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ROLE D’ASIC3 DANS LA DOULEUR POST-OPERATOIRE

ILPC/ICtrl pH 6

DISCUSSION GENERALE

A. ROLE D’ASIC3 DANS LA DOULEUR POST-OPERATOIRE

Les douleurs post-opératoires, sont associées à des acidoses modérées au sein des tissus lésés et sont connues en clinique pour leur chronicité et leur difficulté à être traitées. Nous avons montré que les différentes caractéristiques des canaux ASIC3 en font un acteur important pour la détection des douleurs qui suivent une opération chirurgicale (Deval et al, 2011).

Les canaux ASIC3 sont fortement exprimés dans les neurones sensoriels qui innervent les tissus profonds tels que les muscles ou les articulations (Deval et al, 2011), (Molliver et al, 2005), (Sluka et al, 2003), (Price et al, 2001), (Sluka et al, 2007), (Ikeuchi et al, 2008), (Ikeuchi et al, 2008), (Ikeuchi et al, 2009), (Sluka et al, 2013). De plus, les acidifications tissulaires consécutives aux actes chirurgicaux sont d’autant plus importantes que les incisions se situent au niveau du tissu musculaire (Woo et al, 2004). De manière très intéressante, l’expression des canaux ASIC3 est augmentée dans les nocicepteurs innervant les muscles après une incision (Deval et al, 2011). Enfin, l’inhibition périphérique des canaux ASIC3 au cours de l’opération (toxine APETx2 pour bloquer l’activité des canaux au niveau des terminaisons périphériques ou siARN pour inhiber l’expression des canaux dans les neurones

Discussion générale 130 de DRG) provoque une diminution significative des comportements douloureux post- opératoires.

Cette étude démontre donc qu’ASIC3 est impliqué dans les mécanismes de mise en place de la douleur post-opératoire. Il serait maintenant intéressant d’étudier les effets de l’inhibition « a posteriori » de ces canaux afin de savoir s’ils sont impliqués également dans le maintien de la douleur. Toutefois, d’un point de vue thérapeutique, le traitement durant l’opération est tout à fait envisageable et d’ailleurs déjà pratiqué en ce qui concerne les anesthésiques locaux (Liu et al, 2006), (Scott, 2010).

D’autre part, si le blocage d’ASIC3 permet la réduction des douleurs post-opératoires, il ne suffit pas à abolir totalement ces douleurs, suggérant l’implication d’autres cibles thérapeutiques. ASIC3 n’est en effet pas le seul canal dépolarisant sensible aux protons à être exprimé dans les neurones sensoriels, on trouve également les canaux ASIC1 (Deval et al, 2008), (Deval et al, 2011) et les canaux TRPV1 (Caterina et al, 1997), (Tominaga et al, 1998). Les expériences de délétions des canaux ASIC1 n’ont montré que peu d’effet sur les douleurs musculaires et cutanées, mécaniques ou thermiques (Sluka et al, 2003), (Page et al, 2004). De plus l’inhibition d’ASIC1a par la toxine PcTx1 n’a pas montré d’effet sur les modèles de douleurs aiguës cutanées (Mazzuca et al, 2007) ou inflammatoire (Deval et al, 2008). Toutefois, l’étude récente effectuée au laboratoire, à l’aide de la toxine de mamba noir (Mambalgine) a démontré une implication des canaux contenant ASIC1b dans les douleurs périphériques (Diochot et al, 2012). Il faut ajouter à cela que les effets de la toxine de serpent corail (MitTx) révèlent également une contribution des canaux ASIC1a dans ce type de douleurs (Bohlen et al, 2011). Cependant, si les effets des canaux ASIC1 en périphérie semblent jusqu’ici moins évidents que ceux des canaux ASIC3, on peut penser que les hétéromères ASIC1-ASIC3 puissent être les médiateurs de ces mécanismes douloureux. D’autre part, les canaux TRPV1, bien qu’ils soient moins sensibles aux protons que les canaux ASIC, pourraient être impliqués dans les douleurs post-opératoires. Les valeurs des acidoses dans les tissus lésés (Woo et al, 2004) sont plus en corrélation avec des valeurs d’activation des canaux ASIC, et notamment ASIC3. Malgré tout, cette acidose modérée, en plus de l’environnement inflammatoire et de la température corporelle, pourraient sensibiliser les canaux TRPV1 aux protons (Tominaga et al, 1998). D’autant plus que ces canaux jouent un rôle dans les sensibilisations au chaud et dans l’activité spontanée des fibres afférentes lors d’incision tissulaire (Banik & Brennan, 2009). Cependant, aucune différence de douleur posturale n’a été établie entre les souris invalidées pour TRPV1 et les souris sauvages (Banik & Brennan, 2009). Une étude récente montre même qu’un antagoniste de TRPV1 n’induit aucune réduction des courants induits par l’acide dans les neurones de DRG suite à une incision (Kido et al, 2013). Ces derniers travaux sont en accord avec nos résultats, puisqu’ils démontrent que les ASIC sont particulièrement responsables des courants induits par l’acide après une incision. Mais, ils ne permettent pas de tirer de conclusion quant au rôle spécifique d’ASIC3 dans cette activité post-opératoire des fibres musculaires afférentes car ils n’utilisent qu’un inhibiteur non discriminant des ASIC (l’amiloride).

