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Dans le cadre du second protocole, les Etats membres de l‟Union européenne sont contraints d‟ériger des sanctions « efficaces, proportionnées ou dissuasives » qui peuvent comprendre des sanctions pénales ou non pénales642. C‟est l‟article 4 du second protocole qui pose le principe de la sanction des personnes morales : ces sanctions incluent des

639 M. PIETH, « Article 2. The Responsibility of Legal Persons », op. cit., p.190 ; voir en ce sens ibid. : La question se pose de savoir si une personne physique doit être identifiée, incriminée, voire sanctionnée avant que la responsabilité des personnes morales puisse être engagée. Pour le Professeur Pieth, le débat engendré est superflu puisque la corruption est un acte qui implique un fait intentionnel. Pour incriminer la corruption, il faut qu‘une personne physique au sein de l‘entreprise ait la connaissance requise. Or, il existe des hypothèses où le processus de prise de décision est tellement complexe que la connaissance requise est divisée dans de nombreuses parcelles. De plus, lorsqu‘il y a plusieurs personnes physiques ‗preneurs de décision‘, il peut être difficile de savoir qui a participé réellement à la prise de décision. Pour satisfaire le droit interne de certains Etats, et comme le montre la jurisprudence récente, il suffit que l‘on démontre qu‘une personne physique pertinente puisse avoir eu la connaissance, l‘intention ou avoir contrarié ses obligations de supervision. D‘autres droits nationaux ont refusé cette analyse.

640 http://conventions.coe.int/Treaty/fr/Reports/Html/173.htm.

641 http://conventions.coe.int/Treaty/fr/Reports/Html/173.htm.

642 Explanatory Report on the Second Protocol to the convention of the protection of the European Communities‟ financial interests, J.O. C. 91, 31.3.1999.

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amendes pénales ou non pénales et éventuellement d‟autres sanctions et notamment : a) des mesures d‟exclusion du bénéfice d‟un avantage ou d‟une aide publique ; b) des mesures d‟interdiction temporaire ou permanente d‟exercer une activité commerciale ; c) un placement sous surveillance judiciaire ; d) une mesure judiciaire de dissolution. Les personnes morales tenues responsables pour l‟absence de surveillance643

ou de contrôle sont passibles, elles aussi, de sanctions « efficaces, proportionnées ou dissuasives ». L‟approche de l‟Union européenne peut être considérée comme un compromis entre les différents systèmes juridiques des Etats membres644. Certains droits nationaux ne reconnaissent pas la responsabilité pénale des personnes morales, puisqu‟ils considèrent que le droit pénal ne s‟applique pas aux personnes morales car on ne peut pas attribuer un élément d‟intention (dol) à une personne morale645

. De la même façon, et comme nous le verrons, la convention de l‟OCDE, la convention pénale du Conseil de l‟Europe, et la CNUCC, ne contraignent pas les Etats parties à ériger en infraction pénale la responsabilité des personnes morales646.

L‟article 3(1) de la convention de l‟OCDE, prévoit que « la corruption d‟un agent

public étranger doit être passible de sanctions pénales efficaces, proportionnées et dissuasives ». L‟article 3 (2) dispose que « [s]i, dans le système juridique d‟une Partie, la responsabilité pénale n‟est pas applicable aux personnes morales, cette Partie fait en sorte que les personnes morales soient passibles de sanctions non pénales efficaces, proportionnées et dissuasives, y compris pécuniaires, en cas de corruption d‟agents publics étrangers »647. Pour M. le Professeur Pieth648 la formulation « efficaces,

proportionnées et dissuasives » va bien au-delà de simples sanctions, car cette formule

devrait également permettre d‟appuyer les critères du processus de monitoring.

643 Article 3 (2).

644 P. SZAREK-MASON, op. cit., p. 103.

645 S. ROSE-ACKERMAN, « Corruption and the Criminal Law », in 2 (1) Forum on Crime and Society, 2002, p. 12.

646 P. SZAREK-MASON, op. cit., p. 103 ; convention OCDE article 3(2), convention pénale du Conseil de l‘Europe article 19(2) et CNUCC article 26.

647 OECD Doc ; DAFFE/IME/BR (97)20 ; voir également H. LOWELL BROWN, « Extraterritorrial Jurisdiction under the 1998 Ammendments to the Foreign Corrupt Practices Act : Does the Government‘s Reach now exceed its grasp ? », op.cit., p. 35.

