CHAPITRE 2 : TRIPHENYLAMINES ET INTERACTIONS INTERMOLECULAIRES
D. Optimisations géométriques
1. Série pentafluorée
Les propriétés électroniques des composés 14 et 15 ont été évaluées par calcul ab initio
sur Gaussian 09 (DFT-B3LYP/6-31g(d,p)). L’optimisation géométrique des deux molécules est
représentée sur la Figure 2.18.
Figure 2.18 : Optimisations géométriques des composés 14 (À gauche) et 15 (À droite).
Pour ces deux molécules, comme généralement observé pour les composés de la famille
de la TPA, les trois liaisons issues de l’azote central sont coplanaires. Cependant, les trois bras
conjugués ne le sont pas en raison de gênes stériques observées entre les cycles phényles
centraux.
Néanmoins pour le composé 15, bien que les cycles benzéniques contigus à l’azote
central ne soient pas coplanaires, le reste de chacun des bras est parfaitement plan. En
revanche, pour le composé 14, des gênes périplanaires entre les protons des cycles phényle et
thiophène adjacents expliquent le petit angle de torsion observé entre les deux cycles
aromatiques.
Les niveaux électroniques et les répartitions des orbitales HOMO, LUMO et niveaux
supérieurs et inférieurs sont reportés en Figure 2.19 et en Figure 2.20.
Chapitre 2 - Triphénylamines et Interactions Intermoléculaires
Figure 2.19 : Diagramme d’orbitales moléculaires du composé 14. Valeur de « Cutoff » ±0,03 [e/bohr3]1/2.
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Pour les composés 14 et 15, des remarques similaires peuvent être énoncées. Tout
d’abord, une dégénérescence des niveaux LUMO et HOMO-1 imputable à la symétrie C3 de la
molécule est observée. Notons également que les orbitales HOMO sont délocalisées sur
l’ensemble du cœur triphénylamine. Les orbitales LUMO et LUMO+1 sont à chaque fois
localisées sur un ou deux bras du système conjugué allant du motif pentafluoré latéral au
centre de la molécule. Les calculs TD-DFT n’ont pas été effectués pour connaître la contribution
statistique de chaque transition. Cependant, au regard des observations effectuées en
spectroscopie UV-Visible (absence d’effet solvatochrome) et des optimisations géométriques ici
présentées, il paraît probable que la bande de plus faible énergie observée en spectroscopie
UV-Visible correspond à des transitions énergétiques HOMO
LUMO et HOMO
LUMO+1 en
ratio probablement équivalents et de type π-π*.
Les niveaux HOMO et LUMO, gap optiques et théoriques des composés 14 et 15 sont
regroupés dans le Tableau 2.7.
Tableau 2.7 : Valeurs des niveaux HOMO-LUMO des composés pentafluorés 14 et 15. *Gap expérimental évalué par la relation
1241/λmax, avec λmax en solution dans le dichlorométhane.
Composés HOMO (eV) LUMO (eV) Gap théorique (eV)
Gap mesuré* (eV)
14 -5,03 -2,22 2,81 2,88
15 -5,17 -2,08 3,09 3,06
Le composé 15, plus court, présente un gap plus important que 14 avec un niveau de la
HOMO plus bas et un niveau de la LUMO plus élevé que ceux de 14. Les calculs théoriques ici
effectués confirment les observations effectuées en spectroscopie UV-Visible et
voltampérométrie cyclique.
* Structure cristalline de la cible 15
Bien que les triphénylamines soient connues pour généralement conduire à des
matériaux amorphes, des cristaux du composé 15 obtenus par évaporation lente dans un
mélange dichlorométhane/hexane ont pu être isolés et analysés par diffraction de rayons X par
M. Allain. Le produit cristallise dans un système centrosymétrique triclinique P-1. La structure de
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sont coplanaires contrairement aux groupes phényles qu’elles portent. Les bras conjugués sont
légèrement tordus et les deux noyaux aromatiques de chaque bras présentent entre leurs plans
moyens des angles de 31,2 ; 38,6° et 39,4°. Ces torsions qui ne s’expliquent pas par des gênes
stériques et qui ne se retrouvent pas dans les optimisations géométriques précédentes sont
probablement imposées par des interactions intermoléculaires au sein du matériau (Figure
2.22).
