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Chapitre I La finance islamique : fondement théorique, intermédiation financière et

Chapitre 2 : Développement Financier Islamique et Croissance Economique

1 Revue de la littérature

La présente revue de littérature sera structurée en quatre point. Le premier point sera consacré aux différents travaux de recherche appliqués sur la relation entre le développement financier et la croissance économique. Ensuite, les résultas mitigés sur la relation entre le développement financier et la croissance économique seront traités dans le deuxiéme point. Outre les études sur le sens et la nature de la causalité entre le développement financier et la croissance économique. Enfin, les travaux empiriques sur la relation entre la finance islamique et la croissance économique seront aussi par la meme occasion passés en revue.

1.1 Résultats solides sur la relation entre le développement financier et la

croissance économique.

À partir des années 1990, l’étude de la relation entre le système financier et la croissance économique a connu un renouveau et un regain d’intérêt avec les travaux de King & Levine (1993 ,1997). À ce jour, les travaux les plus complets et les plus important sur le sujet ont été réalisés par ces deux auteurs.

Parmi les premières études empiriques qui ont traité de la relation entre système financier et croissance économique, nous pouvons citer celle de King & Levine (1993a, b, c). En considérant une période allant de 1960 à 1989, le but des auteurs consiste à examiner empiriquement l’existence d’une corrélation positive entre les indicateurs du développement financier et la croissance sur un échantillon de 77 pays développés et en développement. Pour

65 cela, les auteurs mobilisent quatre indicateurs financiers : la masse monétaire mesurée en pourcentage du PIB (M3/PIB), la taille du système financier, la structure du système financier et du crédit privé et différents variables : (1) le taux moyen de croissance de stock du capital par tête ; (2) le taux moyen de croissance du PIB par tête puis le taux de croissance de la productivité qui est égal au résidu entre (1) et 0.3 de (2). Leurs résultats montrent clairement que les indicateurs financiers sont positivement associés à l’indicateur de niveau de croissance économique. King & Levin (1993) analysent aussi la causalité entre le développement financier et la croissance économique, leurs résultats indiquant que le niveau initial du système financier est censé être corrélé non pas au taux de croissance économique ultérieur, mais au taux de croissance initial ce qui permet d’éliminer le risque de causalité bidirectionnelle. Ces résultats sont aussi démontrés par Fase (2001).

Une modélisation similaire à celle de King & Levine (1993) a été realisée par Atje & Jovanovic (1993). Ces auteurs analysent empiriquement la relation entre le taux de croissance et le ratio de « value traded » sur un échantillon de 40 pays sur la période 1980-1988. Les résultats indiquent l’existence d’une corrélation significative entre la valeur des actions échangées en pourcentage du PIB et au taux de croissance économique.

Lorsque les études portent sur des échantillons plus homogènes tels que les pays de l’Afrique subsaharienne, les résultats deviennent ambigus. En utilisant les techniques économétriques de panel et à l’aide des données annuelles couvrant la période 1960-1995, Savvides (1995) teste l’effet du développement financier sur la croissance sur un échantillon de 28 pays africains dont trois du Maghreb. Les résultats économétriques des modèles estimés révèlent qu’une augmentation de l’indicateur de développement financier (mesuré par le ratio quasi monnaie en pourcentage du produit) de 10 % engendera une hausse du PIB de 1.8%. Cette variable devient non significative lorsque Savvides (1995) introduit les variables «libertés politiques ».

Levine & Zervos (1998) élargissent leur précédente étude51 afin d’analyser empiriquement la relation entre les indicateurs de développement bancaire et des marchés financiers, avec la croissance économique, le taux d’épargne, la productivité et l’accumulation du capital. L’analyse porte sur un échantillon de 47 pays développés et en voie de développement couvrant la période 1976-1993. Les auteurs contrôlent le niveau initial de développement bancaire ainsi que les autres facteurs qui influencent la croissance économique. Leurs résultats

51

LEVINE, R., S ZERVOS.(1996). “Stock Market Development and Long-Run Growth, The World Bank”. Economic Review.

66 suggèrent qu’il y a une corrélation positive entre le niveau initial de développement financier et le développement économique. Les résultats montrent aussi une corrélation positive entre le ratio de la capitalisation d’une part et le taux de croissance réel du PIB par habitant ainsi que le taux de l’accumulation du stock du capital. D’autre part, la capitalisation boursière n’est pas liée à l’indicateur de productivité mais, elle est négativement liée au taux d’épargne. Cependant, la taille des marchés financiers, la volatilité et l’intégration avec les capitaux des marchés mondiaux ne sont pas significativement corrélées avec la croissance économique et l’augmentation de la productivité.

