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CHAPITRE 2 L’ANIMATION BIBLIQUE DE LA PASTORALE, VERS UNE PROPOSITION NOUVELLE

2. D ES DÉFIS QUI APPELLENT UN CHANGEMENT DE MENTALITÉ

2.4 Sacramentalité et ministère de la Parole

Thomas P. Osborne avance pour sa part que « plus de cinquante ans après la promulgation de Dei Verbum (1965) […], la vision de l’animation biblique de toute la pastorale rencontre

33 Yves Guérette, « La formation des intervenants en vue de l’animation biblique de toute la pastorale », Revue

Lumen Vitae, [LXXII] 4 (2017), p. 411.

34 Ibid., p. 411. 35 Ibid. 36 Ibid. 37 Ibid., p. 410. 38 Ibid., p. 411.

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des résistances à plusieurs niveaux39 ». S’il rejoint la pensée de D. Laliberté et Y. Guérette sur la question du rapport entre la théologie et la pastorale ainsi que sur la formation acadé- mique des intervenants pastoraux, il rappelle la nécessité d’une reconnaissance de la sacra- mentalité de la Parole. Il rejoint par là l’un des problèmes abordés dans l’introduction : le rapport entre les Écritures et la liturgie : « En parlant de la table de la Parole de Dieu et de la table du Corps du Christ (SC, nos 48 et 51 ; DV, no 21), le concile Vatican II a déclenché une

réforme importante dans la valorisation de la proclamation de l’Écriture sainte dans la liturgie eucharistique […]40. »

Osborne met aussi en évidence le défi du « service de la Parole » en lien avec le « ministère » et des « ministères » dans un contexte de diminution des effectifs sacerdotaux. En effet, n’y a-t-il pas danger de considérer l’offre des célébrations dominicales de la Parole comme une solution temporaire, voire « une voie sans issue41 » si on ne réfléchit pas de manière rigou- reuse sur le faire communauté autour de la Parole et sur sa célébration? Même si des cha- rismes et de nouveaux besoins risquent d’apparaître dans les communautés chrétiennes, ces nouvelles réalités ne seront pas sans faire apparaître certaines ambiguïtés par rapport à cer- taines pratiques actuelles et soulèveront tôt ou tard des questions beaucoup plus profondes. Il est urgent de réfléchir, non pas sur les moyens à prendre pour la préservation de rituels liturgiques ou de ministères, mais aussi, et surtout sur « comment permettre à la parole d’ani- mer et de faire vivre des communautés qui se prennent en main, qui s’engagent solidairement dans les sociétés d’aujourd’hui à répondre, en paroles et en actes, de l’espérance qui est en elles (cf. 1 P3, 15)42».

Il y a là une invitation à prendre très au sérieux un rapport renouvelé de la Bible dans tous les champs de la vie ecclésiale et dans la liturgie notamment par l’exploration de chemins nouveaux pour la célébration des mystères de Dieu et pour la proclamation et de partage de la Parole. Ainsi pour Thomas P. Osborne, reconnaître la présence réelle du Christ dans la

39 Thomas P. Osborne, « « L’animation biblique de toute la pastorale » : vision, option et défis en vue d’une

pastorale toute biblique renouvelée » », Revue Lumen Vitae, [LXXII] 4 (2017), p. 398.

40 Ibid., p. 404. 41 Ibid. 42 Ibid.

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Parole partagée rejoint cette mission première que Jésus lui-même confia à ses disciples : « Allez dans le monde entier, proclamez l’Évangile à toute la création » (Mc 16, 15).

Conclusion

L’examen de l’histoire du concept et de ses acceptions dans les documents du Magistère de l’Église permettent de mesurer comment l’Église a su réaffirmer ces dernières années la place privilégiée qui doit être accordée à la fréquentation des Écritures saintes. Il faut dès lors en- visager son rôle central. C’est dans la lecture des Écritures que l’Église trouve sa raison d’être, son fondement et sa nourriture. C’est dire la valeur essentielle de la Parole comme source vitale de l’Église. C’est la Parole qui permet à l’Église de participer à la mission du Fils et de l’Esprit-Saint. C’est elle qui envoie les membres de l’Église prolonger l’annonce de la Bonne nouvelle qu’a inaugurée le Christ et qu’il a confiée à son Église.

Il est clair que l’animation biblique de toute la pastorale n’est pas une nouvelle expression sous l’emprise d’une quelconque mode et ne doit pas être envisagée comme un phénomène passager. En effet, la revue de la littérature permet d’affirmer que l’ABPT rappelle à la pas- torale ses fondements et sa véritable nature. La pastorale pourra trouver en l’ABTP sa chance et ses possibilités de replonger dans sa véritable source et d’ainsi trouver des élans véritable- ment nouveaux et prophétiques. C’est « la route de briques jaunes43» qui permettra d’entrer

dans l’ecclésiologie de Vatican II.

C’est à travers cette perspective toute biblique de la pastorale que semble figurer l’originalité de la mission confiée à l’Église : rendre témoignage à la Parole. Celle-ci s’exprime, se donne et s’offre à travers les membres de l’Église et leurs différentes activités. Une ancienne ex- pression fort connue pourrait être reprise et adaptée à nos propos pour y voir naître là une profonde certitude : hors de la Parole, point d’Église.

43 Nda ; La route de brique jaune (road of yellow brick) est un élément du roman de L. Frank Baum, Le Magi-

cien d'Oz, qui fut l’objet d’une adaptation cinématographique en 1939, The Wizard of Oz . Celui-ci donna le

nom à la route ‘pavée de briques jaunes’. Dans le roman et le film, il s'agit du chemin que Dorothy Gale, une jeune fille du Cansas emportée par une tornade dans une pays imaginaire, doit obligatoirement emprunter pour se rendre à la cité d'émeraudes pour y trouver l'aide du Magicien d'Oz. L’emploi et le sens de l’expression peut trouver son équivalent dans « tous les chemins mènent à Rome ». Au sens figuré, « suivre la route de briques jaunes » peut symboliser le chemin de vie, un processus ou le pèlerinage.

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C’est en raison de ses perspectives de renouveau, que l’on peut dire que l’ABTP suscite de plus en plus d’intérêt à l’intérieur même de l’Église tant chez les autorités ecclésiales, les praticiens que chez les théologiens. Malgré les résistances qu’elle pourrait rencontrer, il fau- dra trouver les moyens de les surmonter. Daniel Laliberté fait une remarque lourde de con- séquences quand il met de l’avant le constat des évêques réunis pour le synode sur la Parole de Dieu en 2008 : « c’est toute la vie de l’Église qui souffre de cette absence de “pratique des Écritures” […]44 ». Ce qui rend encore plus urgente la nécessité d’une réflexion profonde

et sérieuse sur l’animation biblique de la pastorale.

Le troisième chapitre de ce mémoire conduira la réflexion concernant l’ABTP autour des enjeux de lecture des Écritures en Église. Pour reprendre l’heureuse expression d’André Fos- sion, l’Église n’est-elle pas conviée à faire sienne l’ABTP parce qu’elle est appelée à « lire pour vivre » !

44 Daniel Laliberté, « Origines, perspectives et défis de la formule “l’animation biblique de la pastorale’’ » Re-

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