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CHAPITRE 2 : LES VERRES DE FLUOROZIRCONATES

II. C. RMN DU SOLIDE

II.C.1. PRINCIPE

La spectroscopie RMN du solide [20] permet de caractériser la structure d’un matériau et sonde l’environnement du noyau observé au travers des interactions entre les spins nucléaires et les champs magnétiques locaux dans le matériau. Grâce à l’existence d’un moment magnétique associé, un spin I=½ peut donc être considéré comme une aiguille aimantée microscopique dont l’orientation est quelconque, sauf si elle est placée dans un champ magnétique B : elle s’oriente parallèlement à celui-ci (position la plus stable) ou antiparallèlement (position la moins stable). On crée ainsi 2 niveaux d’énergie distincts. Comme pour toute spectroscopie, une transition peut avoir lieu entre ces niveaux si le système est soumis à une radiation électromagnétique de fréquence obéissant à la relation de Bohr : ∆E=hυ.

Une des originalités de la RMN est que la fréquence à laquelle a lieu la transition υ=

, appelée fréquence de résonance ou fréquence de Larmor, est proportionnelle au champ appliqué. Du fait de l’excès de spins orientés parallèlement à B , il apparaît une aimantation nucléaire macroscopique M

parallèle à B . On peut l’écarter de cette position d’équilibre par une perturbation (impulsion) à l’issue de laquelle M est animée d’un mouvement de précession autour de B de fréquence υ0.

Pour une perturbation ayant amené M dans un plan perpendiculaire à B un signal d’amplitude  maximale est détecté. Ce signal varie en fonction de l’environnement de l’atome sondé.

II.C.2.MESURES

La structure des systèmes issus de la composition ZBLA a été étudiée par RMN du 19F en collaboration avec Claire Roiland et Bruno Bureau de l’ISCR (Institut des Sciences Chimiques de Rennes).

Toutes les expériences présentées dans ce paragraphe ont été réalisées en rotation à l'angle magique (Magic Angle Spinning, fréquence MAS : 30kHz) et avec un champ statique B égal à 7T (300 MHz).Cette technique permet de limiter l’élargissement des bandes lié à l’extrême isotropie du milieu vitreux sondé. Dans ces conditions, la fréquence de Larmor de 19F est de 282 MHz.

Les spectres sont obtenus grâce à une impulsion simple permettant de basculer l'aimantation d'un angle de π/2. Les durées de l'impulsion sont de 1,2µs à 10dB. Les spectres sont acquis 512 fois avec

un temps de recyclage de 30 s (sauf pour l'échantillon ZB 3 acquis 16 fois) puis moyennés pour améliorer le rapport signal sur bruit.

Les échantillons synthétisés et analysés sont présentés dans le Tableau 5 :

Tableau 5 : Composition des échantillons analysés par RMN solide.

Composition ZrF4(%) BaF2(%) LaF3(%) AlF3(%) PrF3(%) ZB 1 57 43 ZB 2 62 38 ZB 3 75 25 ZBL 57 34 9 ZBA 57 34 9 ZBLA 1 45 36 11 8 ZBLA 2 45 36 6 8 5 ZBLA 3 57 34 5 4 ZBLA 4 57 34 4 5

II.C.3. RESULTATS

La Figure 15 présente les spectres RMN 19Fobtenus pour les compositions ci-dessus. Les spectres de gauche montrent les bandes isotropes et les bandes de rotation, liées à la technique MAS. Un zoom de la partie isotrope des spectres, décrivant l’environnement des ions Fluor, est représenté à droite.