Pour mieux analyser la relation entre la croissance économique et le développement financier, les chercheurs ont à la fois exploré le niveau firme et le niveau industriel sur un large échantillon de pays. Ces études cherchent à mettre en évidence les conditions de causalité et à documenter en détail les mécanismes à travers lesquels la finance influence la croissance. Une autre dimension de l’analyse de la relation entre le développement du système financier et la croissance économique a été introduite récemment par l’étude de cas. Ce type d’étude ne s’intéresse pas seulement à la corrélation entre les indicateurs de développement financier et la croissance économique, mais aussi au canal par lequel cette corrélation se produit Parmi ces études, Guiso & al (2002) examinent les effets du développement financier régional sur l’activité économique dans les différentes régions italiennes, sur un échantillon composé de 8 000 ménages et de 3 000 firmes (non-financier). Les auteurs montrent que le développement financier régional joue un rôle important dans le développement économique parce qu’il promeut la croissance des petites firmes, et augmente la compétition industrielle et la probabilité qu’un individu entreprenne un projet. Cull & Xu (2005), quant à eux, tentent d’évaluer la relation finance -croissance en Chine. Leur échantillon comprend des données sur 2400 firmes durant la période 2000-2002. Cull & Xu (2005) montrent que les profits de réinvestissement par les firmes sont positivement associés à l’accès au prêt bancaire. De plus, les prêts bancaires affectent le réinvestissement des petites firmes mieux que les grandes, car ces dernières ont une facilité d’accès au financement externe et plus capables de se protéger contre l’expropriation gouvernementale.

Une autre étude qui a marqué la littérature est celle de Rajan & Zingales (1998). Ces auteurs ont été les premiers à explorer la question de la relation entre développement économique et la finance à partir d’une base de données microéconomique au niveau industriel. En effet, ils étudient l’effet du développement financier à travers le financement externe sur la croissance des firmes à partir d’un échantillon de 36 industries sélectionnées dans 42 pays sur la période

67 1980-1990. Leur hypothèse est de tester si les entreprises, qui dépendent des capitaux externes croissent relativement plus vite dans les pays où les systèmes financiers sont mieux développés. Ils constatent que les entreprises qui dépendent fortement des financements externes se développent de façon plus rapide dans les pays ayant des systèmes financiers et des marchés boursiers bien développés que dans les pays à faible niveau de développement financier et que le secteur financier réduit le coût du financement externe, tout en favorisant l’expansion des entreprises existantes et la création de nouvelles entreprises.

Beck & Demirguc-Kunt (2004) et Leaven & Levine (2005) prolongent la thèse de Rajan & Zingales (1998) afin de tester si le développement financier favorise plus la croissance des petites entreprises que celles des grandes entreprises. L’étude porte sur un échantillon de 36 industries de 30 pays, couvrant la période 1980-1991. En s’inspirant de l’approche de Rajan & Zingales (1998), ils définissent la taille de la branche d’une industrie comme une mesure spécifique de la technologie en intégrant les économies d’échelle et l’intensité capitalistique. Avec diverses mesures de développement financier (le ratio des actifs des banques de dépôts au PIB, le ratio de la capitalisation de marché au PIB et le chiffre d’affaire), les auteurs montrent que le développement financier est lié positivement avec la croissance des firmes. Ils trouvent que les petites entreprises croissent plus vite que les grandes dans une économie ayant un système financier plus développé.

Dans une autre étude récente, love (2003) essaie de montrer si le développement financier facilite les contraintes de financement au niveau de la firme. Ils utilisent un échantillon de 700 firmes dans 40 pays sur la période 1988-1998. Les résultats économétriques issus de la méthode des moments généralisée (GMM) et la méthode des variables instrumentales (VI) montrent que la sensibilité de l’investissement au fond interne est plus grande dans les pays ayant un système financier moins développé. Ceci peut s’expliquer par le fait qu’un système financier plus développé réduit le lien entre la disponibilité des fonds internes et l’investissement.

Malgré l’importance de leur contribution à la littérature empirique sur la question de la relation entre la finance et la croissance économique, les études en coupe transversale demeurent critiquables. En effet, cette méthode néglige la dimension temporelle. Étant donné les multiples critiques adressées aux travaux en coupe transversale, les chercheurs recourent à une approche plus prometteuse qui est celle de l’économétrie de panel afin d’etudier le lien entre le développement financier et la croissance économique. À cet égard, la méthode des moments généralisés en panel dynamique (GMM) qui permet de rendre compte des disparités

68 individuelles et temporelles de la relation finance-croissance. Elle augmente substantiellement la variabilité des observations et la précision des estimations, en permettant ainsi de prendre en compte aussi bien la dimension individuelle que temporelle.

