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La santé par l’alimentation : le rôle des politiques publiques

Ce premier point a pour objectif de présenter la conception actuelle de la santé publique et ce qui est attendu de l’individu par les pouvoirs publics dans ce domaine. Ceci pour mieux comprendre la place qui y est donnée à l’alimentation et quelles en sont les conséquences quant aux programmes mis en place.

1.1. La santé publique en France

Au travers de sa Constitution adoptée par la Conférence internationale de la santé en 1946, l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) définit la santé comme « un état de complet bien-être physique, mental et social et ne consiste pas seulement en une absence de maladie ou d’infirmité »11. De cette définition, nous pouvons retenir que la santé n’est

désormais plus considérée comme l’absence de maladie mais qu’elle est désormais perçue positivement et renvoie à quelque chose de dynamique. Elle devient un réel objectif social. Ce qui peut expliquer l’engouement des pouvoirs publics pour la mise en œuvre de programmes et actions assurant la bonne santé des individus… actions qui peuvent aller

10 La médicalisation est définie comme « la prise en charge des problèmes de santé : prise en charge technique à travers des

actes médicaux, et prise en charge financière à travers les dispositifs d’assurance maladie », d’après Jean-Pierre Poulain (2002)

11 OMS. Constitution de l’OMS : ses principes [en ligne]. Disponible sur www.xhou.int/about/mission/fr/. (Consulté le

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parfois jusqu’au contrôle des conduites de vie (pensons aux campagnes de prévention contre le tabagisme avec une hausse conséquente du prix du paquet de cigarettes).

L’Etat semble aujourd’hui vouloir s’emparer de cette thématique de travail, en partie pour des raisons économiques, comme le soulève très bien Aurélie Maurice dans son travail de thèse : « cette éducation pour la santé fonde sa légitimité sur une rationalité politico- sanitaire (se doter des moyens visant à diminuer l’incidence de certaines pathologies) et politico-économique (maîtriser les dépenses de santé) » (Bouchayer, 1984). Il semblerait que ce soit les pouvoirs publics qui déterminent quels comportements sont vertueux et favorables à la santé et lesquels sont à éviter : « La santé est alors un enjeu des politiques publiques et un bien collectif, mais elle est également devenue une valeur individuelle et même une norme dans notre société » (Pierret, 2008).

Quid du rôle de l’Etat dans la santé : quelle position adopter ? Jusqu’où est-il légitime d’intervenir dans la vie des individus et leur manière de penser leur santé ? Comment doit-il se positionner sur un sujet aussi ambigüe : entre responsabilisation et protection du plus grand nombre, où se situe véritablement le rôle de l’Etat ? L’objectif de ce chapitre n’est pas de répondre à ces questions, mais il nous semblait important de soulever ces éléments et de mettre en débat ces questions et remarques.

1.2. L’individu face à sa santé

1.2.1. Une éducation POUR la santé : penser la santé de manière dynamique

Parler d’une éducation « pour » la santé renvoie à une démarche positive et dynamique, sollicitant donc l’individu à prendre place dans les programmes mis en place, l’encourageant à s’intéresser à sa santé et à sortir ainsi d’une posture passive. Aurélie Maurice, maître de conférences en Sciences de l’Education à la Sorbonne nous donne des indications quant aux manières de faire de l’éducation pour la santé (Maurice, 2013).

La méthode informative qui consiste pour l’éducateur à simplement transmettre des informations tout en incitant, oralement, les individus à changer leur comportement, s’est avérée inefficace en matière de changement des pratiques. Le manque d’interaction avec les individus, le discours informatif et le cadre solennel dans lequel se déroule ces séances (le plus souvent il s’agit de conférences au cours desquelles l’intervenant expose les risques de telle ou telle maladie ou comportement) en sont les principales raisons. De ces observations

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il ressort la conclusion suivante : « il ne suffit pas de savoir pour changer les comportements » (Maurice, 2013).

