• Aucun résultat trouvé

1.4 Ségrégation dans les milieux granulaires

1.4.3 Ségrégation dans les écoulements

1.4.3.1 Ségrégation sur fond rigide

Une configuration typique où l’on rencontre la ségrégation est celle des écoulements sur pente. Par exemple, lorsque l’on fabrique un tas à partir d’un mélange de petits et de gros grains, on observe que les grosses particules se retrouvent à la périphérie et à la base du tas. On observe également ce phénomène lors de l’écoulement d’un milieu granulaire polydisperse sur un plan incliné rigide et rugueux. Ce mécanisme est observé dans les écoulements géophysiques [Félix et Thomas, 2004b] et peut être reproduit en laboratoire [Goujon, 2004]. Le fait que les gros grains se regroupent sur le dessus de l’écoulement modifie la dynamique de propagation de l’avalanche. On observe par exemple la formation de digitations où les gros grains vont s’accumuler sur des lignes le long de l’écoulement [Savage et Hutter, 1989,Pouliquen et al., 1997]

Il est aussi possible de reproduire la ségrégation dans des simulations numériques d’écoulement à deux dimensions sur un plan incliné [Staron et Phillips, 2014]. La position du barycentre des gros grains yptq suit une évolution en saturation exponentielle :

yptq “ y0` py8´ y0q „ 1 ´ exp ˆ ´t τ ˙ . (1.27)

Remarquons que l’état final (voir figure 1.18) n’est pas totalement ségrégé. #»

g

(b) Position du barycentre yG rapportée à la hauteur de l’écoulement H en fonction du temps (rapporté au rapportaH{g).

(a) Vues d’une simulation d’un empilement granulaire placé sur

un plan incliné à quatres instants différents.

Figure 1.18 – Vues d’une simulation d’un empilement granulaire placé sur un plan incliné à quatre instants différents. La pente imposée est de 18°. Tiré de [Staron et Phillips, 2014]. Il est également possible d’observer la ségrégation lorsqu’un milieu granulaire polydi-serse est placé dans une cellule de Couette circulaire, comme on peut le voir sur la figure 1.19 [Golick et Daniels, 2009]. La distance entre les deux plaques Hptq indique la compa-cité de l’écoulement et permet ainsi de quantifier simplement le degré de ségrégation de l’empilement. L’évolution de Hptq indique que le processus de ségrégation est d’ordre un (saturation exponentielle).

1.4. Ségrégation dans les milieux granulaires

Figure 1.19 – (a) Schéma de la cellule annulaire utilisée par [Golick et Daniels, 2009]. Les gros grains placés initialement en bas de la cellule (b) remontent au fur et à mesure du cisaillement (c) et atteignent la partie supérieure (d). (e) Représentation de la hauteur entre les plaques Hptq (définie sur le schéma (a)).

Un mécanisme proposé pour expliquer la ségrégation dans les écoulements est celui du tamisage cinétique [Savage et Lun, 1988]. Dans l’écoulement, les grains bougent en permanence les uns par rapport aux autres. Des trous peuvent se former entre eux et les grains de la couche du dessus s’y introduire. Les gros grains ne peuvent tomber que dans les gros trous, contrairement aux petits. Cela induit une asymétrie dans l’échange des particules qui peut donner lieu à la ségrégation. Notons que cette image ne permet pas d’expliquer toutes les observations. En effet, lorsque les particules sont suffisamment denses par rapport aux petites, elles finissent par couler, ce que l’on ne peut pas com-prendre en invoquant le tamisage cinétique [Félix et Thomas, 2004a].

Les modèles pour comprendre la ségrégation dans les écoulements sont nombreux [van der Vaart et al., 2015] et permettent de rendre compte d’une partie des observations. Cependant, ce sont des modèles ad hoc, faisant intervenir des forces de portance pour les grains qui se retrouvent en haut de l’écoulement, qui n’ont pas de lien évident avec les propriétés mécaniques du milieu granulaire.

1.4.3.2 Géométrie du tambour tournant

La ségrégation en écoulement s’observe aussi lorsque le fond est érodable. Une géo-métrie fréquemment utilisée pour l’étude de la ségrégation par taille est celle du tambour tournant. Un mélange de grosses et de petites particules est placé dans un récipient cy-lindrique horizontal mis en rotation autour de son axe. L’intérêt est, comme on l’a vu au 1.4.1, industriel mais aussi fondamental car cette géométrie fait apparaître deux types de ségrégation :

— la ségrégation radiale qui se produit, en quelques tours de tambour [Cantelaube et Bideau, 1995], dans le plan perpendiculaire à l’axe de rotation (voir figure1.14b) et les gros grains se retrouvent au centre du tambour ;

— la ségrégation axiale qui apparaît suivant l’axe de rotation du tambour au bout d’un nombre de tours beaucoup plus important (voir figure1.21). Dans ce cas, on observe une alternance de bandes de grosses et de petites particules.

Le mécanisme de la ségrégation radiale est le même que pour le tas : les gros grains remontent à la surface (comme on l’a vu au 1.4.3.1). Lorsque le tambour est rempli un peu au-delà de la moitié et que la vitesse de rotation du tambour est bien choisie, on peut observer la formation d’un motif de pétales, qui provient de l’intermittence des

Chapitre 1. Milieux granulaires

avalanches de gros et de petits grains (figure1.20). La taille des pétales est liée au volume des avalanches de grains, chaque avalanche étant responsable de la formation d’un pétale.

Figure 1.20 – Formation d’un motif de pétales dans un tambour tournant : l’état sta-tionnaire atteint est représenté pour différentes vitesses de rotation du tambour tournant. Tiré de [Zuriguel et al., 2006].

La ségrégation axiale a été observée pour la première fois par Oyama [Oyama, 1939] pour un mélange de billes de verres de deux tailles différentes. Le mécanisme de forma-tion de cette instabilité n’est pas encore bien compris et celle-ci présente une dynamique très riche. Les bandes de matériaux ségrégés interagissent sur un temps long : elles gros-sissent lentement [Frette et Stavans, 1997]. Elles peuvent également, selon les conditions expérimentales (vitesse de rotation, composition du mélange de grains) osciller en oppo-sition de phase [Taberlet et al., 2006], on peut également avoir la formation d’un petit nombre de bandes stationnaires [Frette et Stavans, 1997], ou simplement de deux bandes complètement séparées [Chicharro et al., 1997].

(a) Photographie de l’état final

ségrégé en bandes dans l’axe du tambour tournant. Tiré de [Aranson et Tsimring, 2006].

Temps

(b) Simulation numérique d’un tambour tournant au cours du temps. Tiré de [Taberlet et al., 2006].

Figure 1.21 – Ségrégation axiale : (a) expériences et (b) simulations numériques. Il a été montré expérimentalement et numériquement que cette instabilité apparaît à la suite de la déformation du cœur de la ségrégation radiale (voir figure 1.22) [Taberlet

et al., 2006]. La dynamique complexe (oscillations des bandes, fusions de celles-ci, etc.) provient du transport des billes à travers le cœur du tambour tournant.

1.4. Ségrégation dans les milieux granulaires

Figure 1.22 – Séquence d’images montrant l’apparition de la ségrégation axiale dans les expériences. Le mélange est constitué de billes de 0,6 mm (bleue), de 1 mm (jaune) et de 2 mm (rouge) de diamètre. Sur la droite, on représente une vue du cœur du tambour : le cœur constitué de petites billes s’étend et finit par atteindre la surface.

Documents relatifs