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Dans cette organisation, on porte donc un effort sur la qualité des interrelations entre les personnes plutôt que sur la synthèse des problèmes et la codification des solutions. Cette étude de cas met en évidence le rôle central du directeur du cabinet. Le directeur invite ses collaborateurs à varier leur mission, à se documenter, à innover en matière de méthodologie d’intervention. Mais, nous remarquons qu’il concentre toutes les ressources. En fait, tous les experts, y compris le client, contribuent à la construction de la réification; elle évolue à chaque mission. Mais le directeur concourt à cette construction ou cette "structuration" pour reprendre le terme de Lazega (1998), plus que les autres collègues. Il contrôle l’allocation des ressources dont ils ont besoin. Il concentre les ressources relationnelles (Basly, 2006;

Chauvet, 2008). Il définit les règles de l’échange avec le client et entre les consultants. La réussite de la consultation dépend du réseau personnel du dirigeant. Pour cette raison, ce cas correspond à un type particulier de systèmes d’apprentissage organisationnel, à savoir l’institution unipersonnelle (Shrivastava, 1983). Des témoignages tels que « La mémoire d’Alpha Conseil est égale au directeur » ou « C’est lui qui va rencontrer les hauts dirigeants dans l’entreprise cliente » montrent que le directeur représente le « noyau dur » du cabinet; il a le poids le plus important dans la négociation de sens. Il est perçu comme étant un membre

« important » (Lazega, 1998, p 45) de l’organisation. Cet article attire l’attention des praticiens, dirigeants de PME, sur le fait que la relation entre l’expert et sa situation de travail n’est pas le fait de normes. Cette relation est produite par des processus de négociation sur la situation problématique du client et reposant sur une variété de moyens : les réunions, l'observation, l'imitation, la pratique, les interactions avec les consommateurs; le dialogue et la réflexion collective par le biais de métaphores, d'analogies et de modèles; les documents, les réunions, les conversations téléphoniques, les réseaux informatisés de communication, les réseaux d'informations et de connaissances codifiées; la documentation, les récits oraux. Les règles partagées, constamment améliorées, soutiennent l’apprentissage organisationnel et l’émergence d’une compétence collective (Retour et Krohmer, 2006).

CONCLUSION

L’essence même de la pratique du conseil réside dans la transformation des connaissances en valeur ajoutée pour le client. L’apprentissage se trouve au cœur de la pratique du conseil en gestion. Les connaissances sont en même temps une ressource pour l’action du « courtier du savoir ». Cette étude de cas fait ressortir le fait que, dans la PME, l’échange « personne à personne » prime par rapport au souci de codification et de réutilisation des connaissances accumulées (Hansen et al., 1999). Au sein de la PME, l’apprentissage organisationnel n’est pas appréhendé de manière stratégique et structurée.

Notre travail peut aussi aider les gestionnaires et consultants à identifier la dynamique sous-jacente à l’apprentissage organisationnel car les managers des PME ont tout intérêt à comprendre comment systématiser l’apprentissage organisationnel dans leur organisation. Sur le plan des recommandations, nous invitons les dirigeants de PME à faire le choix d’une stratégie de gestion des connaissances et d’assurer un minimum de formalisation de leur apprentissage organisationnel bien que le processus de participation soit privilégié.

Cet article apporte un éclairage nouveau sur la théorie de Takeuchi et Nonaka par les idées qu’avance le courant des communautés de pratique pour qui la notion de production de sens est relative à la compétence à posséder du sens. L’efficience nécessite la mobilisation d’un réseau d’acteurs au sein duquel la compétence collective résulte du degré de développement des échanges de connaissances (Veltz et Zarifian, 1994). Le consultant se livre à un travail relationnel (networking) et sa position dans différents réseaux de relations fait référence à sa capacité d’accès à toutes sortes de ressources : clients, main-d’œuvre, compétences, expérience. Dans de futures voies de recherche, nous souhaitons poursuivre l’étude du phénomène de l’apprentissage organisationnel au sein de la PME et plus précisément développer l’approche par les réseaux sociaux dans une perspective plus intra-organisationnelle (Lecoutre et Lièvre, 2008). En effet, le rôle des réseaux sociaux dans la dynamique d’apprentissage organisationnel n’a été que peu appréhendé.

La méthode qualitative présente la principale limite qui réside dans le fait que les résultats sont peu généralisables. Dans de futures voies de recherche, nous envisageons des études multi-sites en augmentant le nombre de cas et des études multi-méthodes en combinant des méthodes d’analyse qualitatives et quantitatives.

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