Figure 2.21 : Vue ORTEP du composé 15.
Dans le cristal, les molécules sont disposées en feuillets (Figure 2.23) dans lequel elles
semblent s’imbriquer les unes dans les autres. Néanmoins, si les distances entre atomes
d’hydrogène et de fluor de molécules voisines n’excèdent jamais 2,95 Å, aucune interaction
forte n’est observée. Les distances minimales F-H sont de l’ordre de 2,84 Å contre 2,55 Å pour
la somme des rayons de van der Waals des deux atomes (RVdW(F) = 1,35 Å ; RVdW(H) = 1,20 Å).
De même, notons que les distances fluor-fluor restent toutes supérieures à 3,02 Å.
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Figure 2.22 : Vue d’un « feuillet » contenant des molécules de 15.
Les distances entre les plans moyens de molécules avoisinent les 3,37 Å, ce qui
correspond également à des interactions intermoléculaires modérées (Figure 2.23).
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Dans la littérature, les interactions classiques généralement observées avec des
structures contenant des systèmes perfluorobenzènes ont déjà été reportées.
198Celles-ci
peuvent s’établir entre des systèmes perfluorobenzènes, entre des groupements
perfluorobenzènes et phényles ou encore être induites par des liaisons H-F (intra ou
intermoléculaire).
Remarquons ici que chaque molécule présente des recouvrements avec une de ses
voisines au niveau de deux de ses trois cycles perfluorobenzènes (Figure 2.24). Les distances
restent toujours supérieures à 3,36 Å entre atomes de fluor mais n’excèdent jamais les 3,80 Å.
Les cycles considérés sont quasi parallèles (les plans qu’ils définissent forment entre eux des
angles de 4,5° et 5°) et se recouvrent presque parfaitement ce qui explique, en grande partie, la
non planéité des systèmes conjugués portés par le cycle TPA central. La distance C-F la plus
courte enregistrée mesure 3,26 Å.
Figure 2.24 : Recouvrements entre groupements perfluorobenzènes du composé 15.
Le troisième cycle perfluorobenzène de la molécule n’interagit pas avec un autre cycle
fluoré mais avec le phényle central d’une autre molécule comme en témoigne la Figure 2.25. De
plus, les trois phényles de la molécule présentent des interactions ténues mais évidentes sur la
Figure 2.25 avec trois groupes pentafluorés appartenant à trois voisins. Dans ce dernier cas, les
cycles ne sont pas parallèles et forment entre eux des angles avoisinant les 30°. Les distances
C-F les plus courtes sont néanmoins d’environ 3,20 Å ce qui correspondrait à des interactions
électrostatiques. De ce fait, chaque molécule interagit via des interactions
198
(a) J. H. Williams, J. K.Cockcroft, A. N. Fitch, Angew. Chem. Int. Ed., 1992, 31, 12, 1655-1657 ; (b) J. H. Williams, Acc. Chem.
Res., 1993, 26, 21, 593-598 ; (c) K. Reichenbächer, H. I. Süss, J. Hulliger, Chem. Soc. Rev. 2005, 34, 22-30 ; (d) G. W. Coates, A.
R.Dunn, L. M. Henling, J. W. Ziller, E. B. Lobkovsky, R. H. Grubbs, J. Am. Chem. Soc. 1998, 120, 15, 3641-3649 ; (e) A. Collas, R. De Borger, T. Amanova, F. Blockhuys, CrystEngComm., 2010, DOI: 10.1039/C0CE00319K.
Chapitre 2 - Triphénylamines et Interactions Intermoléculaires
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perfluorobenzène ou perfluorobenzène-phényle avec quatre composés appartenant aux
« feuillets » qui l’entourent (Figure 2.25).
Figure 2.25 : Visualisation des interactions perfluorobenzène-perfluorobenzène (rouge-rouge) ou perfluorobenzène-phényle
(rouge-jaune) entre les molécules du composé 15.