Beck, Demirguc & al (2000), en s’appuyant sur une nouvelle méthodologie, mènent quant à eux, une analyse sur un échantillon de 74 pays sur la période 1960-1995. Ils examinent la relation entre la structure du système financier et la croissance économique. Les auteurs utilisent deux méthodes économétriques intéressantes afin de prendre en compte l’endogéneité de la variable de développement financier dans le modèle de croissance qui mérite d’être examiné ici. La première méthode mobilisée est l’analyse transversale utilisant l’origine légale (origine française, anglo-saxonne, scandinave et germanique) comme instrument de développement financier. Dans la seconde méthode, les auteurs procèdent à une analyse en panel dynamique avec un découpage de 7 périodes de croissance de cinq ans chacune couvrant la période 1960 et 1995, pour 74 pays, afin d’analyser les déterminants juridiques et comptables du développement financier et leur impact sur la croissance économique à long terme, grâce à l’estimateur GMM (Generalised Method of Moments). Cette méthode à plusieurs avantages par rapport à la méthode de coupe transversale à variable instrumentale, notamment dans le contrôle de l’endogeinété et la mesure des erreurs de l’indicateur de développement financier, mais aussi des variables explicatives. Leurs résultats montrent que la relation à court terme entre les indicateurs de développement financier est positive avec le taux de croissance économique, le taux d’accumulation du capital et la productivité globale des facteurs, tandis qu’elle reste encore ambiguë avec le taux d’épargne privée. Par ailleurs, les auteurs trouvent aussi que les crédits au secteur privé sont associés à la qualité de l’environnement légal (respect des droits des créanciers, mise en application des contrats et fiabilité des informations) et des normes comptables.

Les travaux de Levine & Zervos (1998) et Beck & Levine (2004) testent la relation entre le développement de la bourse, le développement du secteur bancaire et la croissance économique. L’étude porte sur un échantillon de 40 pays développés et en voie de développement sur une période allant de 1976 à 1998. Les indicateurs de développement financier retenus par les auteurs sont : le ratio de turnover (comme indicateur de développement boursier) et le crédit des banques de dépôt accordé au secteur privé par rapport au PIB (comme indicateur de développement bancaire). Les résultats préliminaires montrent que le ratio de crédit n’est pas corrélé significativement avec la croissance

69 économique, tandis que le ratio du turnover est significativement corrélé avec la croissance. Les résultats des moindres carrés ordinaires mettent en exergue une association positive forte entre le développement de la bourse et la croissance économique et une association positive forte entre le développement bancaire et la croissance. Ils affirment que le développement des banques et des bourses a un effet positif sur la croissance économique à long terme.

Afin de contrôler les problèmes d’endogénéité qui existent dans la relation entre la finance et la croissance entre les pays, Loayza & Ranciere (2004) analysent la relation entre le développement de l’intermédiation financière et la croissance économique à l’aide de l’estimateur du « Pooled Mean Group » (PMG) de Pesaran et al (1999). L’étude porte sur un échantillon de 75 pays entre 1960 et 2004 (données annuelles). Les résultats de l’estimation du modèle suggèrent qu’à long terme, la croissance économique est liée positivement et significativement à la mesure de l’intermédiation financière (rapport crédit privé au PIB). Par contre, à court terme, une corrélation négative survient, en raison de la volatilité financière.

Enfin, une étude récente de Shen & Lee (2006) a montré sur un échantillon de 48 pays entre 1976 et 2001 que seul le marché boursier a un effet positif sur la croissance économique, en revanche le lien entre les variables mesurant le secteur bancaire et le taux de croissance économique est négatif.

1.2 Résultats mitigés sur la relation entre le développement financier et la

croissance

En dépit de l’abondance des travaux de recherche qui prouvent le lien positif entre le développement financier et la croissance économique, une autre littérature émergente met en cause la solidité de cette relation. Ainsi, Andersen & Trap (2003) montrent que la relation positive entre le développement financier et le taux de croissance économique, mise en lumière par Levine & al (2000), ne se réalise pas lorsqu’ils limitent leur échantillon aux seuls pays d’Afrique au sud du Sahara et d’Amérique latine (le coefficient du développement financier est négatif et non significatif). De même, ils affirment que les travaux sur données temporelles propres à un pays ne permettent pas d’éclaircir le lien unidirectionnel entre le développement financier et la croissance. Les auteurs aboutissent au fait que l’impact positif du développement financier sur la croissance n’est pas assez défendu par les études empiriques.

70 Luintel & Khan (1999) montrent, sur une étude relative à dix pays basée sur des données annuelles, que le lien entre le développement financier et la croissance est négatif concernant sept pays. Ram (1999) étudie 95 pays sur la période 1960-1989. Il trouve un effet négatif et significatif du développement financier sur la croissance pour 56 pays. Il trouve aussi que la relation entre le développement financier et le taux de croissance est positive pour 9 pays. Pour les autres pays, la corrélation positive est non significative. Globalement, ces résultats persistent lorsque les données sont transformées en moyenne quinquennale.