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Si la convention du Conseil de l‟Europe n‟impose pas l‟exigence d‟une responsabilité pénale des personnes morales, selon les rapports explicatifs,649 les Parties contractantes s'engagent à établir une forme de responsabilité des personnes morales pratiquant la corruption, responsabilité qui pourrait être de caractère pénal, administratif ou civil. Par voie de conséquence, les sanctions peuvent être pénales, administratives ou civiles. Ces sanctions doivent être, selon l‟article 19 (2), « efficaces, proportionnées et

dissuasive ». En ce sens, la convention pénale du Conseil de l‟Europe prévoit, à l‟article

19 (2), que « chaque Partie s‟assure qu‟en cas de responsabilité établie en vertu de

l‟article 18, paragraphes 1 et 2, les personnes morales soient passibles de sanctions efficaces, proportionnées et dissuasives de nature pénale ou non pénale, y compris des sanctions pécuniaires ».

Le paragraphe 4 de l‟article 26 de la CNUCC demande aux Etats parties à veiller en particulier, « à ce que les personnes morales tenues responsables conformément au présent

article fassent l‟objet de sanctions efficaces, proportionnées et dissuasives de nature pénale ou non pénale, y compris de sanctions pécuniaires ». La convention de l‟ONU

utilise ainsi la même formule que la convention de l‟OCDE, le second protocole de l‟Union européenne et la convention pénale du Conseil de l‟Europe, en ce qui concerne les sanctions des entreprises, c‟est-à-dire, « efficaces, proportionnées et dissuasives ».

On remarquera pour conclure que la formule que les rédacteurs des textes internationaux ont affectionné en matière des sanctions est clairement la suivante : les sanctions « efficaces, proportionnées et dissuasives ». On voit bien qu‟une telle formulation, tout en se voulant utile, laisse une marge d‟appréciation incontestable aux autorités nationales en charge de la législation et la réglementation pénales.

On garde présent à l‟esprit le fait que les sanctions puissent, pour toute les conventions, être de nature administrative, est un moyen d‟éviter « les problèmes existant

dans les pays qui ne peuvent envisager, même du point de vue théorique, la responsabilité

649 § 86.

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pénale des personnes morales »650.

S

ECTION

2

L

A TRANSPOSITION DES REGLES JURIDIQUES INTERNATIONALES

:

LES MECANISMES JURIDIQUES DE DROIT INTERNE EN MATIERE DE LA RESPONSABILITE PENALE DES PERSONNES MORALES

On rappelle que l‟application du droit pénal à une personne physique prend en considération un élément matériel (le fait ou l‟acte extérieur) et un élément moral (l‟intention ou dol criminel)651

. Si la condition indispensable à la responsabilité pénale est la volonté personnelle, les droits européens ont longtemps considéré son application inconcevable envers la personne morale, cette dernière étant une fiction juridique. Les droits continentaux ont très longtemps hésité à imputer un tel élément intentionnel à une personne morale et ainsi rendre cette entité responsable selon le droit pénal. En effet, selon la maxime « societas delinquere non potest », le principe était pendant longtemps l‟irresponsabilité des personnes morales.

L‟industrialisation croissante du dix-neuvième siècle a pourtant apporté certaines évolutions à cette question. On citera certains pays parmi ceux touchés en premier par l‟industrialisation : l‟Angleterre et le Pays de Galles, les Etats-Unis et le Canada. Ces pays ont développé un système d‟attribution dit « anthropomorphique ». La France, « a

largement ouvert la voie de l‟anthropomorphisme »652 avec la reconnaissance en 1992 de la responsabilité pleine et entière de la personne morale, dans tous ses éléments, matériels et moraux.

Sans prétendre à une analyse approfondie, la juxtaposition de trois systèmes

650 M. LEVI, op. cit., p. 39.

651 En droit anglo saxon, l‘élément matériel est dénommé l‘actus reus, l‘élément moral est dénommé la mens rea.

652 V. WESTER-OUISSE, « Responsabilité pénale des personnes morales et dérives anthropomorphiques », Revue pénitentiaire et de droit pénal, 2009, n ° 1, p. 64.

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juridiques nous permettra de mettre en lumière les approches différentes à cette question. On constatera l‟utilisation modérée653 des lois relatives à la responsabilité pénale des personnes morales654 en Europe en comparaison avec les Etats-Unis. On va apercevoir une approche très ample du droit fédéral états-unien (§ 1). Il conviendrait aussi de porter un regard vers le droit britannique (§ 2) du fait de la nouvelle loi sur la corruption de 2010. On fera logiquement état de l‟approche du droit pénal français (§ 3), traditionnellement réticente à la responsabilité pénale des personnes morales.

