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Sélection de modèles a contrario

Nous proposons dans cette section un algorithme de sélection de modèles a contrario. Il repose sur le critère de validation initialement défini pour la géométrie épipolaire, qui est ici étendu à d’autres modèles géométriques.

4.3.1 Problématique

Dans le paragraphe3.3consacré à l’état de l’art sur la sélection de modèles, nous avons vu que les méthodes des moindres carrés conduisaient systématiquement à choisir le modèle ayant le plus grand degré de liberté. Les critères d’« information » (AIC, BIC, MDL, etc.) sont pour cette raison plus appro- priés, permettant un compromis entre biais et variance (précision du modèle et complexité).

Lorsqu’il s’agit de la comparaison de modèles géométriques pour groupement de mises en corres- pondances (dans R4), il est nécessaire de prendre en compte la dimension des contraintes pour ne pas

favoriser les modèles de dimension plus élevée. La comparaison de la géométrie épipolaire et de la géométrie projective pose ainsi problème car ces deux modèles présentent à la fois un degré de liberté différent (nombre de paramètres indépendants), mais également des contraintes différentes. Concrète- ment, l’erreur résiduelle est calculée de manière différente pour les deux transformations : distance entre des couples de points pour l’homographie, et distance de projection orthogonale d’un point sur une droite pour la matrice fondamentale.

En pratique, la définition d’un critère de sélection entre ces deux modèles est très importante, parti- culièrement en reconstruction 3D, afin de pouvoir estimer quel est le modèle géométrique le plus adapté pour décrire les données. Pour cela, Torr a proposé diverses extensions de son critère GRIC [Tor97, Tor98,Tor99,Tor02], dérivées des critères AIC et BIC, pour permettre la comparaison de l’homographie et de la géométrie épipolaire. Le critère GRIC, dont nous avons rappelé l’expression au paragraphe3.3.2, repose sur le choix de nombreux paramètres qui dépendent de la distribution réelle des inliers et des out- liers. En particulier, l’écart-type σ des résidus pour les inliers qui est supposé connu.

Comme alternative à ce critère de sélection de modèles, nous proposons d’utiliser la méthodologie a contrario, qui ne requiert aucune information a priori sur les données. Pour cela, le critère de validation présenté au paragraphe4.1.1doit être étendu à d’autres modèles géométriques.

4.3.2 Critère d’évaluation pour les transformations géométriques du plan

Le modèle de fond proposé pour la géométrie épipolaire (indépendance mutuelle et distribution uni- forme des points d’intérêt) est très générique et peut donc être utilisé pour d’autres modèles géomé- triques. Nous nous intéressons dorénavant aux transformations géométriques du plan (similitude, trans- formation affine et homographie) qui sont souvent utilisées pour la reconnaissance d’objets. D’autres modèles géométriques que nous n’avons pas considérés pourraient également être étudiés (distorsion radiale, déformation polynomiale, etc.).

Soient C un ensemble de N correspondances aléatoires, et S′un sous-ensemble de C, tel que #S=

n. On suppose que C suit l’hypothèse nulleH0 (définition8). Dans le cas des transformations géomé-

triques du plan, n est égal à 2, 3 ou 4 pour déterminer de manière exacte une unique2 transformation d’ordre n, notée TS′entre les plans P et P′des images I et I′respectivement. L’erreur résiduelle de trans-

fert dans le plan P′s’exprime maintenant comme la distance euclidienne d(T

S′m, m′) =||TS′m−m′||2

entre le point m′de l’image Iet le point T S′m.

Pour n’importe quelle correspondance (m, m′) de C\ S, la probabilité conditionnellement à H 0

que la distance d(TS′m, m′) soit plus petite que α est bornée supérieurement par le rapport de l’aire du

disque de rayon α divisé par l’aire A′ de l’image I: P

H0[d(TS′m, m′) ≤ α] ≤ πα2/A′ ∀α > 0. Autrement écrit, PH0 h d(TS′m, m′)2 π A′ ≤ α i ≤ α . (4.9)

Une expression similaire est obtenue en considérant l’erreur de transfert dans l’image I′ en fonction de

la transformation inverse T−1

S′ . En considérant l’erreur maximale normalisée entre les deux images, nous

avons finalement l’inégalité suivante : PH0 h maxd(TS′m, m′)2 π A′, d(m,T −1 S′ m ′)2π A  ≤ αi≤ α . (4.10)

Observons que cette probabilité dépend du carré de la distance entre deux points. Cette dernière ex- pression suggère une nouvelle définition de la rigidité dans le cas des transformations géométriques du plan.

Soit un groupe de correspondances S, sous-ensemble de C tel que S ∩ S′ =∅. La T

S′-rigidité de S

est définie comme :

α(S,TS′) := max (m,m′)∈Smax  d(TS′m, m′)2 π A′, d(m,T −1 S′ m ′)2π A  . (4.11)

La probabilité d’observer une TS′-rigidité plus petite que α, pour un groupe S qui suit l’hypothèse

nulle, est donc bornée par α#S:

∀α > 0, PH0[α(S,TS′)≤ α] ≤ α

#S.

