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Chapitre 4 : Discussion générale

4.1 Retour sur la recherche

4.1.1 Retour sur la modélisation de la mer de Champlain

L’étendue maximale de la mer de Champlain a été modélisée à l’aide de données d’élévation LiDAR récemment rendues disponibles gratuitement via des sources de données américaines et canadiennes. Notre modèle suggère que la mer de Champlain a inondé un territoire de 65 000 km2, soit 3,5 fois la surface actuellement occupée par le lac Ontario. Nous avons utilisé des modèles d’ombrage du relief (MOR) afin d’identifier et localiser des crêtes de plage anciennement déposées par ce plan d’eau ayant inondé les vallées de la rivière Outaouais, du fleuve Saint-Laurent et de l’actuel lac Champlain suivant le retrait de l’Inlandsis laurentidien (11,2 à 9,4 ka 14C AP; Occhietti

et al., 2001). L’élévation et les coordonnées géographiques de ces crêtes de plage ont été utilisées afin d’interpoler un modèle du niveau maximal des eaux. Notre modèle de l’étendue maximale de la mer de Champlain se compare favorablement aux mesures acquises sur le terrain par une multitude de chercheurs au courant du 20e siècle avec une déviation quadratique moyenne de 4,97 m, un coefficient de corrélation de 0,99 et un p-value ˂ 0,001 (Fig. 10) pour ses portions nord, sud et centrale (i.e., les collines Montérégiennes). Le modèle affiche également une forte corrélation avec des cartographies historiques (Denny, 1967, 1970), des gradients de niveaux d’eau (Parent et Occhietti, 1988; Lewis et Todd, 2018) et le plus récent modèle de relèvement isostatique en Amérique du Nord (ICE-6G_C (VM5a); Peltier et al., 2015).

Des incertitudes persistent cependant en ce qui concerne la portion ouest de notre modèle. Des observations contradictoires entre certains auteurs (Pair et Rodrigues, 1993; Rayburn et al., 2005) et notre modèle suggèrent que le niveau des eaux pourrait y être surestimé (Fig. 9). Nous expliquons cette surestimation probable de notre modèle par une absence de données d’élévation LiDAR dans la portion ouest de la mer de Champlain, soit le secteur au nord de l’actuel lac Ontario. Selon les recherches antérieures, le niveau d’eau de la mer de Champlain, à son étendue maximale, pourrait se retrouver sous le niveau actuel du lac Ontario dans les secteurs couverts par les données LiDAR acquises (Lewis et Todd, 2018). Dû à l’incapacité des lasers pulsés LiDAR à pénétrer l’eau à une profondeur suffisante, il nous est alors impossible de localiser d’anciennes crêtes de plage inondées. De plus, ces crêtes de plage sont actuellement assurément recouvertes par des dépôts lacustres issus de l’actuel plan d’eau.

Il en reste que notre modèle dérivé de données d’élévation numérique à une résolution de 20 m offre actuellement la délinéation la plus précise à ce jour pour les secteurs nord, sud et central de l’étendue maximale de la mer de Champlain. Nous avons identifié des plages jusqu’à une altitude de 242 m (Prince et al., 2019) dans la région administrative des Laurentides et avons modélisé avec précision l’incision de ce plan d’eau dans les vallées des Hautes-Laurentides, sur le Bouclier canadien. Une telle précision nous permet de mieux comprendre l’interaction et la limite ambiguë entre les deux régions physiographiques que sont les basses-terres du Saint-Laurent et le Bouclier canadien. Dans le contexte de ce mémoire, ce modèle de l’étendue maximale de la mer de Champlain nous permet de mieux localiser les endroits limitrophes entre ces deux régions physiographiques où se sont potentiellement déposées des argiles et des silts d’origine marine ayant un impact important sur la structure du paysage.

