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PARTIE I : CANCER et PACLITAXEL

III) La stratégie ADEPT

4) Sélection de l’enzyme

Dans le cadre de l’approche ADEPT, l’enzyme est vectorisée sous forme de conjugué ou de protéine de fusion reconnaissant l’antigène choisi exprimé par les cellules tumorales cibles. Le choix de cette enzyme remplit un cahier des charges précis de contraintes.

Les principaux points d’importance sont résumés ci-dessous82 :

♦ l’enzyme doit être impérativement différente d’une enzyme endogène, sans quoi une activation prématurée de la prodrogue est à peu près certaine

♦ elle doit bien sûr se montrer stable et active dans les conditions physiologiques impliquées (pH interstitiel) et sous sa forme vectorisée

♦ elle doit catalyser une réaction non réversible (par construction de la prodrogue) ♦ elle doit se montrer hautement spécifique (Km faible ou Kcat élevé) sans nécessiter

♦ elle doit être dépourvue d’activité d’inhibition ou de métabolisation de substrats endogènes

♦ sa capacité à activer un large éventail de prodrogues de composés oncostatiques dénote un avantage indéniable

Parmi les enzymes répondant à ces critères et utilisables en ADEPT, trois classes peuvent être distinguées31:

1- Les enzymes de microorganismes sans analogue chez l’humain

Leur avantage dominant consiste à éviter une activation des prodrogues par des enzymes endogènes dans les tissus normaux, ainsi que toute interaction avec des substrats ou inhibiteurs d’origine humaine. De plus, vu que la plupart des enzymes de cette classe sont d’origine bactérienne, ou facilement exprimables dans les bactéries, elles sont disponibles en quantités importantes. En revanche, l’inconvénient essentiel sera l’induction possible (surtout très probable) et inéluctable d’une réponse immune chez l’homme, qu’il faudra combattre ou contourner.

Dans cette catégorie se retrouvent la cytosine désaminase (CD), la carboxypeptidase G2 (CPG2), la βlactamase (βL), les pénicillines G- ou V-amidase (PGA, PVA).

2- Les enzymes de microorganismes avec analogue chez l’humain

Ces enzymes doivent être choisies de telle sorte que leur équivalent endogène soit présent en faible quantité dans le sang. On peut également jouer sur le fait que certaines de ces enzymes diffèrent suffisamment de leur analogue humain pour que des prodrogues conçues spécialement pour une activation par cette enzyme puissent être développées (cas d’une nitroréductase83). Comme dans la classe 1, la limitation prépondérante provient de problèmes d’immunogénicité.

Dans cette catégorie, la βglucuronidase (βGlu) discutée plus particulièrement (vide infra), la nitroréductase (NR), la phosphatase alcaline (AP), la carboxypeptidase A (CPA) et l’αgalactosidase (αg) appartenant à des microorganismes ont été utilisées.

3- Les enzymes de mammifères

Il est fortement probable ici que les problèmes d’immunogénicité seront faibles voire inexistants, permettant l’usage de plusieurs cycles de thérapie. Bien évidemment, la contrepartie fondamentale sera la possibilité d’activation non spécifique des prodrogues

puisqu’il existe les enzymes endogènes de même nature. Cependant, le conjugué comportant une telle enzyme présentera un caractère immunogène plus restreint, toutes choses égales par ailleurs, que s’il comportait une enzyme de microorganisme (c.-à-d. que le caractère immunogène propre du mAb choisi pour la conjugaison se trouvera atténué). Le cas de la

βglucuronidase entrant dans ce cadre est discuté en détails dans le paragraphe suivant.

4- Le cas de la β-D-Glucuronidase

notre approche est la β-D-glucuronidase humaine. Cette

L’enzyme envisagée dans

exoglycosidase clive, comme son nom l’indique, les liaisons O-glycosidiques. Elle a précédemment été sélectionnée pour l’activation de prodrogues de la doxorubicine 14, de moutarde à l’azote phénolique 44 ou encore de composés particuliers tel le thioglycoside 45 (Figure 19). NH2 O O OH OH OH O O H3C HO O CH3O OH N Cl Cl HO O HO HO OH S O-- O NH4 + N N N NH Moutarde l'azote 44 Doxorubicine 14 Thioglycoside 45 Figure 19

Sur le plan structural, la β-D-glucuronidase humaine est une glycoprotéine

ramé

tét rique d’environ 310 à 380 kDa. Elle présente un axe de symétrie dièdre, qui sépare deux dimères liés par un pont disulfure, présentant ainsi quatre sites catalytiques. La structure par diffraction aux rayons X a été déterminée en 1996 (Figure 20).

Figure 20

La β-D-glucuronidase est présente dans beaucoup d’organes et de fluides de

l’organisme, tels que les macrophages et la plupart des autres cellules sanguines, le foie, la rate, les reins, les intestins, les poumons, les muscles, la bile, l’urine et le sérum. L’activité de cette enzyme est relativement élevée dans certains tissus, notamment le foie où elle sert dans le processus de détoxification des xénobiotiques glucuronylés.

Cependant, il s’agit d’une enzyme lysosomale, donc non circulante, ce qui en fait un candidat de choix pour une stratégie ADEPT car elle devrait permettre d’éviter les phénomènes d’activation non spécifiques et prématurés de la prodrogue, à condition de concevoir des prodrogues suffisamment hydrophiles pour que leur pénétration intracellulaire soit nulle ou négligeable. D’autre part, en sélectionnant une enzyme humaine et un anticorps humanisé, on limitera sensiblement les réactions d’immunogénicité de la protéine de fusion.

L’enzyme humaine présente un maximum d’activité à pH 4,5 et une activité résiduelle d’environ 20% à pH 6.5, c’est-à-dire au niveau du liquide interstitiel de tissus tumoraux. La β-D-glucuronidase d’Escherichia coli présente un maximum d’activité à pH 6.5 et pourrait

donc servir de modèle à la construction d’une β-D-glucuronidase chimérisée (par mutagénèse

dirigée par exemple) de type humain mais possédant une activité optimale dans les conditions où l’on désire l’utiliser.

La β-D-glucuronidase intervient également dans le métabolisme des

glycosaminoglycanes. Ces oligosaccharides sont dégradés par perte des résidus β- glucuronosyles terminaux. Sur le plan catalytique, il a été montré que l’encombrement stérique de l’aglycone rend difficile l’hydrolyse enzymatique de ces composés.84 Seulement, l’introduction d’un espaceur de type para-aminobenzyloxycarbonyle entre l’acide glucuronique et l’aglycone améliore l’affinité et la cinétique d’hydrolyse du glucuronide. Ceci a été vérifié, en particulier dans le cas de dérivés glucuronylés de la doxorubicine et a également été démontré dans le cas d’une prodrogue de moutarde à l’azote.85

Cette information, plus celles issues de l’expérience accumulée au laboratoire, nous a guidés lors de la conception de la synthèse des prodrogues envisagées dans ce concept.

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