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Sélection de l’habitat dépendante de la densité de congénères

4. Répartition spatio-temporelle des populations hôtes

4.1. Sélection de l’habitat

4.1.1. Sélection de l’habitat dépendante de la densité de congénères

Pour maximiser leur aptitude phénotypique, les animaux devraient choisir leur habitat en fonction de la densité de congénères étant donné que les ressources sont partagées entre plusieurs individus (Rosenzweig 1981, Morris 2003b). Par exemple, Mobæk et al. (2009) ont trouvé qu’à faibles densités de congénères dans le paysage, les moutons domestiques (Ovis aries) tendaient à s’agréger dans les milieux les plus productifs en végétation lorsqu’ils étaient

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théorie de la distribution idéale libre [Ideal free distribution (IFD)], les individus devraient

restreindre leur répartition spatiale aux habitats de plus haute qualité à faibles densités de congénères, mais comme l’aptitude phénotypique moyenne diminue avec l’augmentation de la densité, certains individus devraient être capables d’obtenir une aptitude phénotypique égale en occupant les habitats de plus faible qualité à hautes densités de congénères (Figure 2; Fretwell & Lucas 1969, Morris 1988) . L’IFD a été mise en évidence chez plusieurs espèces, notamment chez le chevreuil (Capreolus capreolus) en Suède (Walhström & Kjellander 1995),

le bécasseau maubèche (Calibris canutus) dans des sites d’hivernage aux Pays-Bas, au

Royaume-Uni et en France (Quaintenne et al. 2011), et le brochet (Esox lucius) grâce à

l’utilisation de 40 années de données de capture-marquage-recapture récoltées dans le lac Windermere en Angleterre (Haugen et al. 2006). Récemment, Haché et al. (2012) ont aussi fourni un support empirique d’une IFD chez une espèce d’oiseaux territoriaux du Nouveau Brunswick au Canada, la paruline couronnée (Seiurus aurocapilla). En supposant que les

individus sont libres de choisir leurs parcelles d’habitat, les animaux qui vivent dans une mosaïque de parcelles devraient tous acquérir la même aptitude phénotypique moyenne à travers leur décision de déplacement entre les différentes parcelles. Basée sur ce principe, la théorie de l’isodar permet d’évaluer les conséquences de stratégies de maximisation de l’aptitude phénotypique à différents niveaux de densités d’individus sur la répartition spatiale des animaux dans le paysage (Morris 1988). Une isodar d’habitat est la droite de régression entre la densité d’individus dans un habitat et la densité dans un second habitat à chaque point duquel l’aptitude phénotypique est égale dans les deux habitats (Figure 2; Morris 1987, 1992, Knight & Morris 1996). L’ordonnée à l’origine d’une isodar révèle des différences entre les deux habitats en termes d’aptitude phénotypique maximale que des individus peuvent atteindre à faibles densités de congénères (Morris 1988). Si l’ordonnée à l’origine est différente de 0, des individus devraient sélectionner plus fortement un habitat par rapport à l’autre à faibles densités de congénères dans le paysage. La pente représente des différences entre les deux habitats par rapport au taux par lequel l’aptitude phénotypique diminue lorsque la densité de congénères augmente dans chaque habitat (Morris 1988). Si la pente est différente de 1, des individus devraient sélectionner plus fortement un habitat par rapport à l’autre à fortes densités de congénères dans le paysage. La théorie de l’isodar peut également être appliquée dans des situations où le choix de l’habitat est restreint par des comportements territoriaux (Morris

15 1994, 2003b). Ce principe est la base de la théorie de la distribution idéale despotique (Ideal despotic distribution), selon laquelle les individus dominants vont monopoliser les ressources

dans les habitats de plus haute qualité et, par conséquent, vont forcer les individus subordonnés à occuper les habitats de moins bonne qualité (Fretwell 1972). Dans ce cas, l’isodar d’habitat sera simplement curvilinéaire (Morris 1994, 2003b).

La théorie de l’isodar a été appliquée avec succès chez de nombreuses espèces, en particulier chez les petits mammifères (Knight & Morris 1996, Abramsky et al. 1997, Shenbrot 2004, Hodson et al. 2010, Ale et al. 2011, Morris et al. 2012), mais aussi les oiseaux (Fernandez-Juricic 2001, Shochat et al. 2002, Shochat et al. 2005), les poissons (Rodríguez 1995), les insectes (Krasnov et al. 2003), quelques grands mammifères (Ramp & Coulson 2002, van Beest et al. 2014) et, récemment, chez des algues unicellulaires (Moses et al. 2013). Les isodars peuvent être aussi particulièrement utiles pour évaluer les conséquences, en termes d’aptitude phénotypique, des perturbations naturelles ou anthropiques de l’habitat pour la faune sauvage (Morris 1990, Shochat et al. 2005, Hodson et al. 2010). Par exemple, Hodson et al. (2010) ont montré que lorsque l’abondance de congénères était faible dans le paysage, les lièvres d’Amérique (Lepus americanus) sélectionnaient les forêts non coupées, mais à fortes abondances, les forêts coupées étaient préférées, en particulier lorsque la différence de pourcentage de couvert forestier entre les forêts non coupées et coupées était faible. Malgré l’utilisation croissante de la théorie de l’isodar pour caractériser la sélection densité-dépendante de l’habitat chez les animaux, son application reste largement limitée à des zones composées de deux habitats adjacents qui sont définis a priori. Or, la plupart des programmes de gestion et

de surveillance de la faune sauvage ne sont pas basés sur un tel plan d’échantillonnage. Une méthode qui permettrait de construire des isodars d’habitat dans des paysages hétérogènes sans avoir à prédéfinir des types de milieux serait donc particulièrement utile dans beaucoup de domaines tels que l’écologie appliquée incluant la gestion et la conservation des espèces animales et, également, en épidémiologie. J’ai donc développé une telle méthode dans le chapitre 1.

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Figure 2. Exemple de répartition spatiale d’individus entre deux habitats H et L de différente

qualité selon la théorie de la distribution idéale libre et la théorie de l’isodar qui en résulte. L’habitat H qui est représenté en rouge est de meilleure qualité que l’habitat L qui est représenté en vert. Les symboles situés à l’intersection des lignes horizontales représentent les valeurs d’abondance d’individus où l’aptitude phénotypique est égale dans les deux habitats.

Abondance d’individus

ISODAR D’HABITAT DISTRIBUTION IDÉALE

LIBRE

Abondance d’individus dans

l’

habita

t H

Abondance d’individus dans

l’habitat L

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