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Ridendo dicere verum Mystifications comiques

Chapitre 3 : « Parce que l’on ne peut pas rire toujours » L’esthétique des limites

3/ Ridendo dicere verum Mystifications comiques

L’histoire comique, parce qu’elle délègue volontiers la voix narrative à diverses instances503

à l’ethos souvent incertain, charcute l’énonciation romanesque, la triture et la tourmente de mille façons. Certains y voient, peut-être à tort, l’acte de naissance du roman moderne504

. Mais le burlesque n’est-il pas d’abord et surtout « une parodie qui s’exhibe, qui se                                                                                                                

503 Dans le cas particulier du Roman comique, outre les nouvelles intercalaires et les récits analeptiques, beaucoup de

séquences se fondent sur le discours de locuteurs aussi divers que suspects (par exemple les récits du curé qui ne savait pas faire rire ou encore les harangues de la Rappinière). Les exemples sont si nombreux qu’un inventaire serait à la fois lourd, inutile et peut-être improductif.

504 C’est par exemple la position générale que défend Jean Serroy dans Roman et réalité. Les histoires comiques au XVIIe siècle, op. cit. Par ailleurs, notons que la réflexion sur le dispositif de l’énonciation romanesque constitue pour

projette, bref, une auto-parodie505

» ? Dans ce contexte d’ostentation débridée du mécanisme romanesque, n’est-il pas tout à fait naturel que l’auteur burlesque participe aussi fiévreusement au jeu de la littérature ? Si tout texte burlesque implique une procédure de décryptage, il en va pareillement de l’ethos irrégulier de son auteur, puisque « le burlesque implique une façon d’interpréter le monde, un ethos sceptique506 ». Ce scepticisme revendiqué prend au moins deux

formes complémentaires chez Scarron. D’une part, il se peint lui-même assez régulièrement et pas toujours positivement, tout en ménageant ça et là des références tantôt subtiles, tantôt violentes, à sa vie et à son œuvre. D’autre part, l’usage massif de la métalepse chez Scarron invite particulièrement à lire le texte selon un pacte de lecture marqué au sceau de l’indétermination. Ces deux stratégies énonciatives – la comédie de soi et la métalepse – témoignent d’une « réflexivité destinée à stimuler, dans un souci de distinction, l’admiration du lecteur pour une écriture dont la polyphonie et les jeux d’équivoque ne constituent pas le moindre intérêt507

».

A/ Déformations de l’ethos classique

Dans le frontispice du Recueil de quelques vers burlesques508

, Scarron est dépeint sous la figure assumée et grotesque du Satyre509

. Dans La Relation véritable de tout ce qui s’est passé en l’autre monde au combat des Parques et des Poètes sur la mort de Monsieur Voiture510

figure un autoportrait, « Au lecteur qui ne m’a jamais vu », souvent repris depuis dans les éditions modernes du Roman comique511, qui se double d’une gravure hautement signifiante de la main du

dessinateur et graveur Stefano Della Bella512. Cette estampe forme avec l’entame du roman un

                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                       

même ». À cet égard, l’histoire comique perpétue bien plus une tradition satirique entamée dès le Moyen Âge qu’elle ne l’invente ex nihilo.

505 D

EFAYS, Jean-Marc, « Le burlesque et la question des genres comiques », dans Poétiques du burlesque (dir. Dominique Bertrand), Paris, Honoré Champion, coll. « Varia », 1998, p. 43.

506 N

ÉDELEC, Claudine, « Burlesque et interprétation », § 46, op. cit.

507 R

OCHE, Bruno, op. cit., p. 384.

508 S

CARRON, Paul, Recueil de quelques vers burlesques, Paris, Toussaint Quinet, 1655, 176 p.

509 Les Satyres sont « des démons de la nature, qui ont été intégrés dans le cortège de Dionysos » (G

RIMAL, Pierre, Dictionnaire de la mythologie grecque et romaine, Paris, Presses Universitaires de France, coll. « Grands

Dictionnaires », 2002, p. 416.). Outre son caractère prodigieusement dionysiaque, le Satyre serait souvent associé à la figure équestre, ce qui n’est pas sans rappeler le narrateur-charretier du Roman comique.

510 SCARRON, Paul, La Relation véritable de tout ce qui s’est passé en l’autre monde au combat des Parques et des Poètes sur la mort de Monsieur Voiture, Paris, Toussaint Quinet, 1648, 55 p.

