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Sénat

Dans le document Décision n° 2012-662 DC (Page 50-69)

A. Première lecture

2. Sénat

a. Projet de loi de finances pour 2013, adopté en 1ère lecture par l'Assemblée nationale le 20 novembre 2012 (TA 38) et transmis au Sénat le 22 novembre 2012, Texte n°147

Le 1 du I de l’article 197 du code général des impôts est ainsi modifié :

1° Le dernier alinéa est complété par les mots : « et inférieure ou égale à 150 000 € » ; 2° Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :

« – 45 % pour la fraction supérieure à 150 000 €. »

b. Amendements discutés en commission - Néant

c. Rapport général fait au nom de la commission des finances par M. François MARC, n° 148, 22 novembre 2012, Tome II, première partie de la loi de finances

ARTICLE 3 (Art. 197 du code général des impôts) - Création d'une tranche supplémentaire au barème progressif de l'impôt sur le revenu

Commentaire : le présent article crée une tranche supplémentaire au barème de l'impôt sur le revenu au taux de 45 % pour la fraction de revenus supérieure à 150 000 euros.

I. LE DROIT EXISTANT

Les réformes successives du barème de l'impôt sur le revenu (IR) ont fait évoluer son nombre de tranches et ses taux d'imposition : il y avait treize tranches jusqu'en 1993, puis sept jusqu'en 2006 et cinq depuis cette

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date. Le taux de la dernière tranche, dit taux marginal supérieur, était de 56,8 % en 1990, de 54 % en 1998, de 40 % en 2009 et de 41 % pour 2011.

Depuis 2006, date de la réforme du barème de l'impôt sur le revenu2(*), les taux applicables n'ont été modifiés qu'une seule fois, par une majoration de 1 % la tranche supérieure de l'impôt sur le revenu, intervenu en loi de finances pour 2011 afin de contribuer au financement de la réforme des retraites. La tranche d'imposition, au taux marginal le plus élevé, était passée de 40 % à 41 %.

Tranches du barème de l'IR (1. du I de l'article 197 du CGI)

Taux marginaux d'imposition Tranches actuelles de revenus non revalorisées depuis la LFI 2011

0 % Jusqu'à 5 963

Le présent article complète le barème de l'impôt sur le revenu prévu à l'article 197 du code général des impôts par une tranche d'imposition à 45 % pour la fraction des revenus supérieure à 150 000 euros par part de quotient familial.

Cette mesure a pour but de renforcer la progressivité de l'impôt par un accroissement de la contribution des foyers disposant des revenus les plus élevés. Selon l'évaluation préalable annexée au présent projet de loi de finances, l'incidence de ce nouveau taux est neutre pour les ménages dont le revenu net imposable est inférieur à 150 000 euros par part de quotient familial, soit 99,8 % des foyers fiscaux. La création de la tranche à 45 % devrait concerner environ 50 000 foyers sur 19,9 millions d'euros foyers imposables.

Le gain escompté de la mesure est estimé à 320 millions d'euros répartis suivant une hausse moyenne d'imposition de 6 410 euros par contribuable concerné.

Exemples d'incidence de la création d'une tranche à 45 %

Exemples Cotisation

Célibataire sans enfants dont le revenu net imposable est de 200 000 euros

Couple marié sans enfant dont le revenu net imposable (et le revenu fiscal de référence) est de 1,5 million d'euros

Source : évaluation préalable annexé au PLF 2013

*

L'Assemblée nationale a adopté le présent article sans modification.

III. LA POSITION DE VOTRE RAPPORTEUR GÉNÉRAL

A. LE CONSTAT D'UNE DIMINUTION DE LA PROGRESSIVITÉ DE L'IMPÔT SUR LE REVENU

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La question de la diminution de la progressivité et de l'augmentation de la concentration de l'impôt sur le revenu a fait l'objet d'un rapport du Conseil des prélèvements obligatoires (CPO) publié le 5 mai 2011, en réponse à une saisine conjointe des commissions des finances du Sénat et de l'Assemblée nationale, intitulé

« Progressivité et effets redistributifs des prélèvements obligatoires pesant sur les ménages en France ».