Figure 15 : Spectres RMN obtenus pour les différentes compositions de verres de fluorures

Les raies fines observées (~-35 ppm) pour les échantillons ZB 1 et ZBLA 1 correspondent à des phases cristallisées, composées de cristaux de β-BaZrF6[21]. En effet, les verres issus du système binaire sont

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peu stables et difficiles à synthétiser. Ils cristallisent lors de la trempe. Il est nécessaire de procéder à une hyper-trempe pour obtenir une partie vitrifiée. Pour cela, le bain fondu est coulé entre deux plaques de laiton qui viennent écraser le liquide visqueux pour former de fines feuilles de verres, afin de garantir une vitesse de refroidissement suffisamment importante et d’éviter la cristallisation. Les spectres présentent globalement la même forme que celle déjà observée dans la littérature pour les systèmes binaires ZrF4 – BaF2 [21]. Aussi, les reconstructions des spectres présentées Figure 16 ont été effectuées suivant la même stratégie, qui est basée sur l’étude de nombreuses phases cristallisées modèles pour étalonner la gamme de déplacement chimique. Ainsi, on identifie 3 résonances isotropes situées à ~50, ~10 et ~-20 ppm, correspondant à trois environnements distincts pour le Fluor :

• CBF (Corner Bridging Fluoride), correspondant aux Fluors pontants, c’est à dire faisant la liaison entre deux polyèdres ZrFn, et dont le déplacement chimique se situe autour de 10 ppm. • NBF I (Non-Bridging- Fluoride de type I), correspondant aux Fluors non pontants, donc terminaux, en présence d’un ion Ba2+ dans son environnement immédiat, et dont le déplacement chimique se situe autour de -20 ppm.

• NBF II (Non-Bridging- Fluoride de type II), correspondant aux Fluors non pontants, donc terminaux, en présence de deux ions Ba2+ dans son environnement immédiat, et dont le déplacement chimique se situe autour de 50 pm.

Il faut noter que les 3 résonnances prises en compte ont été observées dans des verres binaires. Il est évident que dans les modèles plus complexes (ternaires et quaternaires) d’autres environnements sont possibles pour le Fluor à d’autres déplacements chimiques.

Le Tableau 6 présente les déplacements chimiques isotropes (δiso), les largeurs (w) et les intensités relatives (I) des 3 résonances isotropes observées pour les échantillons binaires, ZBL, ZBA et ZBLA3. Les intensités relatives sont obtenues par intégration des 3 composantes isotropes ainsi que des bandes de rotation.

Tableau 6 : Résultats RMN.

NBF I CBF NBF II

δiso(ppm) w (ppm) I (%) δiso(ppm) w (ppm) I (%) δiso(ppm) w (ppm) I (%) ZB 3 -21,9 36,6 31 10,9 39,4 59,5 51,1 41,9 9,5 ZB 2 -22 36,4 33,5 13,2 41,7 49 44,9 44,1 17,5 ZB 1 -22,8 34,5 33 13,2 35,8 44 43,3 45,2 23 ZBL -21 38,6 31,5 13,2 42,9 53,5 48,3 42,4 15 ZBA -18,9 38,1 37,5 14,6 40,4 44,5 47,8 45,9 18 ZBLA 3 -19,2 38,7 35,5 13,6 40 43,5 44,8 45,3 21

ETUDE DES SYSTEMES BINAIRES

Pour les verres binaires ZrF4-BaF2, ZB1, ZB2 et ZB3, et conformément aux résultats déjà reportés dans la littérature [21], on peut distinguer les 3 résonances distinctes citées précédemment (CBF et NBF I et II).

Les caractéristiques des Fluors NBF I et II sont déterminées par analogie avec les Fluors NBF I et III observés dans les cristaux de α-et de β-BaZrF6[21].

Rappelons que ces structures sont décrites comme un réseau de polyèdres ZrFn (6<n<8) plus ou moins connectés. Pour 2 de ces contributions on observe un petit décalage en déplacement chimique avec l’augmentation du taux de ZrF4 : -20 à -22 ppm et 10 à 13 ppm. La dernière raie, celle relative au NBF II se décale quant à elle, plus nettement de 43 à 52 ppm avec l’augmentation du taux de ZrF4.

Figure 17 : Variations d'intensités des différentes composantes en fonction du pourcentage de zirconium. 22 24 26 28 30 32 34 36 38 40 42 44 46 5 10 15 20 25 30 35 40 45 50 55 60 65 70 NBF I (-22 ppm) CBF (10 ppm) NBF II (45 ppm) In te ns ité ( % ) BaF2 (% mol.)

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La Figure 17 présente l’évolution de l’intensité des 3 raies en fonction du taux de BaF2 dans les 3 verres du système binaire. Une corrélation existe entre l’intensité et la quantité d’espèces présentes associées à chaque pic.