511 SCARRON, Paul, « Au lecteur qui ne m’a jamais vu », dans Le Roman comique (éd. Yves Giraud), Paris, GF

Flammarion, 1993 [1651-1657], p. 49-50.

diptyque hybride (texte/image) qui établit corrélativement « un jeu de relations subtiles entre la présentation, cette rencontre avec quelqu’un en “visite”, et la représentation, cette rencontre par la médiation des discours ou des images513

». L’estampe montre un Scarron minuscule assis sur une chaise, nous faisant dos, le cou comme cassé et contrefait, tandis qu’il semble faire la conversation avec les neuf Muses de la création qui « président à la Pensée, sous toutes ses formes : éloquence, persuasion, sagesse514 ». Au loin, Pan, « dieu des bergers et des

troupeaux515

», et un Satyre jouent de la flûte. Tout en haut se trouve Pégase qui fait jaillir la source d’Hippocrène516

. Cette allégorie satirique fait l’usage d’une perspective tout de même suspecte, au moins railleuse. Plutôt que de représenter Scarron de face ou de profil, la gravure l’expose de derrière. Tout fonctionne comme si le « spectateur » était de trop, comme s’il infiltrait un espace discursif qui n’était pas le sien ; Scarron n’ayant même pas la décence de lui faire face. Pire, de Scarron, il n’y a de visible que son chapeau, son cou tordu et le haut de son dos. L’espace pictural qu’il occupe est d’ailleurs parfaitement marginal et laisse invisible l’essentiel de sa personne517

. Cette indétermination518

du portrait gravé culmine avec le portrait textuel. Cet autoportrait se donnait d’abord le but de rectifier les discours calomnieux et les images diffamantes qui circulaient dans l’imaginaire collectif par la bouche de médisants célèbres : « quelques beaux esprits facétieux se réjouissent aux dépens du misérable et me dépeignent d’une autre façon que je suis fait519

». Si l’estampe mettait au jour une nouvelle dichotomie structurante (le devant/le

                                                                                                                513 T

ANE, Benoît, « “Tourner le derrière à la compagnie”. Trivialité de la rencontre dans Le Roman comique et dans son illustration », dans Fictions de la rencontre : Le Roman comique de Scarron, Stéphane Lojkine et Pierre Ronzeau (dir.), Aix-en-Provence, Presses Universitaires de Provence, coll. « Textuelles », 2011, p. 131-132.

514 G

RIMAL, Pierre, op. cit., p. 304.

515 Ibid., p. 342.

516 Rappelons-nous le détournement de la figure équestre qu’opère Scarron dans Le Roman comique.

517 Il convient de prendre note qu’un autre état connu de la gravure comportait, sur la chaise, une

indication particulièrement parlante : « M. Scarron âgé de 30 ans ». Pour reprendre les mots de Benoît Tane, « le portrait était ainsi doublement vide, de visage et de nom » (TANE, Benoît, op. cit., p. 131.). Cette absence est également à comprendre comme un vide que le lecteur doit combler par sa lecture. Une tendance inverse s’installe plus les siècles avancent : le visage bouffi et difforme de Scarron accompagnera désormais la plupart des éditions du

Roman comique.

518 Prenons le temps de souligner qu’à bien des endroits dans le texte, le narrateur semble confus et se perd dans

l’indéfini. L’indétermination à l’œuvre dans le portrait hybride et inversé de l’auteur se poursuit donc une fois la page de garde tournée.

519 S

derrière520

), le texte de présentation, qui passe « de la prosopographie à l’éthopée521

», pallie le manque de vision de l’image : « au défaut de la peinture, je m’en vais te dire à peu près comme je suis fait522

». Cette précellence de la présentation textuelle sur la représentation picturale souligne les fondements mêmes du projet esthétique de Scarron523

. Le roman, genre gigogne et sans limites fixes, fait éclater les cadres spatial et temporel culturellement normés et crée simultanément un espace infiniment perméable. Mais l’auteur empirique « Scarron » qui se met en scène dans l’avant-texte prend soin de se disqualifier aussitôt : « cet avant-propos n’est fait que pour grossir le livre, à la prière du libraire qui a eu peur de ne retirer pas les frais de l’impression ; sans cela, il serait très inutile, aussi bien que beaucoup d’autres524

». Cette inutilité doit être mise en regard de la fonction « auteur525

», menacée par l’ingérence d’une voix autodestructrice : une fois écrit, le roman n’est plus le sien et s’offre tout entier à l’œil décryptant du lecteur.