1. Une moindre progressivité de l'IR s'agissant des hauts revenus

L'impôt sur le revenu est devenu moins progressif du fait des réformes successives du barème, de l'application du quotient familial et des nombreuses dérogations qui régissent son mécanisme de liquidation Ses recettes d'environ 50 milliards d'euros stagnent depuis 20 ans et plusieurs raisons principales éloignent cet impôt des objectifs qui lui sont assignés :

- la réduction du nombre de tranches et l'abaissement des taux depuis la réforme de 2006 ;

- le taux marginal de 41 % est désormais inférieur à ceux en vigueur dans nombre de pays comparables, dont l'Allemagne (45 % pour les revenus supérieurs à 250 000 euros) ou le Royaume-Uni (50 % pour les revenus supérieurs à 150 000 livres sterling depuis 2010, puis ramené à 45 % pour 2012) ;

- la somme des dispositifs fiscaux dérogatoires applicables à l'IR ;

- enfin, les différents modes de taxation à des taux forfaitaires ou proportionnels inférieurs au barème applicables aux revenus de capitaux mobiliers ou du patrimoine, contrairement aux revenus du travail, ont un effet dégressif au sommet de la distribution des revenus dont, précisément, l'objet du présent projet de loi de finances est de remédier.

2. Les réductions d'impôt exercent un effet globalement régressif

Ainsi, le CPO a établi que les réductions et crédits d'impôt amputent de près de 17 milliards d'euros l'impôt issu du barème. Les crédits d'impôts (hors prime pour l'emploi) ont un impact régressif par rapport au revenu :

- les foyers appartenant aux six premiers déciles de revenus bruts déclarés concentrent seulement 6 % des crédits d'impôt ;

- les foyers du septième décile en concentrent 6 % ; - ceux du huitième décile 9 % ;

- ceux du neuvième décile 17 % ;

- enfin les foyers appartenant au décile déclarant les revenus bruts les plus élevés concentrent 62 % des crédits d'impôts.

B. LA NÉCESSITÉ DE RENFORCER LA PROGRESSIVITÉ DU BARÈME SUR LES HAUTS REVENUS

Le CPO a mis en évidence que parmi les sept étapes du calcul de l'IR, trois réduisent les inégalités et quatre les accroissent : l'application des déductions et abattements au revenu brut global, celle du quotient familial, les réductions d'impôts et les crédits d'impôts (hors PPE) ont un effet régressif. Le barème joue le rôle le plus essentiel dans la redistribution issue de l'impôt sur le revenu ainsi que l'illustre le graphique ci-dessous.

Contribution de chaque étape de liquidation à la réduction des inégalités (PPE isolée des autres crédits d'impôts)

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Source : CPO - calculs de la DGFiP sur les revenus de 2009

Lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2012, le Sénat avait adopté un amendement tendant à créer une tranche supérieure de l'impôt sur le revenu, taxée au taux de 45 %, à compter de 100 000 euros par part, et non de 150 000 euros comme dans le dispositif aujourd'hui proposé.

La création d'une tranche supplémentaire d'imposition au barème proposée par le présent article rejoint donc pleinement les préoccupations exprimées au Sénat. Elle permettra de renforcer la progressivité de l'IR mais aussi de réduire les inégalités en faisant contribuer plus fortement et de façon pérenne les revenus du sommet de la distribution.

* 2 La loi de finances pour 2006 a procédé à la refonte globale du barème progressif de l'impôt sur le revenu, à compter de l'imposition des revenus de l'année 2006. Le nombre de tranches a été ramené de sept à cinq, suivant une répartition progressive des taux d'imposition de 0 %, 5,5 %, 14 %, 30 % et 40 % pour la tranche des revenus les plus hauts.