§ 1 - L’exemple du droit fédéral américain

En matière de droit fédéral américain, le pilier central de la responsabilité des personnes morales est le principe de respondeat superior (A): ce principe nous renseigne sur les personnes compétentes pour engager la responsabilité pénale de la personne morale. On verra la catégorie d‟actes visés par le droit américain (B). On constatera quelles sont les personnes morales visées par le texte du FCPA (C). On évoquera en dernier lieu la question du manque de surveillance (D) de la part d‟une personne morale.

A - La notion de respondeat superior

En droit états-unien, selon la notion de respondeat superior, le « principal » (mandant) est responsable du fait de son agent. C‟est une notion de common law qui trouve sa racine dans la responsabilité connue sous l‟appellation vicarious liability. Ce mécanisme couvrait tout d‟abord un principe de la responsabilité civile. Au fil de l‟évolution jurisprudentielle, elle a été greffée vers le domaine de la responsabilité pénale des personnes morales. En effet, au début du vingtième siècle, la jurisprudence américaine a élargi le champ d‟application de la responsabilité des personnes morales aux infractions

653 M. LEVI, op. cit., p. 53.

654 Voir M. PIETH, « Article 2. The Responsibility of Legal Persons », op. cit., p.178 : certains pays ont connu une évolution vers un système d‘imputation plus objectif, en ce sens on constate l‘émergence de la « corporate fault ». Le common law australien en est un exemple, tout comme la loi Suisse entrée en vigueur le 1 octobre 2003 et les modèles japonais et coréens.

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pénales impliquant un élément intentionnel655. Cette approche a été entérinée par l‟affaire majeure New York Central & Hudson River Railroad Company v. US656. En droit fédéral américain, l‟entreprise peut être pénalement responsable657

pour des actes des hauts responsables ainsi que des employés de rangs inférieurs.

En matière d‟actes de corruption, la tradition de la maxime respondeat superior ouvre un champ d‟application beaucoup plus large aux Etats-Unis qu‟en Angleterre ou en France car « les sociétés y sont responsables des actes d‟agents occupant un poste de rang

nettement inférieur »658. Il offre énormément d‟amplitude au Département de la Justice américain pour poursuivre les entités corruptrices. Il est d‟ailleurs tellement ample que ce mécanisme suscite de nombreuses critiques. Dans le cadre du FCPA, les personnes morales ne seraient pas en mesure de se défendre une fois que l‟employé ou l‟agent a été déclaré ou a plaidé coupable. En ce sens, l‟acte de la personne physique peut être imputé à l‟entreprise même lorsque ladite entreprise n‟a pas commis de faute bien caractérisée 659

.

B - L’acte visé : within the scope of employment and intended, at least to some degree, to benefit the corporation

Selon le droit fédéral américain, les personnes morales seraient responsables pour les infractions commises par leurs responsables, cadres, employées, et agents, si ces infractions ont été commises « dans le champ d‟action de l‟emploi et avaient pour objet, à

un certain degré, de bénéficier à l‟entreprise »660. La question du champ d‟action (scope) de l‟emploi est interprétée de façon très large. Il en est de même pour la question de « l‟acte qui bénéficie à l‟entreprise ». On peut prendre en exemple l‟affaire United States

655 G. STESSENS, « Corporate criminal liability: a comparative perspective », International & Comparative Law Quarterly, 1994, 43(3), p. 496.

656 212 U.S. 481 (1909) ; voir en ce sens, l‘avis du la Cour Supreme : « many offences might go unpunished … We see no valid objection in law and every reason in public policy why the corporation … shall be punishable by fine because of the knowledge and intent of its agents. ».

657 G. STESSENS, « Corporate criminal liability: a comparative perspective », op. cit., p. 496.

658 M. LEVI, op. cit., p. 48.

659 Voir M. PIETH, « Article 2. The Responsibility of Legal Persons », op. cit., p. 179.

660 « within the scope of employment and were intended, at least to some degree, to benefit the corporation » ou si « the agent commits a tort when acting with apparent authority ».

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v. Cincotta661 où la Cour suprême a estimé que pour « avoir un comportement qui

corresponde à ce qu‟on attend de lui » l‟employé « doit être motivé au moins en partie – par l‟intention de procurer un avantage à la société qui l‟emploie », que cet avantage ait

été réellement procuré ou non. Même si « les règles de la société interdisent expressément

tel ou tel comportement, celle-ci peut toujours être jugée responsable »662.

