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LE ROLE DES TRAITS MORPHOLOGIQUES DE COMMUNAUTES VEGETALES DANS LA RETENTION DE SEDIMENTS

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I

NTRODUCTION

ELEMENTS THEORIQUES

La végétation est capable d’interagir avec les dynamiques sédimentaires à diverses échelles et dans divers contextes. Par exemple, à l’échelle des paysages, il a été montré que la végétation de marais salés, de vasières, de deltas ou d’estuaires (par exemple les mangroves), favorise la rétention de sédiments dans ces milieux, constituant ainsi des sortes de pièges à sédiments (RAMSAR). Les apports fréquents en sédiments au niveau de ces zones modèlent la topographie et le fonctionnement de ces milieux particulièrement productifs, abritant des pêcheries et alimentant de nombreux oiseaux migrateurs (RAMSAR). La végétation aquatique est également capable d’influencer les dynamiques sédimentaires. Par exemple dans des petits cours d’eau, les macrophytes sont ainsi capables de retenir d’importantes quantités de sédiments (Wilkie et al. 2012).

Dans la mer, les herbiers de posidonie ont également cette faculté (Gacia & Duarte 2001). La rétention de sédiments dans ces milieux est là encore à la base de la formation d’habitats abritant de nombreux organismes vivants. Cette capacité des végétaux à piéger des sédiments n’est pas uniquement associée aux flux hydriques. En effet, dans le cas de l’érosion éolienne, il a également été montré que les plantes sont à l’origine de la formation de petits amas sédimentaires à leur base, nommés amas phytogéniques. Là encore, ces amas sont particulièrement importants pour le fonctionnement de ces milieux (El-Bana et al. 2003).

Cette capacité de la végétation à favoriser la sédimentation s’explique par le fait que les parties aériennes des plantes, essentiellement les tiges et les feuilles, augmentent la rugosité du milieu lorsqu’il est traversé par un flux sédimentaire (Yuan et al. 2009). La rétention peut être causée directement par l’interception des particules de sol par la végétation ou bien indirectement par le ralentissement du flux par la canopée des plantes, favorisant ainsi le dépôt de sédiments (Dabney et al. 1995).

Cette capacité des plantes à piéger des sédiments a largement été utilisée par l’homme pour aménager des terrains où le transport de sédiments est important et non compatible avec les activités humaines locales. Ainsi, l’implantation de barrières

végétales visant à retenir des sédiments est une pratique développée, particulièrement au niveau des champs cultivés (World Bank 1990). Ces barrières peuvent être constituées d’arbustes et installées selon les courbes de niveau sur des terrains en pente (Roose et al. 1993). Elles peuvent également être constituées de bandes herbacées, filtrant les eaux de ruissellement avant que celles-ci ne rejoignent le drain le plus proche (Abu-Zreig et al. 2004). Leur rôle est alors de retenir les particules de sol afin de maintenir leur fertilité d’une part et de limiter les apports de sédiments à l’aval des bassins versants d’autre part.

De nombreuses études ont cherché à mieux connaitre les particularités des végétaux qui expliquent leur capacité à favoriser la sédimentation. La forme des barrières végétales, i.e leur longueur, leur largeur ou encore leur homogénéité, ont été pointés par plusieurs études comme étant un paramètre clé pour expliquer leur capacité à retenir des sédiments (VanDijk et al. 1996, Lee et al. 2000, Abu-Zreig et al. 2004). L’influence de la morphologie des plantes, et particulièrement de leur canopée, sur la rétention sédimentaire a également été mise en avant par plusieurs études dans divers contextes (Corenblit et al. 2009, De Baets et al. 2009). Des traits morphologiques, tels que la densité en tiges, la surface foliaire ou encore la forme de la canopée ont ainsi été identifiés comme étant reliés à la capacité des plantes à piéger des sédiments (Bochet et al. 2000, Isselin-Nondedeu & Bedecarrats 2007, Burylo et al. 2012a).

Nous nous sommes ici intéressés à l’effet de traits morphologiques végétaux, à l’échelle de communautés de plantes formant des barrières dans des lits de ravines érodés, sur leur capacité de rétention de sédiments.

OBJECTIFS ET STRATEGIE EXPERIMENTALE

Dans le cas spécifique des ravines, il a été montré que la végétation située dans la partie aval de leurs lits est capable d’agir comme un piège à sédiment, diminuant voire éteignant ainsi la production sédimentaire à leurs exutoires (Rey 2003). Cette propriété des plantes de lits de ravine est utilisée dans des stratégies de restauration écologique de ces petits bassins versants (Dabney et al. 2004, Rey 2004). Dans les Alpes du Sud, des barrières végétales, constituées de boutures saules (Salix purpurea), ont été implantées

en amont d’ouvrages de génie écologique. L’efficacité des boutures pour retenir des sédiments a été montrée durant les premières années suivant leur implantation (Rey &

Burylo submitted). Etant donné l’importance de l’activité érosive dans ces milieux, la capacité de stockage des boutures est en général atteinte après seulement quelques évènements pluvieux de forte intensité. Ces boutures émettent des rejets qui peuvent également favoriser la rétention de sédiments et ainsi permettre une accumulation supplémentaire au niveau des ouvrages lorsque la capacité de stockage des boutures a été atteinte. Une meilleure connaissance de la capacité des rejets à retenir des sédiments marneux est donc nécessaire pour mieux comprendre l’effet à moyen et long terme de l’implantation de telles barrières végétales sur la dynamique sédimentaire des lits de ravines en cours de restauration. L’objectif du premier chapitre de cette partie est ainsi de mieux comprendre comment la morphologie des rejets de boutures de saules explique la rétention sédimentaire dans des lits de ravines érodées en cours de restauration écologique.