Lieu par excellence où se sédimente l’image de l’auteur au travail, cet autoportrait burlesque ne serait après tout qu’une manœuvre éditoriale censée recentrer le discours littéraire sur ce que le livre est par ailleurs : un objet matériel soumis aux rigueurs marchandes. Ce face à face pictural et textuel met en jeu les tensions de la représentation en général, mais plus spécialement l’ambivalence de l’ethos de l’auteur comme « image construite, sous la contrainte de pressions institutionnelles réglées dans une large mesure par la doxa526

». Cette doxa, Scarron lui tourne littéralement le dos. Gageons même que sur le visage in abstentia de Scarron se dessine l’esquisse d’un sourire qu’on ne pourrait qualifier que de déformant.

                                                                                                               

520 Disons au passage que Cyrano de Bergerac a écrit une de ses célèbres Lettres satiriques contre Scarron qu’il

trouvait trop affaissé dans ses railleries. Son titre prend la mesure du principe d’inversion qui caractérise la production littéraire de l’auteur du Virgile travesti : « Contre Ronscar ».

521 T

ANE, Benoît, op. cit., p. 132.

522 S

CARRON, Paul, « Au lecteur qui ne m’a jamais vu », dans Le Roman comique (éd. Yves Giraud), op. cit., p. 49.

523 Cette instabilité de la voix énonciative ne se lit pas naturellement dans le frontispice du Roman comique (Cf.

« Annexe 3 », p. 151.). La gravure représente trois comédiens debout sur un tréteau, ce qui correspond de près à l’intrigue principale du roman. À moins que les masques qu’ils portent n’informent du parti pris ludique et mystificateur à l’origine du texte.

524 S

CARRON, Paul, « Au lecteur qui ne m’a jamais vu », dans Le Roman comique (éd. Yves Giraud), op. cit., p. 50.

525 Alain Viala cité par Jan Herman : « L’auteur n’est pas une nécessité poétique à l’Âge classique. L’unité de

l’homme et de l’œuvre n’est pas établie. Elle est subordonnée à une unité plus forte, celle entre l’œuvre et le public » (HERMAN, Jan, « Image de l’auteur et création d’un ethos fictif à l’Âge classique », § 7, Argumentation et Analyse du

Discours [En ligne], 3 | 2009, mis en ligne le 15 octobre 2009, Consulté le 22 juillet 2012. URL :

http://aad.revues.org/672).

526 H

B/ La comédie de soi

Au chapitre II, 17 (RC, 283), la troupe comique menée par le couple de Destin et l’Étoile représente Dom Japhet d’Arménie527

devant un auditoire formé par une « Noblesse, grosse et menue » (RC, 285), une comédie en cinq actes de la création de Scarron qu’il a écrite au moins quatre ans avant la rédaction de la première partie du Roman comique528

. Le narrateur prend soin d’indiquer qu’il s’agit d’un « ouvrage de Théâtre aussi enjoué que celui qui l’a fait a sujet de l’être peu » (RC, 286). Constante de son œuvre, cette allusion mi-larmoyante et mi-facétieuse à son état physique « réel » puisque biographique ramène une fois de plus la figure auctoriale sur le plan de la diégèse. Pour autant, Dom Japhet d’Arménie n’est pas une œuvre tout à fait originale puisque, comme les nouvelles espagnoles qui parsèment le texte, la pièce « est adapté[e] d’une comedia de Castillo Solórzano [1584-vers 1648], El Marquès del Cigaral529

». Cette « pièce de l’ostentation, du clinquant, de la triomphante vanité d’un extravagant qui se donne en spectacle530

» met en vedette un personnage ridicule, un campagnard grossier qui infiltre un monde qui n’est pas le sien, un Bourgeois gentilhomme avant la lettre qui cultive des ambitions extravagantes, mais en ayant un succès somme toute insignifiant. N’est-ce pas aussi la destinée fantaisiste du fantasque Ragotin ? Éloquemment, le petit avocat est le seul à s’ennuyer durant cette pièce quasi autobiographique, lui qui a maille à partir avec un colosse, la Baguenodière531