* 3 Le quotient familial a notamment été étudié par le rapport du Conseil des prélèvements obligatoires de mai 2011, consacré aux « Prélèvements obligatoires sur les ménages : progressivité et effets redistributifs ».

d. Amendements discutés en séance Amendements adoptés - Néant Amendements rejetés

(1) Amendement n°I-134, présenté par M. FOUCAUD, Mme BEAUFILS, M.

BOCQUET et les membres du Groupe communiste républicain et citoyen le 22 novembre 2012

Rédiger ainsi cet article :

Le 1 du I de l'article 197 du code général des impôts est ainsi rédigé :

« 1. L'impôt est calculé en appliquant à la fraction de chaque part de revenu qui excède 6 080 € le taux de :

« - 5,50 % pour la fraction supérieure à 6 080 € et inférieure ou égale à 12 135 € ;

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« - 14 % pour la fraction supérieure à 12 135 € et inférieure ou égale à 26 950 € ;

« - 30 % pour la fraction supérieure à 26 950 € et inférieure ou égale à 72 250 € ;

« - 41 % pour la fraction supérieure à 72 250 € et inférieure à 100 000 euros ;

« - 45 % pour la fraction supérieure à 100 000 euros et inférieure à 250 000 euros ;

« - 50 % pour la fraction supérieure à 250 000 euros. »

Objet

Il s'agit de donner une plus forte progressivité à l'impôt sur le revenu en créant deux nouvelles tranches sur les plus hauts revenus.

(2) Amendement n°I-214, présenté par MM. de MONTGOLFIER et du LUART, Mme DES ESGAULX et les membres du Groupe UMP le 22 novembre 2012 I. - Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

... - La section 0I du chapitre III du titre premier de la première partie du livre premier du code général des impôts et l'article 223 sexies sont abrogés.

II. – Pour compenser la perte de recettes résultant du I ci-dessus, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

... – La perte de recettes résultant pour l’État du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

Objet

Le présent amendement vise à supprimer la contribution exceptionnelle de 3 % sur le revenu fiscal de référence, instaurée par le précédent gouvernement dans le cadre du PLF 2012.

En effet, la réforme fiscale actuelle, répondant à la justice fiscale, demande de payer plus à ceux qui ont plus.

Ainsi, elle créée une tranche supplémentaire au barème progressif de l’IR à 45 %, contre 41 % actuellement.

Au même titre, les revenus des dividendes et des produits de placement à revenu fixe sont soumis à ce barème.

En conséquence, l’assiette et le taux d’imposition pour les « plus riches » sont accrus. Le maintien de la contribution exception de 3 % sur le revenu fiscal qui peut atteindre 4 % dans certains cas, est donc surabondant. Le taux d’imposition maximum passerait ainsi de 45 % à 49 %.

Dès lors, il paraît normal, pour maintenir une pression fiscale convenable, de supprimer cette contribution exceptionnelle.

(3) Amendement n°I-377, présenté par MM. ARTHUIS et DÉTRAIGNE, Mme FÉRAT, MM. ROCHE, MERCERON, BOCKEL, DENEUX, DELAHAYE, JARLIER et les membres du Groupe Union des Démocrates et Indépendants – UC le 22 novembre 2012

Rédiger ainsi cet article :

Le code général des impôts est ainsi modifié : 1° Le 1 du I de l’article 197 est ainsi modifié :

a) Le dernier alinéa est complété par les mots : « et inférieure ou égale à 150 000 € » ; b) Sont ajoutés deux alinéas ainsi rédigés :

« - 45 % pour la fraction supérieure à 150 000 € » ;

« - 50% pour la fraction supérieure à 500 000 €. »

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II. - La section 0I du chapitre III du titre premier de la première partie du livre premier du code général des impôts et l'article 223 sexies sont abrogés.