En se basant sur des données de panel et des données transversales, Fara (2003) réétudie empiriquement la relation entre le développement financier et la croissance économique en utilisant deux variables financières, à savoir les crédits au secteur privé et les actifs liquides. Concernant les résultats de panels avec la méthode des moments généralisées (GMM), l’auteur trouve que le développement financier n’est pas significatif sur les données transversales. Les résultats de l’estimation par la méthode MCO révèlent que le développement financier est positivement corrélé avec la croissance, mais lorsque l’auteur traite le problème de l’endogénéité en intégrant la variable de l’origine légale comme instrument, la corrélation positive disparait. Les résultats trouvés par la technique Pooled Mean Group (PMG) sont également flous. En utilisant la méthode non-paramétrique, Fara (2003) met en lumière la non-linéarité entre le développement financier et la croissance économique, en concluant que le ratio de crédit/PIB n’agit pas sur la croissance lors des phases intermédiaires du développement.

Dans le travail de Fernandez & Galetovic (1994), les auteurs réutilisent la même base de données que King & Levine (1993) en la divisant en deux sous-échantillons selon leur affiliation ou non à l’OCDE. Les résultats indiquent que la corrélation baisse et devient non-significative pour les pays de l’OCDE. De manière similaire, Gregorio & Guidotti (1992) étudient un échantillon de 100 pays pour la période 1960-1985. Ils montrent que le développement financier a un effet positif sur la croissance économique à long terme. Ils concluent que le développement financier est associé à une amélioration des performances de croissance, surtout pour le cas des pays à revenus élevés. Cependant, lorsqu’ils limitent leur échantillon aux 12 pays Amérique latine sur la période de 1950-1985, les résultats de leur estimation révèlent la présence d’une corrélation robuste et négative entre les mesures de l’intermédiation financière et la croissance économique. Ces résultats peuvent être expliqués par la vague de libéralisation financière non-prudente et non approprié qu’ont connue ces pays

71 dans les années 70 et 80 et qui s’est transformée en crise financière plaçant les économies des pays concernés dans de longues récessions fragilisant leur système financier.

Comme le relate Diaz-Alejandro (1985), à travers son article intitulé : « Good-Bye Financial Répression, Hello Financial Crash », en l'absence de réglementation, les taux d'intérêts à court terme sont restés très élevés malgré des afflux de capitaux massifs, les liens entre les intermédiaires financiers et les organismes non financiers en faisant des oligopoles qui ont été responsables de l'augmentation de l'endettement du secteur privé. L'auteur souligne aussi les retombées de la libéralisation du secteur financier sur la bourse et, par conséquent, sur l'offre de crédit à long terme. Il remarque aussi un manque de mesures prudentielles qui a entraîné une instabilité macro-économique.

Plus récemment encore, Benhabib & Spiegel (2000), se sont également intéressés à la décomposition de la relation entre le développement bancaire et la croissance économique pour un panel de 92 pays entre 1965 et 1985. Ils explorent les mêmes variables financières que celles utilisées par King & Levine (1992) et arrivent à un résultat mitigé. Ils avancent alors deux idées selon lesquelles le canal de transmission entre ces deux variables diffère selon la mesure de développement financier utilisé : la part dans le PIB du crédit alloué au secteur privé stimule la croissance de la productivité (même résultat pour le ratio des passifs liquides du secteur financier) bien que la robustesse de cet effet reste variable. Le ratio du crédit accordé par les banques commerciales rapporté à la somme du crédit bancaire plus les actifs nationaux des banques centrales affectent, au contraire, l’accumulation du capital physique et humain.

Un autre travail qui peut être cité est celui Kassimatis & Spyrous (2001), qui analyse le lien entre le développement des marchés de capitaux et du crédit et la croissance, sur un petit échantillon de cinq pays émergents. Leurs résultats montrent que les marchés de capitaux ont un effet positif sur la croissance économique uniquement dans les pays où leurs économies sont relativement libéralisées par exemple : le Mexique et le Chili. Pour la Thaïlande, la relation entre le développement financier et la croissance est négative à cause de la spéculation. Enfin en Corée, les marchés du crédit et de capitaux promeuvent la croissance économique et l’investissement.

72 Dans un article récent, Liu & Hsu (2006), sur des données trimestrielles allant de 1981 à 2001, montrent que le développement financier a des effets positifs sur l’économie de Taiwan, tandis qu’en Corée et au Japon il exerce un effet négatif, ou du moins n’a pas d’effet.

Récemment, Aghion & al (2005) effectuent une étude au niveau théorique et empirique, portant sur la corrélation positive entre le développement financier et le développement