La raie située autour de 10 ppm, correspondant aux fluors pontants (CBF) voit son intensité diminuer lorsque la concentration en BaF2 augmente. Ce constat est conforme au résultat attendu. En effet, l’introduction de fluorure de Baryum a tendance à couper les liaisons Zr-F-Zr pour s’insérer dans le réseau et former des polyèdres de coordination élevée.

La raie située autour de -20 ppm est attribuée aux Fluors non pontants de type I dans des polyèdres ZrF6 ou ZrF7, coordinés à 1 cation Ba2+, donc un environnement pauvre en Ba2+[21]. Son intensité est globalement peu affectée par l’introduction de BaF2. En effet, cet environnement subit de deux manières contradictoires l’augmentation du taux de BaF2 dans la composition. L’introduction de BaF2déréticule le réseau de ZrFn, mais plutôt au bénéfice des NBF II dont l’environnement est par ailleurs le plus riche en ions Ba2+.

La dernière raie (autour de 50 ppm) correspond également à des Fluors non pontants mais avec un environnement riche en Ba2+ (NBF II), présents dans des polyèdres ZrF7 ou ZrF8, coordinés à 2 cations Ba2+[21]. L’introduction de BaF2 dans la composition vitreuse entraîne l’augmentation du nombre de ces Fluors à deux titres : d’abord la déréticulation du réseau augmentant le taux de NBF en général, ensuite l’importante proportion d’ions Ba2+ entrainant un enrichissement en Baryum de l’environnement de ces Fluors non pontants.

Les évolutions constatées des intensités relatives sont parfaitement conformes aux attributions proposées par Youngmann[21]. Les ions Baryum cassent donc le réseau de polyèdres ZrFn et viennent préférentiellement se positionner autour des fluors NBF II, dont l’environnement est le plus riche en Ba2+. Ainsi, si l’on se base sur l’étude de Youngmann, la structure, ne présentant pas de polyèdres se partageant une arête, peut être schématisée comme présentée Figure 18 :

ETUDE DES SYSTEMES TERNAIRES

L’introduction d’Aluminium ou de Lanthane ne modifie que très peu l’enveloppe du signal central du spectre RMN. Lorsque l’on compare ZB1 (57 ZrF4 – 43 BaF2) à ZBL (57 ZrF4 – 34 BaF2 – 9 LaF3) ou ZBA (57 ZrF4 – 34 BaF2 – 9 AlF3), qui contiennent tous 57 % de Zirconium, on observe une diminution du nombre de Fluors NBF II, en accord avec les conclusions ci-dessus sur l’influence de l’introduction de BaF2.

Dans le Tableau 6, on constate que l’introduction d’AlF3 à la place de BaF2 dans la composition ne modifie pratiquement pas la proportion de NBF (I + II)/CBF. Aussi, la substitution du Baryum par l’Aluminium a donc très peu d’influence sur le taux de réticulation du réseau de polyèdres ZrFn. Comme BaF2, AlF3 ajouté à une matrice basée sur ZrF4, a ainsi pour effet de casser les chaînes de polyèdres ZrFn. Le déplacement chimique correspondant au Fluor entouré d’un Baryum et d’un Aluminium se trouve entre -110 et -135 ppm, dans les composés Ba3Al2F12 et Ba3AlF9[40], ce qui explique l’apparition d’une raie bien résolue à environ -120 ppm pour tous les spectres de verres contenant du AlF3 sur la Figure 15 (notée Al-F-Ba).Notons que dans le Tableau 6, les décompositions en trois gaussiennes ne tiennent pas compte de l’intensité de cette contribution. Dans le composé BaAlF5, le déplacement chimique lié aux environnements Al-F-Al(+Ba) se situe à -155 ppm. Par ailleurs, dans le trifluorure d’Aluminium, le déplacement chimique correspondant aux environnements Al-F-Al se trouve à -173 ppm. Aucune raie n’est observée dans ce domaine de déplacement chimique (-155 à -173 ppm), ce qui indique que l’Aluminium semble avoir tendance à bien se disperser dans la matrice et à se placer dans les zones riches en Baryum pour former des liaisons Al-F-Ba.

