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Rotation uniforme de l’aimantation et anisotropie uniaxiale

Considérons le cas d’une anisotropie uniaxiale. Le modèle le plus simple pour décrire le magnétisme de particules monodomaines à 0 K est celui proposé par Stoner et Wohlfarth (noté dans la suite modèle S-W)[Sto48]. Il repose sur l’hypothèse d’une rotation cohérente (macrospin) des moments de spins.

La densité d’énergie magnétique s’écrit alors :

E= KF sin2(θ) − MSH cos(α − θ) (IV.1)

où θ est l’angle entre la direction d’aimantation et l’axe facile, α l’angle entre le champ appliqué et l’axe facile. Le système est représenté sur la figureIV.1(b)

Prenons l’exemple d’un agrégat de nickel (MS= 510 emu.cm−3) de quelques nanomètres. Dans

le matériau massif, l’anisotropie magnétique est de symétrie cubique. On suppose ici qu’aux tailles nanométriques, les particules de nickel présentent une anisotropie uniaxiale (de constante KF) du fait

IV 2. RETOURNEMENT D’AIMANTATION DANS LES NANOPARTICULES

FIG. IV.1 – (a) Energie magnétique d’une nanoparticule de type S-W soumise à un champ magnétique

H appliqué à 60de l’axe facile. (b) Illustration de la rotation d’aimantation en fonction du champ appliqué.

de la contribution de la surface ou des contraintes magnétoélastiques dues à sa structure icosaédrique. D’après nos données expérimentales, montrées dans la suite, l’anisotropie effective d’un agrégat de nickel est de l’ordre de 106erg.cm−3, bien supérieure à celle du matériau massif (≈ 105erg.cm−3).

Sur la figureIV.1(a), on voit l’évolution de l’énergie magnétique avec le champ appliqué. `A champ nul, l’énergie magnétique effective de la particule présente deux états stables à θ = 0◦ et θ = 180

séparés par une barrière énergétique de hauteur KF. On suppose ici que l’aimantation se trouve initiale-

ment dans le minimum d’énergie correspondant à θ = 180◦, illustrée par la présence d’un point dans le

puits de potentiel correspondant. Le système se trouve alors dans la configuration illustrée sur la partie gauche de la figureIV.1(c) (H = 0).

Lorsqu’on augmente la valeur du champ appliqué à 1 kOe, on dissymétrise les puits de potentiels et on resserre les positions en θ des minimums locaux autour du sens dans lequel est appliqué H. Il en résulte que l’aimantation s’oriente dans une position intermédiaire entre la position initiale et la direction du champ : α < θ < 180◦(comme schématisé dans la partie centrale de la figureIV.1(c)).

Pour un champ suffisamment grand (ici H ≥ 2 kOe), le moment magnétique n’a plus qu’une orien- tation stable. L’aimantation bascule de l’autre côté de l’axe du champ appliqué : 0 < θ < α (illustré sur la partie droite de la figureIV.1(c)). Cette rotation provoque un saut dans l’aimantation de l’agrégat.

Le champ critique pour lequel la barrière d’énergie séparant les deux minimums locaux disparaît est appelé champ de retournement et est noté HSW(’SW’ pour ‘switching’) dans la suite. Il est d’environ 2

kOe dans l’exemple présenté plus haut et schématisé sur la figureIV.1.

`A HSW, il existe une valeur de θ vérifiant ∂E/∂θ = 0 et ∂2E/∂θ2 = 0. Nous verrons dans la suite

comment mesurer HSWpar magnétométrie à µSQUID .

Il est important de noter que HSWest en général différent du champ coercitif Hcde l’agrégat. Hcest

par définition le champ pour lequel la projection du moment magnétique sur la direction du champ appliqué est nul (cos(α − θ) = 0). Le calcul de Hc, et plus généralement la description du cycle d’ai-

mantation n’est pas analytique et il faut adopter une approche numérique.

Dans le cas d’une anisotropie uniaxiale, le champ d’anisotropie Haest le champ de retournement

selon l’axe de facile aimantation. Sa valeur est donnée par :

Ha =2KF

MS . (IV.2)

Ainsi on peut déterminer la valeur de l’anisotropie KFà partir de la mesure de Ha.

La variation de HSWen fonction de α s’exprime de manière analytique par :

HSW = Ha

(sin2/3α + cos2/3α)3/2. (IV.3) Pour décrire les propriétés magnétiques du système S-W, il convient d’utiliser les unités réduites : h = H/Haet m = M/MS. La figureIV.2(a) présente les courbes d’aimantation calculées pour un système

IV 2. RETOURNEMENT D’AIMANTATION DANS LES NANOPARTICULES

FIG. IV.2 – (a) Courbes d’aimantation calculées pour un système S-W en fonction de l’angle α entre

le champ appliqué et l’axe facile. Les points gris indiquent la valeur HSWpour chacun des cycles.

L’évolution de HSWdans toutes les directions de l’espace décrit l’astroïde de S-W (b). Le référentiel (X, Y, Z) de la particule est choisi tel que l’axe de facile aimantation soit selon Z. Cette surface critique de retournement présente un axe de symétrie de révolution (Z) qui correspond à l’axe de facile aimantation de la particule et un plan miroir (XY) qui correspond au plan de difficile aimantation. Une mesure 2D de HSWrevient à faire une coupe de la surface critique. Dans le cas où l’axe facile est dans le plan de

Le modèle S-W est à deux dimensions, la rotation d’aimantation se fait dans un plan contenant la direction dans laquelle est appliqué H et l’axe de facile aimantation de la particule.

En balayant le champ selon chaque direction de l’espace, on peut reconstruire la surface critique de champ de retournement, telle que représentée sur la figureIV.2(b). Dans le cas de la particule décrite par le modèle de S-W, la surface est centrosymétrique car tous les termes d’énergie sont paires. De plus, l’astroïde de S-W a un axe de symétrie de révolution qui correspond à l’axe de facile aimantation et un plan miroir qui est le plan difficile.

La magnétométrie à µSQUID permet de mesurer HSWdans toutes les directions et reconstruire ainsi

cette surface critique[Jam01b]. Cette mesure est néanmoins fastidieuse et pour une particule décrite par S-W, une mesure 2D suffit. Si l’axe facile est contenu dans le plan de mesure, HSWdécrit alors la courbe

contenue dans la figureIV.2(c). La distinction entre l’axe facile et la direction difficile semble délicate dans ce cas. Néanmoins, nous verrons dans la suite que lors de la mesure, il est possible d’identifier ces directions. D’une part, la détection est plus facile autour de la direction d’anisotropie et d’autre part, l’allure des cycles d’aimantation est bien différente autour des deux directions caractéristiques.