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Le salaire des coupeurs de canne à sucre

CHAPITRE 3 LES COÛTS SOCIAUX DE L’ÉTHANOL BRÉSILIEN

3.1 L’exploitation des coupeurs de canne à sucre

3.1.3 Le salaire des coupeurs de canne à sucre

Les coupeurs de canne à sucre sont payés à la production et donc leur salaire est en fonction de leur rendement journalier. En d’autres mots, les coupeurs de canne à sucre sont payés en fonction de la masse des tiges récoltées pendant leur journée de travail. La masse est estimée en fonction de la distance linéaire de canne que le travailleur a coupée. À l’aide de calculs, les employeurs convertissent la distance linéaire en surface puis en masse. Les calculs sont effectués à l’aide de valeurs de référence préalablement établies avant la saison des récoltes. Le principal problème avec cette méthode est que la masse de canne à sucre peut varier en fonction des conditions locales, et que les calculs ont tendance à sous-évaluer la masse récoltée (Martinelli et Filoso, 2008). Selon Alves et al. (2006), avec cette méthode de calcul, les travailleurs sont régulièrement sous-payés pour le travail effectué. Afin de compenser le

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faible salaire, les travailleurs tentent de maximiser leur salaire journalier en augmentant leur rendement, en travaillant de longues heures dans des conditions inappropriées (Martinelli et Filoso, 2008).

Généralement, les coupeurs reçoivent un salaire s’approchant de 1,20 dollar américain par tonne de canne à sucre coupée (Martinelli et Filoso, 2008). Ainsi, pour une moyenne de 10 tonnes coupées par jour le travailleur reçoit l’équivalent de 12 dollars américains. En assumant que les coupeurs travaillent environ 24 jours par mois, le salaire mensuel d’un coupeur de canne à sucre se situe aux alentours de 300 USD, ce qui équivaut à environ 550 reais (R$, monnaie du Brésil). Pour l’année 2009, le salaire mensuel minimum nominal au Brésil (salaire minimum en vigueur) a été fixé à 465 R$ (DIEESE, 2009). Ainsi, les coupeurs de canne gagnent un salaire mensuel équivalent à environ 1,2 fois le salaire minimum, pour une période maximale de huit mois pendant la saison des récoltes. Lorsque leurs revenus sont redistribués sur une année complète, les coupeurs gagnent mensuellement un salaire équivalant à 0,8 fois le salaire minimum nominal. Malgré le fait qu’habituellement, sur une base mensuelle, les salaires octroyés aux coupeurs sont pratiquement égaux au salaire minimum nominal, il importe de savoir si ces revenus sont suffisants pour permettre un niveau de vie décent et pour éviter la pauvreté.

Actuellement, aucune norme nationale délimitant le seuil de pauvreté n’a été établie par le gouvernement brésilien, ce qui est dû principalement aux grandes variations régionales des salaires et du coût de la vie (Smeets et al., 2006). Par contre, le Programme bourse familiale (PBF du portugais Progama Bolsa Familia), qui fournit une aide financière aux familles pauvres du Brésil, définit certains critères de l’état de pauvreté pour l’attribution de ses bourses. En 2009, le gouvernement brésilien a établi de nouveaux seuils pour l’attribution des bourses par le biais du Décret présidentiel no 6.917. Selon ces derniers critères, en 2009, une condition d’extrême pauvreté est définie par une famille (deux adultes et deux enfants) qui reçoit un revenu familial inférieur à 60 % du salaire minimum nominal et la pauvreté est

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définie par une famille qui reçoit un revenu familial entre 60 % et 120 % du salaire minimum nominal. Ainsi, une famille qui possède comme seul revenu un salaire de coupeur de canne, soit un revenu entre 80 % et 120 % du salaire minimum, est considérée comme pauvre et peut théoriquement avoir accès à une aide financière de dernier recours de la part du gouvernement.

Évidemment, des salaires plus élevés accompagnés de meilleures conditions de travail procureraient aux coupeurs de canne une meilleure qualité de vie. Sur une base mensuelle, le Département intersyndical de statistique et d’études socio-économiques du Brésil (DIEESE) calcule mensuellement le « salaire minimum nécessaire »1. Le salaire minimum nécessaire est un revenu permettant à une famille de deux adultes et deux enfants de subvenir financièrement à leurs besoins de base. Au courant de l’année 2009, les salaires minimums nécessaires calculés par le DIEESE équivalaient en moyenne à 4,4 fois le salaire minimum. Afin de rendre la production d’éthanol socialement plus acceptable, il pourrait être envisageable pour les industriels de fournir des salaires plus élevés. Par exemple, en octroyant des salaires s’approchant du salaire minimum essentiel calculé par le DIEESE (2009), les employeurs seraient assurés que leurs travailleurs soient en mesure de répondre aux besoins de base d’une famille brésilienne moyenne.

Toutefois, il est clair qu’une telle augmentation salariale aurait comme effet de faire grimper le coût de production de l’éthanol. Une augmentation faisant passer les salaires d’un ordre de 0,8 à 4,4 fois le salaire minimum soit au niveau du salaire minimum nécessaire moyen de 2009 entraînerait une augmentation du coût de production de l’éthanol de 36 %. Ce calcul a été effectué selon la méthode utilisée par Smeets et al. (2006). Dans ce calcul, il est assumé qu’entre 21 % et 24 % du coût de production de la canne correspond au coût de la main- d’œuvre et 60 % de cette proportion correspond au salaire des coupeurs de canne à sucre. La

1 Le salaire minimum nécessaire est défini conformément à un précepte constitutionnel en tant que: ''le

salaire minimum fixé par la loi, unifié à travers le pays, en mesure de combler les besoins vitaux de base tels que le logement, la nourriture, l’éducation, la santé, les loisirs, les vêtements, l’hygiène, le transport, la sécurité sociale, et est périodiquement mis à jour pour préserver le pouvoir d'achat'' (Constitution brésilienne, chapitre II, Droits sociaux, article 7; DIEESE, 2009).(traduction libre)

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culture et la récolte de la canne à sucre compte pour 60 % du coût total de production de l’éthanol (voir Smeets et al., 2006). Le salaire des coupeurs de canne à sucre correspond donc à environ 8 % du coût de production de l’éthanol.