L’introduction de LaF3 au système binaire ZrF4 – BaF2, au détriment de BaF2, entraine une nette augmentation de la composante correspondant aux Fluors pontants. Par ailleurs, lorsqu’un atome de Fluor se trouve dans un environnement composé de 3 atomes de Lanthane (ce qui est le cas dans le composé LaF3), on observe des pics aux déplacements chimiques suivants : 26 ppm, 19 ppm, et -22 ppm [41]. Les contributions des atomes de Fluor liés au Lanthane sont donc sans doute confondues avec celles des Fluors CBF coordinés au Zirconium expliquant le manque de résolution observé. Dans la décomposition en gaussienne effectuée, on ne peut donc raisonnablement pas différencier de contribution liée à la présence spécifique du Lanthane à celle du Fluor pontant deux atomes de Zr.

ETUDE DES SYSTEMES QUATERNAIRES

Grâce à l’étude des systèmes binaires, nous avons constaté que l’introduction de Baryum avait pour effet de déréticuler le réseau en coupant les enchainements de polyèdres de ZrFn. Il faut cependant être vigilant dans le cas du Lanthane car le déplacement chimique correspondant aux Fluors liés au Lanthane se confond vraisemblablement avec celui correspondant aux Fluors CBF. Cette observation est confirmée par l’étude du composé ZBLA1, contenant un fort taux de Lanthane et présentant un fort taux de CBF, indiquant clairement l’existence d’une composante liée au Lanthane à des déplacements chimiques proches (autour de 20 ppm). L’étude du spectre correspondant au système quaternaire ZBLA3 (57 ZrF4 – 34 BaF2 – 5 LaF3 – 4 AlF3) montre le même taux de Fluors pontants que le binaire ZB1 (57 ZrF4 – 43 BaF2). Il faut cependant prendre en compte qu’une partie de ces Fluors pontants correspond en fait à des Fluors liés au Lanthane et non plus au Zirconium. Il est donc difficile de statuer sur l’effet de l’introduction de Lanthane, sans prendre en compte dans la déssommation la contribution d’un environnement F-(La)n.

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Les TR, introduites au sein de matrices vitreuses à base de fluorozirconates, jouent un rôle à la fois pour la formation et la stabilisation du verre [36]. Les TR les plus légères, comprises entre le Lanthane et le Gadolinium dans le tableau périodique, occupent une partie des polyèdres nonacoordinés et octacoordinés, ce qui leur donne un rôle stabilisateur et permet l’extension du domaine vitreux [42]. L’environnement de l’ion TR au sein d’une matrice vitreuse dépend notamment de la taille de la TR [9]. Dans le cas des ZBLA dopés Praséodyme, le rayon ionique de la TR vaut 113 pm et celui du Fluor 119 pm. Le ratio vaut donc 0,95, ce qui correspond au cas où la TR se trouve coordinée à plus de 6 anions (de 7 à 9). Ce résultat est confirmé dans la littérature par les études EXAFS, donnant une première ceinture de coordination de 7 – 8 Fluors autour du Praséodyme [43] similaire à l’environnement rencontré dans les cristaux PrF3. Même pour de fortes concentrations (jusque 10000 ppm), la première sphère de coordination du Praséodyme ne présente que des atomes de Fluor et à priori aucune liaison directe Pr-Pr. Des clusters PrF3pourraient néanmoins se former avec un accroissement de la concentration en Praséodyme, cette technique n’étant que difficilement sensible à la deuxième sphère de coordination qui, seule, pourrait révéler la signature de ces clusters.

La régularité des sites dans lesquels se trouvent la TR est influencée par le degré de polymérisation du réseau vitreux, c'est-à-dire la concentration en ions modificateurs de réseau (ici le BaF2) et par la taille de la TR. Sur les spectres RMN, on note un élargissement attendue de la raie du fait du paramagnétisme du Praséodyme, cet élargissement semble affecter de la même façon les trois composantes. Ceci tend à supposer qu’une répartition homogène dans le verre du Praséodyme a lieu.