C - Les personnes morales visées par le texte du FCPA

Les personnes morales et leurs agents sont clairement visés par le FCPA. Le champ d‟application du FCPA s‟étend aux personnes suivantes : les « émetteurs d‟actions»663

américains et leurs agents ; les « entreprises nationales »664 aux Etats-Unis, c‟est-à-dire les entités organisées aux Etats-Unis ; tout fonctionnaire, directeur, employé ou représentant d‟une telle entreprise nationale ou tout actionnaire de telle entreprise agissant au nom d‟une telle entreprise nationale ; les « personnes physique ou entités »665

, ou leurs agents, agissant « aux fins de faciliter » un paiement illicite sur le territoire des Etats-Unis.

Le terme « émetteur d‟actions», peu clair pour des juristes non américains est défini comme une entité ayant une catégorie de titres boursiers enregistrée en conformité avec la section 78 (l) du Code des Etats-Unis, ou qui est dans l‟obligation de soumettre des rapports conformément à la section 78 (o) (d) du même Code666. Il s‟agit de manière générale d‟une société cotée.

Le FCPA dispose que les « entreprises nationales » sont les entreprises nationales autre qu‟un émetteur d‟actions soumis à la section 78dd-1667

. Le terme « entreprise

nationale » peut s‟entendre de tout individu qui est citoyen, ressortissant ou résident des

Etats-Unis ; ou toute société commerciale, partenariat, association, société par actions,

661 689 F. 2d 238 (Ist Cir. 1982), cert. Refusé 459 U.S. 991 (1982).

662 M. LEVI, op. cit., p. 48 ; en ce sens, voir les affaires suivantes : United States v. Hilton Hotels Corp, 409 U.S. 1125 (1973) et United States v. Beusch, 596 F. 2d 871 (9th Cir. 1979).

663 « Issuer » dans le texte.

664 « Domestic concerns » dans le texte.

665 « Any person » dans le texte.

666 §78 dd(1).

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entreprise [business trust], organisation sans personnalité juridique ou entreprise individuelle dont le siège se trouve aux Etats-Unis ou organisée en conformité aux lois des Etats-Unis ou de tout « territoire, possession ou commonwealth des Etats-Unis »668.

Pour le terme « personne »669, le FCPA précise qu‟il s‟étend à toute personne physique autre qu‟un ressortissant des Etats-Unis670

ou toute société commerciale, partenariat, association, société par actions, entreprise [business trust], organisation sans personnalité juridique ou entreprise individuelle dont le siège se situe aux Etats-Unis ou constituée en conformité aux lois d‟un pays étranger ou une sous-division politique de celui-ci671.

On voit donc que le droit fédéral états-unien retient une conception très large de la notion de personne morale lorsqu‟il s‟agit de lutte contre la corruption.

D - Le manque de surveillance

Bien que les dispositions du FCPA relatives aux normes comptables672 ne retiennent pas notre attention dans la présente recherche, il convient néanmoins de faire état d‟un point de comparaison important. Ces dispositions prévoient une obligation pour les émetteurs d‟action de : préparer et tenir des livres comptables, des archives et des comptes qui refléteront, de manière raisonnablement détaillée, avec exactitude et de manière équitable les transactions de l‟émetteur ; et concevoir et continuer à utiliser un système de contrôles sur la comptabilité interne suffisant pour apporter des garanties raisonnables que –(i) les transactions sont exécutées en accord avec l‟autorisation générale ou spécifique de la direction de l‟entreprise ; (ii) les transactions sont enregistrées comme nécessaires673.

668 § 78 dd- 2 (h).

669 § 78 dd – 3 (a).

670 8 Code des Etats-Unis §1101.

671 § 78 – dd 3 (f).

672 § 78 m du FCPA.

673 (I) afin de permettre la préparation des états financiers selon les principes comptables généralement acceptés et selon tout autre critère qui s‟applique à de telles déclarations ; et (II) pour préserver l‟obligation de rendre compte des

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On est ici dans le cadre de la responsabilité civile dite strict en droit fédéral américain : en cas de manquement de surveillance de la part de la personne morale, la charge incombe à cette dernière de démonter qu‟elle a pris les mesures nécessaires afin de satisfaire les exigences de ces dispositions. Ces dispositions concernent seulement les « émetteurs d‟actions». Il est intéressant de mettre en parallèle les critères de cette responsabilité avec ceux de la section 7 de la nouvelle loi britannique de 2010 qui a trait au manque de surveillance.