Considérons maintenant l’ensemble C de correspondances de points d’intérêt entre deux images I et I′. De manière analogue au critère de validation proposé dans [MS04], nous définissons une mesure de qualité (NFA) pour les transformations géométriques du plan.

Définition 12 Soit C = {(mi, m′i) , i = 1, . . . N} un ensemble de N correspondances entre les images

I et I′. Soit S un sous-ensemble de C de #S = K correspondances, tel que K ≤ N − n. Pour ε > 0 fixé, S est qualifié de groupe ε-significatif s’il existe un n-uplet S′ ⊂ C \ S tel que

NFA(S, S′) := (N− n)  N K  N − K n  α(S, TS′) K ≤ ε . (4.12)

La proposition3est également vraie pour cette définition du NFA (la démonstration est identique) : l’espérance du nombre de fausses alarmes (c’est-à-dire les sous-ensembles ε-significatifs qui suivent l’hypothèse nulle) est inférieure à ε.

Remarque 1 :

Les aires A et A′sont estimées à partir des distributions des points appariés dans chacune des images, par le procédé décrit au §4.2.2.

4.3.3 Comparaison de modèles

La définition du NFA nous permet désormais de comparer différents modèles géométriques pour un ensemble de correspondances C. Pour chaque modèle testé M, l’algorithme AC-RANSAC est utilisé de manière à obtenir un sous-ensemble optimal Soptdont la transformation est définie par un n-uplet S′opt,

et de significativité NFAM(Sopt, S′opt). Le modèle sélectionné est alors celui donnant le groupe le plus

significatif :

ˆ

M = argmin

M {NFAM

(Sopt, S′opt)} .

Cette méthode de sélection de modèles géométriques est validée expérimentalement en section4.5.3. Nous montrons sur des données synthétiques et réelles que la mesure de qualité NFA permet effective- ment la sélection de modèles géométriques, constituant une alternative intéressante aux critères usuels.

Il est intéressant de comparer notre critère de sélection de modèles à celui proposé par Torr. Rappe- lons tout d’abord les expressions génériques du NFA et de GRIC [Tor97,Tor98] :

(

GRIC =PN

i=1ρ(ri) + λ1N d + λ2k

log NFAM(S, S′) = K· log α(S, MS′) + logNT(N, K, n)

,

– GRIC : ri désigne l’erreur résiduelle pour la correspondance d’indice i ; ρ est une fonction de

pondération qui dépend de la variance σ2 de l’erreur résiduelle des inliers, et d’un facteur λ

3 qui

dépend de la proportion et de la distribution des outliers ; le coefficient λ1dépend de la distribution

des outliers ; enfin, le coefficient λ2 est une constante qui peut dépendre de N, le nombre de

correspondances ;

– NFA : K est le cardinal du groupe S, NT(N, K, n) désigne le nombre de tests qui dépend de K,

n et de N .

Avec le critère GRIC, le premier terme correspond à la somme des N erreurs résiduelles pondérées. Le second terme permet de favoriser les modèles ayant une dimension plus faible (d = 2 pour les transformation planes, et d = 3 pour la matrice fondamentale). Le dernier terme permet de pénaliser les modèles ayant le plus de degrés de liberté (c’est-à-dire le nombre de paramètres k = 4, 6 et 8 pour les transformations géométriques du plan, et k = 7 pour la matrice fondamentale).

Dans notre cas, le premier terme du critère dépend de la rigidité α(S, MS′), correspondant à l’erreur

résiduelle normalisée maximale du groupe S selon la transformation MS′, et de K, le cardinal de S. Le

second terme du NFA est le nombre de tests NT(N, K, n), qui dépend en particulier de n qui varie donc

selon le modèle choisi (c’est-à-dire n = 2, 3 et 4 pour les transformations géométriques du plan, et n = 7 pour la matrice fondamentale). Le nombre de tests tend ainsi à favoriser les modèles ayant besoin d’un faible nombre échantillons pour être définis. En reprenant les notations de GRIC, nous avons la relation suivante :

n = k× (d′− d) ,

où d′ = 4 est la dimension des correspondances, d la dimension de la variété du modèle, et k le nombre

de paramètres du modèle. Ceci montre que le NFA est un critère de sélection qui traduit également un compromis entre la précision du modèle et sa complexité géométrique, en tenant compte à la fois de la dimension d du modèle et du nombre de paramètres k.

Le grand intérêt de notre critère en comparaison du critère GRIC est qu’il ne requiert aucun réglage de paramètre. De plus, la définition du NFA ne prend en compte que les K correspondances du groupe S parmi l’ensemble des N correspondancesC. Cela illustre le fait que notre critère permet à la fois de sélectionner le modèle géométrique M et le groupe d’inliers S qui lui correspond.