Objet

L'ïmpôt sur le revenu fait l'objet de nombreuses critiques conçernant son manque de progressivité et donc la limitation de son rendement. De plus, son assiette a été le support de la création de diverses contributions exceptionnelles demandées dans le cadre des différents plans de lutte contre les déficits publics. L'imposition du revenu des ménages sera ainsi prochainement affublée de la contribution votée lors du projet de loi de finances pour 2012 et de celle proposée par le Gouvernement dans le présent projet de loi.

Le présent amendement a pour objet d'apporter davantage de progressivité et de lisibilité à l'impôt sur le revenu en supprimant la contribution votée en 2011 pour y substituer une véritable tranche marginale supplémentaire à 50% pour les très hauts revenus supérieurs à 500 000 euros annuels.

Amendements retirés

(1) Amendement n°I-251, présenté par M. POZZO di BORGO le 22 novembre 2012

Supprimer cet article.

Objet

Il est proposé de revenir à une tranche de l’impôt sur le revenu de 40% pour la fraction des revenus supérieurs à 250 000 € par part de quotient familial, et ce afin de ne pas donner un caractère confiscatoire à cet impôt, qui aurait à terme un effet répulsif pour les familles de classe moyenne supérieure et pour les talents tant nationaux que venus de l’étranger.

(2) Amendement n°I-319 rect., présenté par M. PLACÉet les membres du Groupe écologiste, repris par M. Marini, le 23 novembre 2012

Rédiger ainsi cet article :

Le 1 du I de l'article 197 du code général des impôts est ainsi rédigé :

« 1. L'impôt est calculé en appliquant à la fraction de chaque part de revenu qui excède 4 004 € le taux de :

« - 5 % pour la fraction supérieure à 4 004 € et inférieure ou égale à 4 184 € ;

« - 10 % pour la fraction supérieure à 4 184 € et inférieure ou égale à 4 962 € ;

« - 15 % pour la fraction supérieure à 4 962 € et inférieure ou égale à 7 849 € ;

« - 20 % pour la fraction supérieure à 7 849 € et inférieure ou égale à 10 092 € ;

« - 25 % pour la fraction supérieure à 10 092 € et inférieure ou égale à 12 681 € ;

« - 30 % pour la fraction supérieure à 12 681 € et inférieure ou égale à 15 346 € ;

« - 35 % pour la fraction supérieure à 15 346 € et inférieure ou égale à 17 700 € ;

« - 40 % pour la fraction supérieure à 17 700 € et inférieure ou égale à 29 497 € ;

« - 45 % pour la fraction supérieure à 29 497 € et inférieure ou égale à 40 566 € ;

« - 50 % pour la fraction supérieure à 40 566 € et inférieure ou égale à 47 296 € ;

« - 55 % pour la fraction supérieure à 47 296 € et inférieure ou égale à 54 583 € ;

« - 60 % pour la fraction supérieure à 54 583 € et inférieure ou égale à 61 868 € ;

« - 65 % pour la fraction supérieure à 61 868 €. »

Objet

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L’auteur de cet amendement est sensible à la volonté du gouvernement d’instaurer une fiscalité plus juste, notamment en faisant contribuer davantage les ménages les plus aisés grâce à un impôt sur le revenu plus progressif.

En effet, le gouvernement s’est engagé dans une lutte pour la réduction du déficit, qui atteint en France un niveau historique. Cet amendement, dans l’esprit voulu par le gouvernement de renforcer la progressivité de l’impôt sur le revenu, vise à revenir aux taux d’imposition de 1982.

(3) Amendement n°I-320, présenté par M. Placé et les membres du groupe écologiste le 22 novembre 2012

Rédiger ainsi cet article :

Le 1 du I de l'article 197 du code général des impôts est ainsi rédigé :

« 1. L'impôt est calculé en appliquant à la fraction de chaque part de revenu qui excède 4 916 € le taux de :

« - 10,5 % pour la fraction supérieure à 4 916 €et inférieure ou égale à 9 671 € ;

« - 24 % pour la fraction supérieure à 9 671 € et inférieure ou égale à 17 025 € ;

« - 33 % pour la fraction supérieure à 17 025 € et inférieure ou égale à 27 564 € ;

« - 43 % pour la fraction supérieure à 27 564 € et inférieure ou égale à 44 850 € ;

« - 48 % pour la fraction supérieure à 44 850 € et inférieure ou égale à 55 309 € ;

« - 54 % pour la fraction supérieure à 55 309 €. »

Objet

L’auteur de cet amendement est sensible à la volonté du gouvernement d’instaurer une fiscalité plus juste, notamment en faisant contribuer davantage les ménages les plus aisés grâce à un impôt sur le revenu plus progressif.