Pour répondre à cet objectif, deux angles d’approches ont été utilisés. Premièrement, nous avons choisi de mener une étude de terrain sur des ouvrages en vraie grandeur pour lesquels on dispose d’un retour d’expérience de 2 à 8 ans. Les crues transportant des sédiments dans les lits de ravines marneuses des Alpes du Sud sont de diverses intensités. Il existe en effet peu d’évènements intenses (quelques-uns par an) et un nombre plus conséquent d’évènements de faibles intensités associés à un transport beaucoup moins important (Mathys 2006). Par exemple, dans une ravine non végétalisée de 1300 m2 (Roubine, Draix), il a été mesuré que le début de 10 L s-1 est dépassé 1,6 fois par an en moyenne à son exutoire alors qu’un débit de 1 L s-1 est en moyenne dépassé plus de 10 fois par an (Mathys, communication personnelle). Bien que moins fréquents, les évènements de fortes intensités ont un effet plus marquant sur la dynamique sédimentaire que les évènements de faibles intensités. En faisant le choix d’étudier la rétention sédimentaire sur des barrières de rejets en place dans des lits de ravines actives, on étudie donc essentiellement l’effet des évènements de fortes intensités. Les travaux relatifs à ce premier angle d’approche sont présentés dans le chapitre 1.1. Pour compléter cette étude, nous avons choisi de reproduire en canal d’écoulement des barrières de rejets de saules, de morphologies similaires à celles

observées sur le terrain, et d’étudier leur capacité de rétention en reproduisant ex-situ des flux sédimentaires correspondants à des évènements de faibles intensités. Cette étude, moins poussée, est présentée dans le chapitre complémentaire 1.2.

Les amas sédimentaires formés en amont des barrières végétales dans les lits de ravines forment des sortes de petites terrasses où les contraintes érosives sont amoindries et où la rétention hydrique est favorisée. L’implantation spontanée de végétaux y est ainsi favorisée (Burylo et al. 2007). De plus, les barrières végétales sont non seulement capables de retenir des sédiments mais aussi des graines (Rey et al. 2005). Tous ces éléments favorisent le développement spontané de plantes au niveau de ces terrasses, venant ainsi diversifier ces barrières végétales, initialement formées de saules dans le cas présent. La diversité de ces barrières est potentiellement intéressante pour la restauration écologique des ravines érodées. En effet, la diversité des espèces végétales peut permettre de renforcer la résistance de ces communautés à des stress ou perturbations abiotiques (Tilman 1999), tels que ceux liés à la sécheresse de la saison estivale dans cette zone. Elle peut également favoriser le développement d’organismes secondaires diversifiés, notamment ceux vivant dans le sol (Wardle et al. 2004). Par ailleurs, il pourrait aussi être intéressant d’implanter directement des communautés diversifiées dans les lits de ravines, et non pas des barrières monospécifiques de saules.

Ces réflexions nous ont amenés à étudier la rétention sédimentaire par des barrières végétales diversifiées, morphologiquement parlant. En effet, est-ce que la capacité de rétention de barrières plurispécifiques peut être directement prédite à partir de celles de ces espèces constitutives est une question qui est loin d’être évidente. Des propriétés émergentes peuvent apparaitre lorsque l’on passe de populations monospécifiques à des communautés plurispécifiques. Le deuxième objectif de cette partie est donc de mieux comprendre comment la diversité morphologique de barrières végétales plurispécifiques influence leur capacité à retenir des sédiments marneux.

Afin d’étudier l’effet spécifique de la diversité morphologique de barrières végétales sur la rétention sédimentaire, nous avons choisi de nous concentrer sur quatre espèces végétales des Alpes du Sud aux morphologies contrastées. Afin de comparer la rétention sédimentaire par des barrières homogènes, respectivement constituées d’une espèce, à celle associée à des barrières hétérogènes, constituées de plusieurs espèces, nous avons

choisi de réaliser un dispositif expérimental en vraie grandeur nous permettant de composer différents types de barrières en amont d’un même ouvrage, au niveau duquel nous avons artificiellement recréé un flux sédimentaire aux propriétés constantes. Ceci permet donc de comparer la rétention sédimentaire de différentes barrières en termes de diversité morphologique, tout en limitant les biais introduits par l’expérimentation.

On souligne cependant que, bien que le transport sédimentaire soit ici plus proche des conditions naturelles qu’en canal d’écoulement, des contraintes expérimentales d’ordre technique nous ont contraint de limiter l’intensité du flux sédimentaire, équivalent à ceux produits lors d’évènements pluvieux de relativement faible intensité. Cette étude est présentée dans le chapitre 2 de cette première partie.

C

HAPITRE

I.1.1 -

E

TUDE IN

-

SITU DES RELATIONS ENTRE LES TRAITS MORPHOLOGIQUES DE BARRIERES DE SAULES ET LEUR CAPACITE A RETENIR DES SEDIMENTS

Linking sediment trapping efficiency with morphological traits of Salix

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