La deuxième grande méthode est celle du modèle « éducationnel » ou « modèle global ». Ici l’apprenant fait partie du processus, il est considéré comme acteur de l’éducation : « si l’instruction a pour objet la transmission de savoir-faire et de savoirs, l’éducation y ajoute le savoir-être. L’instruction vise la possession de compétences : l’éducation vise en sus l’émergence d’une personne » (Hannou, 1997, Maurice, 2014). Bien plus que savoir, l’éducation pour la santé souhaite impliquer l’individu dans une démarche de changement de comportement. Comme le précise Aurélie Maurice, les éducateurs à la santé se questionnent aujourd’hui sur les manières et méthodes pouvant conduire à la modification des comportements, la diffusion d’informations à elle seule ne suffit plus, il y a besoin de faire participer les individus à ce type de projet.

Ces observations nous confirment à la fois la nécessité mais aussi la pertinence de travailler sur cette thématique complexe de l’accompagnement au changement. Les campagnes de prévention ont, semblent-ils, montré leur limites en diffusant simplement des messages mais sans véritablement rechercher l’engagement des individus malgré leur souhait de les responsabiliser (au sens de les rendre acteurs de leur propres santé).

1.2.2. Responsabilisation individuelle et société moderne

L’Institut National de Prévention et d’Education pour la Santé (INPES) est l’organisme principal œuvrant dans le champ de l’éducation pour la santé en France. Le principal objectif poursuivi au travers des différentes actions de prévention menées est de rendre l’individu responsable de ses choix, « il est pensé comme un acteur libre de faire ses propres choix, qu’il s’agit d’orienter dans la bonne direction, celle des conduite favorables à sa santé » (Maurice, 2013).

Ajoutons que la société moderne ne fait qu’encourager cette dimension de responsabilité individuelle… le domaine de la santé n’y échappe pas. Ainsi, l’individu moderne est considéré comme étant responsable de son comportement et donc des impacts que cela peut avoir sur sa santé : « le politique s’en prend volontiers, comme pour se dédouaner, aux comportements des individus, qu’il rend responsables de leur santé » (Lecorps, 1999). Toutefois, le risque en adoptant une posture aussi radicale est que les personnes en marge des démarches de santé publique ou n’ayant pas adopté les

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comportements vertueux fortement encouragés se sentent stigmatisés et cultivent ensuite un sentiment de culpabilité (Maurice, 2013).

Entre responsabilisation de l’individu et passivité, on peut se questionner sur le juste équilibre à avoir : comment encourager les personnes à se questionner sur leur comportement pour améliorer leur bien-être sans être dans une logique de « donneurs de leçons » ni adopter une posture dramatique mais au contraire en étant dans une dynamique positive ? Quelle articulation entre le rôle à jouer par l’individu dans sa santé et celui de l’Etat au travers des programmes de sensibilisation mis en place ? Ces interrogations remettent en question la manière de penser les politiques publiques aujourd’hui en France et à leurs méthodes de travail : manque de mise en cohérence et de collaboration entre les différents acteurs concernés et programmes déployés (Messaoudène et Hernandez, 2014).

Dans le cadre de notre réflexion, il est important de garder cette interrogation à l’esprit pour proposer une communication et des actions envers les jeunes qui soient efficaces et pertinentes. Nous aurons l’occasion de revenir sur ce point plus longuement dans la suite de ce mémoire. Pour l’instant, après avoir vu quels étaient le contexte et les priorités des politiques publiques sur la santé et l’alimentation en France, il convient de nous intéresser plus spécifiquement aux programmes déployés dans ce domaine. Cela nous permettra de cerner quels sont les messages et actions aujourd’hui proposés aux jeunes dans le domaine de l’alimentation, évaluer et comprendre leur influence sur leurs pratiques alimentaires. Ainsi nous pourrons repérer en quoi un accompagnement au changement auprès des jeunes sur cette thématique est justifié et nécessaire.