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La sémiologie graphique [Bertin 67], publiée par Jacques Bertin en 1967, apporte une réponse objective aux deux questions suivantes : dans quel cas faut-il faire un dessin ? Quel dessin faut-il faire ? Elle définit les propriétés spécifiques de la représentation graphique par rapport aux autres systèmes de signes et permet de déterminer, dans chaque cas, la meilleure transcription d’une information. Elle est née dans un contexte où la cartographie était un facteur clé dans la transmission et le maintien de la connaissance. Cette époque est également celle de l’essor de la géographie quantitative qui a vu une réorientation de cette discipline en lien avec les mathématiques et l’arrivée des calculateurs [Pumain 02].

L’approche de Jacques Bertin s’appuie d’une part sur la perception visuelle, et, d’autre part, sur les différents types de significations que l’homme peut attribuer à un signe. La signification peut ainsi être :

• monosémique : une seule interprétation est possible ; • polysémique : plusieurs interprétations sont possibles ; • pansémique : toute interprétation est possible.

La sémiologie graphique est un système monosémique, car la connaissance des signes doit être un préalable à l’interprétation de leur agencement dans un graphique. En d’autres termes, avant de comprendre un graphique, il est nécessaire d’en connaître la légende et la signification des signes qu’il contient (Cf. Figure 2.10).

Bertin définit sept variables visuelles en établissant leurs propriétés perceptives, afin de de pouvoir transmettre de l’information par un graphique, qui sera lisible et interprétable. En s’appuyant sur leurs propriétés issues de la perception et de la théorie de la Gestalt, des particularités peuvent apparaître dans un graphique, comme des corrélations entre éléments, par des regroupements, ou des oppositions, l’isolement d’autres éléments, etc. Les variables visuelles sont les suivantes :

• La position ; • La taille ; • L’orientation ; • La forme ; • La valeur ; • Le gain ; • La couleur. - 37 -

Figure 2.10 – Une carte inexploitable.

Elle ne relève pas d’un système monosémique : la légende étant absente, il n’est pas possible d’en comprendre la signification.

Elles sont à considérer dans un contexte de cartographie ou de photographie et sont utilisées dans trois types d’implantation dans le plan, qui sont le point, la ligne et la zone.

Le graphique présente des relations entre les différents éléments qui le composent. La perception des variables visuelles correspond à quatre niveaux d’organisation :

• Le niveau associatif (

). Il correspond aux variables nominales, ou qualitatives, dites de séparation, en ce sens qu’elle permettent de séparer les éléments entre eux, indépen- damment des autres variables. Elles ont une visibilité constante. Par exemple, la forme est associative car trouver des losanges dans une image peut être fait quelle que soit la couleur ou leur orientation. Si la variable n’est pas associative, alors elle est dissociative (

6≡

) et a une visibilité variable. Il s’agit de la taille et de la valeur ;

• Le niveau sélectif (

6=

). Il permet d’isoler sans effort tous les éléments d’une même catégorie nominale. Il s’agit par exemple de la catégorie des éléments rouges ;

• Le niveau de l’ordre (

O

). Il concerne les éléments pouvant être ordonnés, c’est-à-dire qu’il est possible de dire quel tel élément est plus ou moins que tel autre, selon un critère défini, comme une mesure ou une appréciation ;

• Le niveau quantitatif (

Q

). Il est associé à une métrique. Un élément est donc caractérisé par une valeur comptable. Par exemple, ce billet vaut 20 Euros, ou la surface de ce champs est de 33 hectares. La notion de distance est associée à ce niveau.

Ces niveaux sont emboîtés. Ainsi, le quantitatif est ordonné et qualitatif, ce qui est ordonné est qualitatif, et ce qui est qualitatif est ordonnable. La figure 2.11 présente les variables visuelles, ainsi que leur niveau d’organisation. Elles sont divisées en deux parties. D’une part, les variables de l’image permettent de l’élaborer, notamment en représentant des formes. Le second groupe est constitué de variables de séparation des images, qui sont associatives. Elles servent essentiellement à séparer les éléments de l’image et interviennent en complément des

Chapitre 2 : Approche théorique de la visualisation

autres variables pour l’enrichir.

La variable répondant à tous les niveaux d’organisation est la position dans le plan, ce qui lui procure le plus grand pouvoir d’expression graphique. Grâce aux nouvelles technologies, les représentations en trois dimensions ont introduit une nouvelle valeur spatiale, qui peut être représentée par projection de la vue en 3D dans le plan, ou par des dispositifs, comme des lunettes ou des casques de réalité virtuelle. Cette nouvelle dimension présente l’avantage de pouvoir offrir une plus grande expression graphique, mais des effets, comme l’occultation, sont à prendre en compte et peuvent se révéler pénalisants dans une visualisation.

La couleur n’est pas une variable ordonnée. En effet, il n’est pas possible de dire que le rouge est plus que le jaune. Cependant, en utilisant un gradient de couleur pour caractériser une valeur, par exemple du jaune au bleu, elle devient ordonnée, car il est alors possible de dire que telle valeur de couleur correspond à une valeur numérique supérieure ou inférieure à telle autre. Le gradient de couleur est à rapprocher de la variable visuelle valeur, qui, en cartographie, varie du blanc au noir, en passant par des niveaux de gris. De plus, dans le cadre de l’affichage sur écran, la valeur serait également à rapprocher de la luminosité, le grain de la texture et la couleur des composantes teinte et saturation.

Une nouvelle composante, inexistante sur une carte imprimée mais présente et fortement exploitée dans les systèmes de visualisations informatiques actuels, est la transparence, qui a été ultérieurement ajoutée à la liste des variables visuelles par Wilkinson [Wilkinson 99]. Elle est à rapprocher de la valeur, mais constitue une variable visuelle difficilement exploitable, car ses variations ne sont pas toujours détectables. De plus, un objet transparent peut laisser apparaître un autre objet en arrière-plan, ce qui entraîne un effet combinatoire entre eux, et ainsi fausser la perception de la transparence. La valeur de la transparence est l’alpha, qui correspond plus précisément à l’opacité. En effet, une valeur alpha nulle indique une transparence maximale, alors qu’un alpha maximum signifie que la transparence est nulle.

En plus de son niveau d’organisation, une variable visuelle est caractérisée par sa longueur. Il s’agit du nombre d’éléments différentiables qu’elle permet d’identifier. Elle est parfois confondue avec l’étendue d’une variable quantitative qui est le rapport entre la valeur la plus grande et la valeur la plus petite. Longueur et étendue procurent une échelle de perception de la variable visuelle.