. Car tous savent bien que « quand la Fortune a commencé de persécuter un misérable, elle le persécute toujours » (RC, 288). Faut-il se surprendre que cette irruption intertextuelle survienne au moment même où le spectacle se déplace de la scène à la salle et inversement ? Il se met alors en place un imaginaire du double, que le jeu intertextuel contribue à mettre en abyme. Si « l’intertextualité comique peut […] être conçue en termes d’écart puisqu’elle recherche le contraste entre deux sources textuelles distinctes, soit par contact, soit par évocation532

», aussi

                                                                                                                527 S

CARRON, Paul, Théâtre complet (éd. Véronique Sternberg), op. cit., p. 387-513.

528 Ce qui nous entraîne donc en 1647. La datation de la pièce est d’ailleurs sujette à maintes interprétations et n’est

en aucun cas une certitude (SCARRON, Paul, Théâtre complet (éd. Véronique Sternberg), Paris, Honoré Champion, coll. « Sources classiques », 2009, vol. 1, p. 387-390). Elle est cependant nécessairement antérieure à la rédaction du

Roman comique. 529 S

CARRON, Paul, Théâtre complet (éd. Véronique Sternberg), op. cit., p. 390.

530 Ibid., p. 394.

531 Néologisme formé sur le verbe « baguenauder » qui veut dire « faire le badaud, s’amuser à des choses inutiles »

(RC, 323).

532 D

peut-elle à l’inverse souligner à gros traits la trop grande proximité ontologique qui unit deux personnages, presque reproduits à l’identique.

Il ne s’agit donc pas tant du « théâtre dans le théâtre » cornélien533

, imbrication qui dédouble le dispositif dramaturgique en réfléchissant aux spectateurs une certaine image du monde, mais bien du « théâtre dans le roman ». Se produit alors un déplacement du spectaculaire vers le spéculaire : le roman se réfléchit lui-même en même temps qu’il réfléchit sur lui. Ce procédé du miroir déformant s’illustre par le va-et-vient de perspective que génère la Baguenodière en regardant tantôt la scène où se joue la comédie, tantôt Ragotin qui ne cesse de lui crier de s’asseoir. Le spectacle est bel et bien double, brouillé, hésitant étant donné qu’il se manifeste à la fois dans la fiction théâtrale et dans la réalité de la diégèse en assimilant bientôt la première à la seconde. Si tout le monde s’est plu à entendre jouer la pièce, la présence trouble de Ragotin crée une vraie tempête : la dispute entre les deux se dégrade rapidement en chaos général où tout devient désordre.

En tant que représentation, le théâtre a bien pour mandat premier de répéter la vie sur scène. Qui plus est, la querelle entre le petit Ragotin et le grand Baguenodière procède d’une isotopie de la grandeur et de la petitesse qui est déclinée tout au long de la scène (et même du roman). Le grand n’existe que dans sa relation au petit534

, de même que les petits bourgeois du Mans, qui assistent à la comédie, ne sont qu’une image inversée et carnavalisée de la grande cour parisienne, exaltant ce faisant leur vacuité et leur maniérisme. Cette double distanciation implique une position de surplomb qui permet au lecteur de différencier le rire gras provoqué par les bévues désastreuses de Ragotin du rire plus discriminant qui s’attache à une critique simultanée du social et du littéraire. Enfin, il apparaît plutôt significatif que cet épisode grotesque surgisse, narrativement, lorsque le texte s’ouvre sur lui-même et dévoile sans pudeur les principes qui président à son fonctionnement. Ainsi, la mécanisation de Ragotin s’accompagne corollairement d’une écriture mécanique. Le petit trublion, qui existe sur le seul mode de la chose qu’on persécute, subit un hypercodage stylistique, auquel le narrateur recourt ponctuellement et dans la jubilation la plus grande. Cette répétition inlassable de gestes machinaux et des codes                                                                                                                

533 À ce sujet, il faudrait lire avec profit l’important ouvrage de Georges Forestier qui investigue in extenso cette

complexe notion : FORESTIER, Georges, Le théâtre dans le théâtre sur la scène française au XVIIe siècle, Paris, Librairie Droz, coll. « Titre courant », 1996 [1981], 400 p.

534 De la même façon que nous pourrions également dire que le comique n’existe qu’en rapport avec le sérieux et

desquels ils dérivent vise à faire rire d’une part, mais souligne en même temps la paralysie qui gagne le genre romanesque.