Discussion générale 131 Ce travail a également permis l’utilisation du nouveau test comportemental de « dynamic weight bearing » qui consiste à mesurer la répartition du poids de l’animal, libre de ses mouvements, sur chacune de ses pattes. De manière inattendue et intéressante, nous avons constaté que le déséquilibre chez les animaux opérés n’était pas toujours dans le sens d’une charge moins élevée sur la patte arrière opérée par rapport à la patte non opérée. Effectivement, de manière générale, les rats lèvent la patte opérée afin de ne pas exercer de pression sur la lésion et réduire ainsi la douleur. Toutefois, certains rats ont adopté un comportement inverse. Ces animaux se reposent et exercent une pression plus forte sur la patte opérée, sur une zone proche de celle lésée. Nous pensons que cela permet un soulagement de la douleur. Ce phénomène pourrait être expliqué par la théorie du « gate control » (Melzack & Wall, 1965). En effet, nous avons tous expérimenté le fait qu’exercer une pression à proximité d’une zone douloureuse permet de soulager la douleur. Par exemple, se frotter le coude après s’être cogné ou bien s’appuyer sur le ventre lors de douleurs abdominales. En fait, de manière intuitive, en s’appuyant sur la patte douloureuse, les animaux mettent en pratique le « gate control ». Ils activent les fibres mécanosensibles. Cette activation permet une stimulation des interneurones inhibiteurs au niveau de la moelle, ce qui réduit l’influx nerveux envoyé aux centres supérieurs. La sensation douloureuse est ainsi réduite (Figure 19).

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Figure 19 : Schéma de la théorie du « gate control » qui permet une modulation de la perception de la douleur suite à l’activation des fibres mécanosensibles.

La théorie du « gate control » a été élaborée en 1965 par Wall et Melzach. Il s’agit d’un contrôle qui se produit au niveau de la moelle. Lors de l’activation des fibres nociceptives, l’activation des fibres mécanosensibles permet une stimulation des interneurones inhibiteurs au niveau de la moelle. Cela donne lieu à une modulation de la douleur au niveau spinal par réduction des influx nociceptifs envoyés aux centres supérieurs.

Discussion générale 133 Ces altérations de l’équilibre au niveau des pattes arrière (plus ou bien moins de poids sur la patte opérée) dénotent une douleur post-opératoire, puisque les animaux naïfs répartissent équitablement leur poids sur leurs deux pattes arrière. Afin de mettre en évidence ces deux types de déséquilibre, nous avons calculé la valeur absolue de la différence de poids exercé sur chacune des pattes arrière (|ipsilatéral – controlatéral|), comme cela a été fait dans d’autres études (Dube et al, 2005). Ce nouveau test s’est révélé très intéressant pour mesurer des douleurs posturales, plus proches des troubles décrits en clinique. Car, jusque là, la douleur posturale était évaluée de manière moins précise, grâce à un sol quadrillé (comptage du nombre de carreaux sur lesquels reposent les pattes) (Hamalainen et al, 2009), (Kang et al, 2010).

Ces travaux ont permis de mettre en évidence la participation des canaux ASIC3 dans les douleurs post-opératoires dans un modèle rongeur. Ces résultats laissent pressentir ASIC3 comme une cible pour le traitement des douleurs chirurgicales.