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L’objectif de cette thèse est d’apporter de l’information nouvelle sur le processus de pullulation chez les insectes phytophages par l’approche génétique peu explorée chez ces organismes, en considérant l’espèce L. migratoria comme modèle biologique.

Cette thèse s’articule autour de trois axes présentés dans trois chapitres : (i) Caractéristiques et spécificités d’analyse des marqueurs microsatellites (ii) Variation génétique populationnelle aux marqueurs microsatellites (iii) Evolution expérimentale de la grégarisation

3.1. Caractéristiques et spécificités d’analyse des marqueurs microsatellites

Un premier objectif est d’évaluer le potentiel informatif des marqueurs génétiques en biologie des insectes pullulants. Cette motivation vient du fait que cette approche, et plus particulièrement l’emploi des séquences microsatellites, sont relativement neufs chez ces organismes. Une des raisons du manque d’études moléculaires sur les espèces pullulantes tient certainement à ce que ces insectes sont pour la plupart des lépidoptères et des orthoptères, pour lesquels la caractérisation et l’analyse des marqueurs microsatellites pose des difficultés. En effet, il a été montré que la faible fréquence de locus microsatellites, la forte prévalence d’allèles nuls à ces locus, et les duplications fréquentes de gènes rendent difficile le développement des marqueurs microsatellites chez les lépidoptères (revue dans Meglecz et al. 2004). Il est possible qu’au moins certains de ces mécanismes expliquent le faible nombre d’études de caractérisation d’amorces microsatellites chez les orthoptères (revue dans Zhang et al. 2003). Cinq des huit études de caractérisation d’amorces microsatellites chez les orthoptères rapportent des hétérozygoties observées inférieures aux hétérozygoties attendues à la majorité de leur locus microsatellites, suggérant de fortes fréquences d’allèles nuls dans cet ordre (King et al. 1998; Hockham et al. 1999; Bernardini et al. 2002; Zhang et al. 2003; Bailey et al. 2005a). Une utilisation pertinente des marqueurs microsatellites en génétique des populations des insectes pullulants requiert donc de mieux décrire les limites de caractérisation et d’analyse de ces marqueurs lorsque ceux-ci sont

caractérisés par des taux élevés d’allèles nuls, et si nécessaire de développer des méthodes appropriées.

3.2. Variation génétique populationnelle aux marqueurs microsatellites

Les approches de génétique des populations sont potentiellement pertinentes pour préciser la biologie des populations nuisibles, et en particulier pour informer sur le processus de pullulation.

Chez L. migratoria, certains auteurs remettent en cause la classification actuelle des onze sous-espèces avec des propensions à pulluler contrastées (e.g., Farrow et Colless 1980). Il faut également noter que l’ensemble des taxonomistes ont basé leur travail sur des rapports morphométriques, originellement définis pour discriminer les phases des locustes. Cette technique inusuelle paraît injustifiée car la phase morphométrique des locustes est une réponse continue et en partie plastique aux densités de populations. Ainsi, la taxonomie de L. migratoria, et les facteurs qui la façonnent (e.g., écologie, géographie, caractère pullulant), restent à ce jour largement incompris. La validité biologique de la classification actuelle de L. migratoria reste donc à être évaluée. Nous proposons dans cette thèse de réaliser une phylogéographie mondiale de L. migratoria à partir de marqueurs moléculaires, tels que les microsatellites. Cette discipline vise à révéler les processus historiques, géographiques et écologiques gouvernant la distribution géographique de la variation génétique (Avise 2000). Nous espérons ainsi reconnaître des groupes de populations avec des histoires évolutives plus ou moins indépendantes, et évaluer si ces groupes de populations sont congruents avec l’occurrence et l’absence géographique des évènements de pullulation.

Au vu de la demande des gestionnaires des populations pullulantes de locustes, nous chercherons également à préciser la structure et la dynamique des populations pullulantes de L. migratoria à une échelle plus locale à partir d’inférences basées sur les marqueurs microsatellites. L’analyse de marqueurs microsatellites permet en effet d’accéder à des processus évolutifs neutres et contemporains, telles que la migration et la dérive, et ainsi de renseigner sur des paramètres d’intérêt des populations, telles que les tailles de populations et les mouvements efficaces des individus entre populations. Les marqueurs microsatellites ont également montré un bon potentiel à déterminer les sources et les routes d’invasion (e.g., Miller et al. 2005).

3.3. Evolution expérimentale de la grégarisation

L. migratoria est un modèle biologique de choix pour comprendre les déterminants des pullulations d’insectes. Entre autres, puisque certaines de ses populations sont clairement pullulantes alors que d’autres ne le sont pas et que sa répartition géographique englobe des régions aux environnements variés, cette espèce est un modèle idéal pour évaluer les parts environnementale et génétique de la capacité à pulluler des populations. Les études précédentes ont mis en évidence que la variation géographique de la propension à pulluler des populations de L. migratoria est liée à la variation géographique de facteurs climatiques extrinsèques. On peut cependant poser la question d’une variation géographique de la propension à pulluler également liée à une variation génétique de la capacité à pulluler des populations. Cette explication alternative, non exclusive de la précédente, est plausible car elle repose sur l’hypothèse que des traits intrinsèques aux populations participent à la formation ou au maintien des pullulations, ce qui a déjà été montré chez L. migratoria (Roffey et Popov 1968 ; Despland et al. 2000). Nous proposons donc ici d’évaluer la variation génétique de la propension à grégariser. Notons que cette question sera également adressée en confrontant la variation populationnelle de la propension à pulluler à la variation aux marqueurs microsatellites (voir section 3.2 de l’Introduction).

Par ailleurs, comme la phase de L. migratoria est aisément mesurable et qu’elle est fortement corrélée à la dynamique de populations, L. migratoria est un modèle prometteur pour étudier la phase-dépendance des pullulations d’insectes, et en particulier pour préciser le rôle de la grégarisation dans la dynamique de pullulation de cette espèce. Les variations phasaires comportementales, et entre autres d’agrégation, semblent jouer un rôle dans la dynamique de pullulation des locustes. Il n’est, en revanche, pas résolu si l’importance du processus de grégarisation dans la formation et/ou le maintien des pullulations est également liée à des traits non-comportementaux. Les traits de reproduction et de survie sont de bons candidats car leur variation affecte directement la dynamique des populations. Cependant, l’occurrence de changements majeurs de l’histoire de vie avec la phase a été peu étudiée chez les locustes, et est actuellement toujours sujette à controverse. Certains auteurs soutiennent que la grégarisation affecte profondément le potentiel de multiplication chez Locusta, Nomadacris et Schistocerca (Pener 1991), et d’autres mettent en évidence des effets maternels phase-dépendants plus complexes (Albrecht et al. 1959 ; Lauga et

Hatté 1978). Il faut noter que de la prudence s’impose vis-à-vis des résultats publiés sur les traits d’histoire de vie chez les locustes puisque les conditions expérimentales de mesures ainsi que le changement de phase n’ont généralement pas été contrôlés dans ces études. Nous rechercherons donc dans cette thèse si les traits d’histoire de vie de L. migratoria diffèrent avec la phase, par une expérimentation d’élevage permettant (i) de contrôler que les phases solitaire et grégaire ont été induites au cours de l’élevage et (ii) d’homogénéiser les conditions environnementales, et en particulier de densité, entre les deux phases comparées.

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