologique des évacuations réalisées à partir du site de Lanvéoc-Poulmic montre qu’il s’agit de missions :

- Hauturières donc difficiles d’accès : Le temps de transit aller/retour comptant pour les 2/3 du temps de la mission, la difficulté est d’abord de se rendre rapidement sur le lieu d’intervention, avec une distance moyenne de 81 NM et un temps écoulé entre l’appel du CROSS et le treuillage du médecin à bord de 69 minutes en moyenne.

- Nocturnes pour 27% des vols.

- Pratiquées dans des conditions climatiques parfois difficiles voire extrêmes: Les 2/3 des missions ont lieu en automne ou en hiver, la force de la mer est allée jusqu'à des vagues de 9 à 14 mètres dans notre étude avec un vent allant jusqu'à 50 kt (93 km).

La discordance entre diagnostic évoqué par le médecin SAR et diagnostic final hospitalier retrouvée dans 33% des cas pour ce qui est des EVAMED pour motif médical montre bien la difficulté de la prise en charge. En effet tout geste simple devient difficile de par le bruit, les odeurs (fioul, poisson), les mouvements incessants, le confinement du bateau de pêche et de l’hélicoptère ; la barrière de la langue peut aussi intervenir. L’équipe médicale est soumise dans ce type d’intervention à la pression du temps imposé par les paramètres aéronautiques que sont la durée d’autonomie en carburant et les conditions météos. Vinsonneau31 et al à propos des urgences cardio-vasculaires au cours des évacuations médicales héliportées au large du Finistère en 2008 faisait le même constat. Aucune donnée n’est retrouvée dans la littérature étrangère sur les difficultés diagnostiques.

Il est important de différencier les évacuations médicales en haute mer qui représentent une alternative au déroutement du bateau à quai (qui nécessiterait de nombreuses heures en dépit de la contrainte d’une rapidité de soins), des secours côtiers où l’hélicoptère n’est pas obligatoire. En effet, Landuren32 a montré que l’utilisation aérienne des secours dans le Morbihan entre 2002 et 2004 est saison et horaire dépendante. Aucune EVAMED héliportée n’a été réalisée de novembre à janvier, alors que 41% ont eu lieu en juillet ou en août. Ceci s’explique par le caractère touristique du golfe morbihannais. De plus, aucune mission n’a été réalisée de nuit par ces équipes SMUR, du fait des capacités limitées de vol de leur hélicoptère. Les missions étaient alors déléguées à l’équipe

! )$! de Lanvéoc. Concernant les eaux méditerranéennes, un rapport du SAMU 83 de Toulon33 sur 10 années de secours en mer de 1997 à 2006 relate que sur 104 interventions en mer, un tiers des missions était hauturière et faisait appelle aux hélicoptères de la Marine Nationale. La majorité des interventions était néanmoins côtière et concernait des accidents de plongée (50 cas).

Ces missions hauturières difficiles requièrent des moyens importants, tant sur le plan aéronautique (aéronef, équipage entrainé, logistique de la base telle que service météo, contrôle aérien…) que médical. En France, l’armement d’un hélicoptère médicalisé par le service de santé des armées comprend au moins un médecin formé aux urgences et aux contraintes aéronautiques et un infirmier. Celui-ci embarquait en fonction de la distance d’intervention et de l’autonomie de l’hélicoptère selon le type d’appareil. Les hélicoptères d’alerte SAR actuels permettent d’assurer la présence du binôme médical embarqué. A l’étranger, l’organisation de l’aide médicale en mer peut différer. Les organismes de secours tels que le prévoit la réglementation internationale sont surtout mis sur pied par les pays développés. Par exemple, au Danemark les équipages SAR comprennent un médecin et un infirmier formés à l’urgence et au milieu aéronautique34. En Norvège, l’équipe médicale est composée d’un anesthésiste-réanimateur secondé par un secouriste. Le médecin n’est hélitreuillé que dans 7,5% des missions, lors d’urgence extrême35. Malgré son entrainement opérationnel, l’équipe médicale de la Royal Air Force anglaise arme rarement les EVAMED36,37. Dans les eaux bordant l’Alaska, les hélicoptères du United States Coast Guard sont gréés par un plongeur-sauveteur qui assure seul les premiers soins38.

L’utilisation de l’hélicoptère lors des évacuations médicales n’est pas sans risque bien qu’à partir du site de Lanvéoc, il n’a pas été rapporté d’accident corporel grave concernant l’équipe médicale. Dans la littérature, les données recueillies concernent l’utilisation de l’hélicoptère en milieu terrestre et montrent un risque d’accident non négligeable par rapport au transport par ambulance routière. Les travaux de Bledsoe et al.39 et ceux de Maguire et al.40 montrent que les

transports médicaux aériens sont à l’origine de 22% des décès de personnel préhospitalier des U.S.A, alors qu’ils représentent moins de 1% des transports médicaux. Le nombre d’accidents tend à croître ces dernières années, compte tenu de l’augmentation de ce mode de transport. L’erreur humaine serait à l’origine de l’accident dans 2/3 des cas. Le service d’urgence médicale héliporté australien rapporte un taux d’accident de 4,38 pour 100000 heures de vol. Bien qu’un accident advienne toutes les 16721 missions, le taux de mortalité liée aux accidents est d’un patient pour 50164 évacuations41. Pour prévenir ces accidents, l’équipage doit être particulièrement coordonné, d’où l’intérêt de l’entrainement régulier, du briefing et débriefing des évacuations afin d’en améliorer la sureté et l’efficacité tant sur le plan aéronautique que médical42.

! )%! Le risque de crash alimente la controverse quant à l’utilisation de l’hélicoptère en soin primaire. En opposition avec la pratique en cours au Royaume-Uni36, des études sur l’emploi de l’hélicoptère sans médicalisation ni régulation n’ont pas montré d’effet bénéfique sur le pronostic des patients. Selon la Société Française d’Anesthésie et de Réanimation (SFAR), les indications de la voie aérienne reposent, par ordre décroissant de priorité, sur l’état du patient, l’éloignement de l’hôpital d’accueil et la disponibilité des équipes SMUR43. Les associations des médecins d’urgence

et des spécialistes en médecine d’urgence du Québec (AMUQ et ASMUQ) 44 retiennent aussi ces critères médicaux d’urgence interventionnelle ou chirurgicaux pour le transport aérien. Les notions de distance et de terrain entrent aussi en compte. Il n’y a pas de bénéfice par rapport à la voie terrestre en deçà d’une distance équivalent à 30 min et l’utilisation de l’hélicoptère en terrain accidenté ou isolé (mer, île, montagne) n’est pas contestée43.

4.2 La santé des marins-pêcheurs