C/ Le sourire de la métalepse

Le pacte d’identification entre l’auteur, le narrateur et le personnage ne jouit pas d’une clarté absolue dans Le Roman comique. Certains critiques ont cherché à faire correspondre Scarron à son personnage romanesque, le Destin : « avec [le Destin], Scarron transforme sa propre vie en… destin535

». Ce portrait, croient-ils, demeure cependant incomplet tant que n’est pas restituée l’importante place qu’y occupe aussi Ragotin, « projection de ce même Scarron, ou plutôt de l’autre côté de lui-même536

». Ce serait là prendre des raccourcis qui n’aident pas forcément à rendre compte de l’ambiguïté entre le récit personnel (auteur réel) et la fiction (producteur de la fiction). L’ethos insaisissable du narrateur « non fiable » et de l’« auteur implicite537

» du Roman comique commande pourtant la plus grande prudence en ce domaine. Les effets d’interférence et d’interaction que crée l’intrusion métaleptique informent de l’instabilité du régime romanesque dans son ensemble, brouillant genres, registres, manières d’écrire et déstabilisent aussi les rapports entre lecteur et littérature :

Si la métalepse au plan narratif manifeste le passage transgressif d’un niveau à un autre, au plan de la représentation, elle déstabilise le fonctionnement représentationnel et pose le problème de la référence. Elle transforme le contrat de lecture initialement fondé sur un principe de vraisemblance et le situe autour d’un savoir partagé de l’illusion538

.

Ce confort de la lecture stable, linéaire et sans questionnement, tributaire d’une poétique romanesque fortement codée, n’est plus effectif chez Scarron. Enfin, il est possible de ramener toutes ces confusions, instabilités et incertitudes à une même cause : le rire. L’œuvre du rire programme au contraire un au-delà du roman. Générateur de discordance dans la communication littéraire, ce rire de la jubilation et de la profusion qui marque au fer rouge Le Roman comique                                                                                                                

535 S

CARRON, Paul, Le Roman comique (éd. Jean Serroy), op. cit., p. 14.

536 Ibid. 537 B

OKOBZA KAHAN, Michèle, « Métalepse et image de soi de l’auteur dans le récit de fiction », § 2, Argumentation

et Analyse du Discours [En ligne], 3 | 2009, mis en ligne le 15 octobre 2009, Consulté le 22 juillet 2012. URL :

http://aad.revues.org/671.

fait la promotion, dissimulée et souterraine, d’une alternative à la voie héroïque déjà empruntée par une masse d’écrivains de l’âge classique. Par l’usage ludique de la métalepse, Scarron propose en même temps « une forme d’engagement critique sur la fiction et sa poétique539

». Ni pamphlétaire et encore moins syncrétique540

, la transgression métaleptique de Scarron permet à la fois le plaisir de la fiction et la critique de son artificialité au sein d’un dispositif hybride et constamment en tension.

                                                                                                                539 Ibid., § 20.

540 Bokobza Kahan qualifie la métalepse d’Antoine Furetière (Le Roman bourgeois) de pamphlétaire et celle de

Laurent Bordelon (L’histoire des imaginations extravagantes de monsieur Oufle) de syncrétique. Ces deux auteurs, à l’aube de la Querelle des Anciens et des Modernes, pratiquent tous deux une dénonciation globale de la forme romanesque, Bordelon y ajoutant même une critique de la fiction en tant que fiction (Ibid., § 21-36.)

CONCLUSION

Le rire à l’âge de l’antiroman

Au point de vue de l’absolu définitif, il n’y a plus que la joie. Le comique ne peut être absolu que relativement à l’humanité déchue541

.

BAUDELAIRE

To move wild laughter in the throat of death ? It cannot be, it is impossible. Mirth cannot move a soul in agony542

. SHAKESPEARE

Par cette étude sur Le Roman comique, nous avons cherché à montrer que le rire, plus qu’un jeu social doucereux et sans conséquence, construit plutôt une rhétorique de lecture qui construit une vision ambivalente, distanciée et sceptique du monde de l’âge classique. Nos trois chapitres ont été organisés thématiquement selon la triple perspective543

qu’échafaudait déjà Dominique Bertrand à propos du rire à la marge du classicisme : « décrire le rire, lui imposer un

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