En effet, le gouvernement s’est engagé dans une lutte pour la réduction du déficit, qui atteint en France un niveau historique. Cet amendement, dans l’esprit voulu par le gouvernement de renforcer la progressivité de l’impôt sur le revenu, vise à revenir aux taux d’imposition de 1997.

Si le gouvernement a souhaité mettre en œuvre une taxation exceptionnelle de 75% de tous les revenus d’activités supérieurs à 1 million d’euros bénéficiaire pour les années 2012 et 2013, il ne doit pas pour autant oublier que la taxation a globalement baissé depuis trente ans, en particulier celle des ménages les plus aisés.

(4) Amendement n°I-335, présenté par M. Placé et les membres du groupe écologiste le 22 novembre 2012

I. - Alinéa 4

Compléter cet alinéa par les mots : et inférieure ou égale à 500 000 €

II. – Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

« - 55 % pour la fraction supérieure à 500 000 €. » Objet

Les auteurs de cet amendement sont sensibles à la volonté du gouvernement d’instaurer une fiscalité plus juste, notamment en faisant contribuer davantage les ménages les plus aisés grâce à un impôt sur le revenu plus progressif. En effet le gouvernement s’est engagé dans une lutte pour la réduction du déficit, qui atteint en France un niveau historique. Cet amendement, dans l’esprit voulu par le gouvernement de renforcer la progressivité de l’impôt sur le revenu, vise à créer une nouvelle tranche d’imposition. Si le gouvernement a souhaité mettre en oeuvre une taxation exceptionnelle de 75 % de tous les revenus d’activité supérieurs à 1

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million d’euros par bénéficiaire pour les années 2012 et 2013. Nous devons continuer à assurer au-delà de 2013, une plus grande justice fiscale.

e. Débats, séance du vendredi 23 novembre 2012

M. le président. La parole est à M. Yves Pozzo di Borgo, sur l'article.

M. Yves Pozzo di Borgo. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le matraquage n’est jamais une solution, y compris en matière fiscale.

Le soin que met le Gouvernement à se faire l’ennemi de la finance et des plus riches le conduit à des choix de politique fiscale antiéconomiques. La création d’une nouvelle tranche d’impôt sur le revenu, après celle d’une contribution exceptionnelle l’année dernière, et après la création que vous proposez à l’article 8 d’une taxe à 75 % du revenu, ne peut que nous interroger sur la capacité du Gouvernement à faire autre chose que des choix trop marqués par une idéologie du siècle passée : « Sus aux riches ! »

Arthur Laffer, économiste de l’offre, a élaboré dans les années soixante-dix une théorie fiscale selon laquelle il existait un point optimal de taxation et, passé ce point, les revenus fiscaux plafonnaient ou tendaient à diminuer, particulièrement lorsque c’étaient les mieux nantis qui étaient visés par une telle hausse d’impôts.

M. Jean-Pierre Caffet. Autrement dit, trop d’impôt tue l’impôt ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste.)

M. Yves Pozzo di Borgo. Tout à fait, cher collègue.

Or ce sont les plus nantis qui sont les plus mobiles et qui peuvent mettre les meilleurs fiscalistes à leur service, ce qui explique d'ailleurs qu'ils soient aussi nombreux à quitter notre territoire.

