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Le mémoire étant rendu en août, Romain a pu passer l’ensemble de l’été sur la startup, en collaboration avec Luc. Romain pense pouvoir tenir financièrement jusqu’à décembre, et s’oriente donc vers des sources de revenus qui n’empiéteraient pas sur le développement de la startup. S’il semble satisfait de sa réorientation de l’ingénierie au développement digital, Romain se fatigue progressivement. Il justifie alors son investissement par une revalorisation du travail indépendant et de l’entrepreneuriat en dévaluant la valeur de son diplôme sur le « marché du travail ».

Heuu, la maîtrise d'ici, aucune [valeur]. C'était plus pour avoir une expérience à l'étranger, mais... Je suis persuadé que si je cherche du boulot en France ou tout ça, le diplôme d'ingé des Arts et Métiers il sera plus valorisé que la maîtrise d'ici. Ça sera bien vu, sans doute d'avoir fait une expérience à l'étranger tout ça. Mais en soit la maîtrise, que je leur dise que j'ai eu A+ ou A, enfin pour moi dans ma tête ça

55 Les derniers liens avec le milieu universitaire

Le diplôme n’est cependant pas le seul lien qui relie l’étudiant du jeune adulte professionnel. L’université joue aussi un rôle à part entière, dans le sens où elle propose d’aider à l’insertion de ses diplômés. C’est dans cette perspective que le discours est orienté envers les diplômés à Montréal : « Resources for a successful transition into the workplace »29 pour l’université Concordia, « Le secteur Conseils carrière offre de l’accompagnement à tous les étudiants et diplômés, jusqu’à deux ans après leurs études »30 à l’Université de Montréal. On le retrouve également à l’Université du Québec à Montréal sur la page de recrutement de futurs-étudiants « Pourquoi choisir l’UQAM ? » :

Près de 90 % des programmes de baccalauréat de l'UQAM comprennent des stages, expositions, laboratoires, simulations, concours ou sorties sur le terrain. Tout en valorisant la culture générale et l'interdisciplinarité, la formation développe les compétences professionnelles et personnelles des étudiants, les préparant à une intégration réussie sur le marché du travail. (etudier.uqam.ca/choisir, mars 2017)

Dans une logique d’aide à la transition, les universités proposent de soutenir les étudiants par le prestige de la formation, par un système de bourse qui soutient financièrement, par la mise de dispositions techniques de recherche et de moyens de distinction, et par l’intégration à un réseau. Les universités mettent à disposition des ressources, comme le site Gestion de carrière d’HEC Montréal, l’Association des diplômés de l’Université de Montréal, la Banque

29 L’expression, que l’on peut traduire de la manière suivante « Les ressources pour une transition

réussie vers le monde du travail », consulté en mars 2017 sur la page Carrière du site de l’université.

30 Vu en mars 2017 à la rubrique « Se trouver un emploi » de la page des Services aux Étudiants (Saé)

de l’Université de Montréal.

changera pas. Mais là comme j'ai [la startup], je pense que ça sera plus valorisé même. En plus c'est plus valorisant, enfin je le trouve plus intéressant. En plus au niveau de l'employeur, c'est plus valorisant de lui dire que j'ai monté une startup qui a marché le mieux possible, plutôt que de leur dire que j'ai eu A+ à ma soutenance de maîtrise. (Romain, 28 mai 2016).

56 d’emplois de l’Université du Québec à Montréal, ou encore les différents concours et bourses destinés aux post-diplômés.

Dans notre enquête, ces ressources n’ont pas été utilisées par les enquêtés. En demandant aux enquêtés ce qui les faisait le plus avancer dans leurs parcours, les réponses s’orientaient soit vers l’entourage (« copain »31, « entourage »32, « proches »33, « famille »34 (présent deux fois), et les « autres »35), soit vers des éléments personnels (« me faire confronter »36, « orgueil »37, « motivation »38 et le besoin « d’auto-accomplissement »39).

À la fin de l’enquête, il en est ressorti des résultats sensiblement différents, l’entourage étant moins présent (« potes »40, « famille »41), laissant davantage place à des éléments liés à la personnalité (« anticipation »42, « analyse des problèmes », « volonté de réussir »43, « incapable d’être à rien faire »44, « disponibilité »45, « force intérieure »46). On retrouve enfin l’apparition d’autres facteurs indépendants (l’envie de travailler pour le « bien commun »47, « le temps »48).

Nous remarquons donc deux choses. D’une part, l’université n’aurait pas concrètement aidé à la transition des enquêtés vers l’emploi, comme le montre l’encadré 12 ci-dessous. D’autre part, si elle l’avait implicitement fait, aucun enquêté ne remarque de formes concrètes de soutien. Les autres sphères liées à l’université, comme la relation avec les autres étudiants, ne

31 Issu de l’entrevue d’Élisabeth, le 22 septembre. 32 Issu de l’entrevue de Lola, le 21 septembre. 33 Issu de l’entrevue de Marcel, le 23 juillet.

34 Issu de l’entrevue de Camille, le 26 juillet et de Romain, le 9 septembre. 35 Issu de l’entrevue de Constantine, le 19 juillet.

36 Issu de l’entrevue de Maria, le 22 juillet. 37 Issu de l’entrevue de Léopold, le 29 juillet. 38 Issu de l’entrevue de Luc, le 22 juillet. 39 Issu de l’entrevue de Gustave, le 22 juillet. 40 Issu de l’entrevue de Lola, le 11 décembre. 41 Issu de l’entrevue de Romain, le 7 décembre. 42 Issu de l’entrevue d’Élisabeth, le 14 décembre. 43 Issu de l’entrevue de Marcel, le 4 décembre. 44 Issu de l’entrevue de Camille, le 8 décembre. 45 Issu de l’entrevue de Constantine, le 6 décembre. 46 Issu de l’entrevue de Gustave, le 21 décembre. 47 Issu de l’entrevue de Maria, le 9 décembre. 48 Issu de l’entrevue de Luc, le 7 décembre.

57 sont également pas mentionnées. Les raisons évoquées semblent principalement dues à un sentiment d’illégitimité face à l’utilisation de réseaux professionnels, ou par envie de « réussir » par ses propres moyens.

L’attente de la « bonne période » de recrutement

Certains enquêtés qui avaient terminé leur mémoire au début de l’enquête remarque le temps long pour arriver à « la bonne période » de recrutement, celle où les offres d’emploi sont plus nombreuses. Bien qu’ils continuent à répondre aux offres (peu nombreuses) qui les intéressent, les enquêtés restent conscients que l’été n’est pas la « bonne période » pour chercher un emploi ou développer son projet entrepreneurial. C’est pourquoi quelques enquêtés ont anticipé ce temps long de la recherche d’emploi en cherchant un emploi alimentaire pour rester indépendant financièrement.

Certains enquêtés ressentent malgré tout la lourdeur du temps. Ce dernier n’est donc pas très profitable à un repos post-diplôme, il amène plutôt la peur de se retrouver face à des portes fermées. C’est principalement le fait de ne jamais avoir de retour (même négatif) des candidatures qui déstabilise.

Nous pouvons alors considérer que le changement rapide de rythme brutalise les habitudes de certains enquêtés. En effet, l’école habitue les étudiants à recevoir des commentaires et des