4.1.2 Retour sur la cartographie du matériel parental des sols

La combinaison d’une approche d’analyse d’image orientée-objet (AIOO) de données LiDAR à haute résolution et d’une approche de classification par arbre décisionnel (AD) s’est montrée hautement efficace pour la cartographie du matériel parental des sols (MPS) à haute résolution et à une échelle spatiale régionale dans les Hautes-Laurentides. Suivant une campagne de terrain visant à l’échantillonnage du MPS à l’échelle régionale, notre approche permet d’expliquer 73,5% de la variance de ces échantillons selon trois classes de MPS (i.e., roche-mère, till glaciaire, sables). Cette précision est issue d’un modèle simple n’utilisant que quatre attributs topographiques communément utilisés en science géographique (i.e., le gradient de pente, l’indice de rugosité du terrain, l’indice de positionnement topographique multirésolution, l’indice d’humidité topographique). Notre approche de cartographie du MPS a été comparée à 25 autres méthodes couramment employées en cartographie numérique ainsi qu’aux résultats de trois auteurs ayant œuvré à cartographier le MPS (Lacoste et al., 2011; Heung et al., 2014; Richter et al., 2019). Il en résulte que notre approche combinant l’AIOO et l’AD offre le meilleur modèle disponible à ce jour avec une précision totale de 85%. Cette approche a permis de cartographier le MPS à haute résolution sur 185 km2 dans un paysage hétérogène de post-glaciation (Fig. 18).

L’approche présentée n’est toutefois pas sans faille. Suivant l’analyse granulométrique effectuée en laboratoire, quatre classes de matériel ont réellement été trouvées sur le site d’étude (i.e., roche- mère, till glaciaire, sables bien triés, sables silteux). Or, puisque seulement 25% des échantillons

ont été analysés pour leur granulométrie et que le reste (i.e., 75%) a été identifié directement sur le terrain en fonction des trois classes attendues (i.e., roche-mère, till glaciaire, sables), nous avons été contraints de regrouper les échantillons de sables bien triés et de sables silteux en une seule classe pour la production du modèle (i.e., sables). Une analyse granulométrique exhaustive de tous les échantillons aurait permis de produire un modèle en quatre classes représentant un peu mieux la variabilité du MPS du territoire à l’étude.

Il n’en résulte pas moins que l’approche proposée combinant l’AIOO et l’AD est une approche simple et accessible permettant la cartographie du MPS sur de grands territoires. Notre modèle est reproductible par n’importe quel utilisateur possédant un simple modèle numérique d’altitude (MNA) LiDAR et des connaissances de base en utilisation des systèmes d’information géographique (SIG). De plus, l’approche de classification par AD permet de générer des résultats facilement interprétables mettant en lumière la structure du paysage et les processus expliquant l’occurrence des différents types de MPS. Ainsi, nous pouvons suggérer que, pour notre site d’étude, (i) la roche-mère se retrouve principalement sur les sommets de collines xériques et sur les falaises abruptes, (ii) les sables se retrouvent aux endroits au relief plat ainsi qu’aux élévations relativement faibles et (iii) le till glaciaire se retrouve dans les milieux de pentes (i.e., entre les sommets et les fonds de vallées), là où un gradient de pente moyen aurait permis sa déposition. Un résultat basé sur les processus comme celui présenté ici nous permet d’affirmer que l’approche utilisée ainsi que les attributs topographiques et les seuils identifiés par l’AD permettent de cartographier le MPS sur la totalité du territoire des Hautes-Laurentides (~100 000 km2), un territoire homogène au point de vue de sa topographie et de son histoire glaciaire. Également, l’approche utilisée et les attributs topographiques de l’AD, avec quelques modifications aux valeurs des seuils suggérés, pourraient permettre la cartographie du MPS dans n’importe quelle région de géologie similaire ayant subi la dernière glaciation du Wisconsinien (e.g., Bouclier canadien, Bouclier fennoscandien). Finalement, l’approche utilisée, en ne considérant ni les attributs topographiques ni les seuils proposés par l’AD, pourrait permettre la cartographie du MPS dans une multitude d’autres environnements se différenciant par leur histoire géologique et géomorphologique.

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