Nous ne parvenons pas à obtenir les chiffres de Bercy, ce qui est d'ailleurs un peu surprenant pour un débat budgétaire, mais nous croyons savoir que 843 foyers fiscaux se sont exilés en 2006, 719 en 2007 et 821 en 2008. Nous n’avons pas d’information concernant 2010, 2011, ni depuis le mois de mai 2012, mais il semblerait que ce phénomène concerne 700 foyers.

M. Philippe Marini. Eh oui !

M. Yves Pozzo di Borgo. Or ce sont les riches qui sont les plus susceptibles d'être séduits par l'évasion fiscale et qui peuvent partir.

J’ajoute que le montant global de l’ISF acquitté par ces redevables était de 14,5 millions d’euros, ce qui représente un montant très limité par rapport aux grosses fortunes mondiales, notamment européennes.

Je ferai une remarque incidente : il faudrait peut-être que notre pensée fiscale, notamment celle qui a cours à Bercy, cesse d’être influencée par les fonctionnaires de l’INSEE, qui considèrent qu’avec 35 000 euros par an de revenus nets avant impôts, soit à partir de 3 000 euros par mois, on entre dans la catégorie des riches.

Dans ce cas, nous, parlementaires, nous sommes très riches !

Il faut aussi ajouter que les travailleurs à haut revenus, qui ont une part de revenu disponible éminemment plus grande que la majorité des contribuables, voient avec le nouveau palier d’imposition diminuer leur ratio revenu/heures travaillées. Il s’agit malheureusement de l’un des impacts négatifs et souvent oubliés de l’imposition progressive : plus on taxe l'argent, plus l’incitation à travailler diminue.

Je le répète après Laffer, il existe un point optimal de taxation au-delà duquel les revenus fiscaux plafonnent ou tendent à diminuer, particulièrement lorsque ce sont les mêmes nantis qui sont visés par cette hausse d'impôt. Il s’agit là d’un postulat théorique que vous devez connaître, cher collègue Caffet, vous qui avez travaillé à l’INSEE.

Prenons l’exemple de la Nouvelle-Zélande qui, au milieu des années quatre-vingt, a procédé à un grand ménage bureaucratique. Faisant passer la part de l’État dans l’économie de 44 % à 27 %, l’État néo-zélandais a baissé le taux d’imposition de 66 % à 33 %, ce qui s’est traduit par une augmentation des revenus gouvernementaux de plus de 20 %. En effet, taxer moins relance l’économie et, parfois, permet de taxer plus.

J’en reviens à l’effet dissuasif de cet article, qui touche un certain nombre de talents dont nos entreprises ont besoin.

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Toutes nos grandes entreprises ne sont pas le Paris-Saint-Germain, qui peut s’offrir un joueur de qualité internationale en amortissant dans son salaire le montant des impôts auxquels il va être soumis.

Mme Nathalie Goulet. Avec quel argent ?

M. Jean-Pierre Caffet. Bel exemple de gabegie parisienne ! M. Yves Pozzo di Borgo. Assurément non.

Je me demande bien quel pourrait être l’effet d’une telle disposition pour une ville comme Paris, dont je suis élu.

En effet, comme toute grande ville, comme toute grande capitale, Paris concentre un grand nombre de professions dans le secteur du tertiaire supérieur, ainsi que de nombreux sièges sociaux d’entreprises.

Imagine-t-on qu’un cadre international vienne s’établir en France alors que l’essentiel de ses revenus sera ponctionné ? Dans de telles conditions, peut-on imaginer maintenir des sièges sociaux ? Ceux-ci peuvent-ils exister sans dirigeants ? Monsieur le ministre, ce n’est pas possible, vous en conviendrez !

L’attractivité fiscale d’un pays est une partie pleine et entière de sa compétitivité. « Il n’est de richesse que d’hommes », disait Jean Bodin. Ce n’est pas en faisant fuir les talents, les expériences et les réussites que

L’attractivité fiscale d’un pays est une partie pleine et entière de sa compétitivité. « Il n’est de richesse que d’hommes », disait Jean Bodin. Ce n’est pas en faisant fuir les talents, les expériences et les réussites que

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