§ 2 – L’exemple du Royaume Uni

L‟Angleterre674 reconnaît la responsabilité pénale des personnes morales depuis le milieu du dix-neuvième siècle : depuis que des peines d‟amendes, applicables à ces personnes, sont venues se substituer aux peines classiques de pendaisons, flagellations et autres piloris, nécessairement réservées aux personnes physiques675.

Les tribunaux anglais ont adopté un modèle de responsabilité pénale des personnes morales anthropomorphique dit « identification » ou « alter ego » (A). La présente recherche doit mettre en lumière la nouvelle loi britannique de lutte contre la corruption, le

Bribery Act 2010. En ce sens, il faut d‟une part constater la liste (B) des personnes morales

visées par cette loi, et d‟autre part faire une brève analyse d‟une nouvelle infraction pour la loi britannique en la matière : la responsabilité pénale d‟une personne morale pour un manque de surveillance (C).

actifs ; (iii) l‟accès aux actifs est permis uniquement avec l‟autorisation générale ou spécifique de la direction ; et (iv)

les comptes rendus des actifs sont comparés, à des intervalles raisonnables, aux actifs existants et les actions appropriées sont prises en ce qui concerne toute différence.

674 Le droit écossais reconnaît la responsabilité pénale des personnes morales seulement depuis 1987

675 J. R. SPENCER, in Droit anglais, sous la direction de J. A. JOLOWICZ, Précis, Dalloz, 1992, n° 507 ; S. LOWE, F. MCKIE, « La responsabilité des personnes morales au Royaume Unis », LPA 1993, n° 120, p. 81.

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A - La notion de l’identification/alter ego

Des 1944, les tribunaux anglais ont apporté les éléments nouveaux au mécanisme d‟imputation676

. Les tribunaux ont trouvé leur inspiration dans le principe de l‟alter ego, un principe civil du droit de tort677. Les tribunaux anglais ont greffé ce principe au droit pénal.

1 - L’esprit dirigeant

Le principe de l‟alter ego considère que certains organes ou dirigeants sont l‟incarnation de la société quand ils agissent dans les intérêts commerciaux de l‟entreprise. Selon cette théorie, « les décisions prises par certains dirigeants influents de la société

sont assimilées à des actes de la personne morale elle-même »678. En ce sens, les tribunaux anglais ont tenu pour responsables les entreprises pour les actes de leur « directing

mind »679 ou textuellement leur « esprit dirigeant ». En faisant une analogie au corps humain, Lord Denning680 a ainsi décrit une personne morale dans des termes anthropomorphiques : elle a une „main‟ et un „cerveau‟. Cette théorie de la common law dispose que l‟on puisse présumer qu‟une personne morale pourrait commettre les infractions prévues par le droit écrit.

Le raisonnement de «l‟esprit dirigeant» a été formulé explicitement dans l‟affaire

Tesco v. Nattrass681. En effet, les tribunaux britanniques se sont prononcés sur la question de l‟imputation des actes des employés à la personne morale en droit pénal682. La Chambre des Lords a fait référence au dictum de Lord Denning comparant une entreprise à un corps humain. Selon Lord Reid « (une société) doit agir par l‟intermédiaire de personnes

676 Ce mécanisme trouverait sa source dans le droit allemand.

677 Ce terme recouvre les mécanismes équivalents à ceux de la responsabilité civile en droit français ; voir également, G. STESSENS, « Corporate criminal liability: a comparative perspective », op. cit., p. 500.

678 S. GEEROMS, « La responsabilité pénale de la personne morale », étude comparative, RIDC 3 1996, p. 533, spéc. p. 540.

679 Lennard‘s Carrying Co. Asiatic Petroleum [1915] A.C. 713.

680 Bolton (Engineering) Co. V. T.J. Graham & Sons Ltd., I Q.B. 159, 172 (C.A. 1956).

681 Tesco Supermarkets, Ltd. V. Nattrass [1972] Appeal Cases 153.

682 S. P. TISSOT-ROBERT, « A fresh insight into the corporate criminal mind: Meridian Global Funds Management Asia Ltd v The Securities Commission », Comp. Law. 1996, 17(4), p. 100.

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vivantes et il ne s‟agira pas toujours d‟une seule et même personne. Dès lors, cette personne ne parle pas ou n‟agit pas pour la société ; elle agit en tant que société et sa volonté, qui dirige ses actions, est la volonté même de la société. Il n‟est pas question