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RESULTATS

Dans le document Faculté de Pharmacie (Page 62-83)

3.I. Hémisynthèse de nouveaux dérivés de l’acide 18β-glycyrrhétinique

Les résultats présentés dans ces deux premières sections ont été publiés dans le « Journal of Medicinal Chemistry » (Lallemand et coll., 2011b, annexe 1), dont la partie « Supporting Information » est reprise en annexe 2.

Il a clairement été mis en évidence tout au long de l’introduction du présent travail que certains dérivés de l’acide 18β-glycyrrhétinique présentent un effet anticancéreux supérieur par rapport à la molécule de départ. Ceci démontre donc l’intérêt d’élaborer des structures apparentées en vue d’établir une nouvelle étude de structure-activité au niveau de leurs effets anticancéreux. Afin de répondre à cet objectif, nous avons développé une stratégie originale de synthèse de nouveaux dérivés, l’aspect original de cette synthèse ayant été validé par le dépôt puis l’acceptation d’un brevet international enregistré en tant que WO2012022780 (A1) (annexe 1).

Cette stratégie fait suite à toute une série d’essais préliminaires d’orientation qui ont eu leur importance dans le développement de la stratégie finale et qui sont repris au point 3.I.2.

La description des composés en termes d’analyses spectroscopiques (RMN 1H, 13C, HSQC et HMBC) ainsi que la détermination de leur point de fusion et de leur pureté sont mentionnées dans l’annexe 2 (Lallemand et coll., 2011b).

3.I.1 Stratégie et schéma de synthèse principal

Consécutivement à l’élaboration d’un article de revue concernant l’étude de structure-activité de l’acide 18β-glycyrrhétinique et de ses dérivés au niveau de leur structure-activité anticancéreuse (Lallemand et coll., 2011a ; annexe 1), une stratégie originale de synthèse a donc été mise au point en vue de décliner une série d’une vingtaine de composés originaux de l’acide 18β-glycyrrhétinique. Les propriétés d’originalité de ces nouveaux dérivés ne reposent pas uniquement sur l’aspect chimique mais aussi sur l’aspect pharmacologique comme décrit dans les sections ci-après.

La position en C-3 de la structure initiale étant déjà fortement explorée dans la littérature, nous nous sommes limités à quelques structures dans cette position comme mentionnés dans

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la section 3.I.2, avant de se focaliser sur la position C-30 qui présentait de multiples avantages en termes de réactivité et de stabilité.

La stratégie de modulations chimiques au niveau de la position C-30 a été développée avec le souci d’obtenir des fonctions chimiques présentant une bonne stabilité pour les tests pharmacologiques réalisés tant in vitro qu’in vivo. A cet égard, les fonctions amides étaient pressenties comme étant plus stables que les esters synthétisés au cours du développement de cette étude. C’est pourquoi plusieurs familles de composés ont été déclinées (Figure 20):

les monoamides (molécules 3a-f) ;

l’intermédiaire 2 : au terme de la synthèse des monoamides, il nous est apparu intéressant de synthétiser un intermédiaire de réaction qui nous permettait de décliner plusieurs composés issus d’un seul et même dérivé aminé, séparé de la fonction amide en position C-30 par deux autres carbones ;

les diamides (molécules 4a-e) ; les urées (molécules 6a-c) ; les thiourées (molécules 7a-b) ;

des dérivés issus de la littérature : certains dérivés ont été synthétisés dans le but d’avoir un comparatif en termes d’activité anticancéreuse in vitro. Ces dérivés ont été synthétisés conformément à leur procédé décrit dans les articles de Tatsuzaki et coll. (2007) pour le composé 8 et de Chadalapaka et coll. (2008) pour le composé

9 (Table 3).

Le choix de cette orientation stratégique a été guidé par plusieurs facteurs : l’ensemble de ces synthèses ont été réalisées dans le Laboratoire de Chimie Organique du Professeur Ivan Jabin (Faculté des Sciences, ULB). Les amines qui ont été sélectionnées pour composer la famille 3

sont issues d’un usage récurrent au sein de ce laboratoire. Ensuite une attention toute particulière a été portée à l’intérêt d’intégrer un ou plusieurs atomes de fluor au sein de nos hémidérivés et ce, afin de pouvoir augmenter l’hydrophobicité de nos composés et donc d’augmenter théoriquement la biodisponibilité de ceux-ci. Le composé 6b a été conçu de manière à faciliter la création de liens H avec des cibles potentielles. En effet, les deux trifluorométhyls sont reconnus comme étant de bons électro-attracteurs par effet inductif, augmentant ainsi l’acidité de la fonction urée.

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3.I.2 Synthèse en position C-3

Les premières molécules envisagées dans notre travail dans le cadre de l’élaboration de nouveaux dérivés de l’acide 18β-glycyrrhétinique ont été développées à partir de la position C-3 du squelette de base. Les dérivés illustrés dans la Figure 21 représentent la famille d’esters formés via le couplage d’un chlorure d’acyle avec l’alcool en position C-3, ceci en présence de diméthylaminopyridine (DMAP). Malheureusement, nous avons remarqué une dégradation rapide de ces dérivés lors de l’étude de leur stabilité physico-chimique.

3.I.3 Synthèse des monoamides(molécules 3a-f, Figure 20)

Cette famille de composés présente une fonction amide en position C-30 (Figure 22). Ces six dérivés de type monoamide ont été synthétisés dans les mêmes conditions expérimentales. La fonction amide est issue d’un couplage de type peptidique (comme décrit dans le chapitre Matériel et Méthodes) entre l’acide 18β-glycyrrhétinique et diverses amines primaires. Un seul de ces dérivés (la molécule 3e) a été oxydé en position C-3 afin de déterminer l’influence de cette oxydation de l’alcool en cétone au niveau de l’activité anticancéreuse in vitro. Cette synthèse fut réalisée grâce à une oxydation au moyen du réactif de Jones.

3.I.4 Synthèse de l’intermédiaire aminé (molécule 2, Figure 20)

Afin de pouvoir élaborer notre stratégie de synthèse, il était impératif de pouvoir synthétiser dans de bonnes conditions et avec de bons rendements un intermédiaire qui nous permettrait de décliner différentes familles de composés (Figure 23). Cet intermédiaire a été synthétisé comme suit :

La première étape consistait à protéger une des deux fonctions amines de l’éthylènediamine par un groupement t-butylcarbonyl. Cette réaction de monoprotection a été rendue possible grâce à la présence d’un grand excès d’éthylènediamine et d’une addition lente du Boc2O.

Pour la seconde étape, un couplage de type peptidique a été mis en œuvre afin de greffer cette amine primaire monoprotégée sur l’acide carboxylique de l’acide 18β-glycyrrhétinique. Le produit résultant a ensuite été déprotégé par traitement par l’acide trifluoroacétique,

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aboutissant à l’obtention du composé 2. Il faut noter que le spectre RMN du composé obtenu correspond à celui décrit dans l’article de He et coll. (2009).

3.I.5 Synthèse des diamides (molécules 4a-e, Figure 20)

A partir de l’intermédiaire de synthèse 2, il paraissait judicieux de commencer par greffer plusieurs chlorures d’acides commerciaux (précédemment utilisés en position C-3 pour la formation d’esters comme décrit au point 3.I.2, Figure 21). Cette réaction nous a permis de former la famille des diamides (Figure 24). Ces composés ont été synthétisés en présence de diméthylaminopyridine dans du dichlorométhane anhydre selon le protocole décrit (Lallemand et coll., 2011b, annexe 1) et repris dans le chapitre Matériel et Méthodes.

3.I.6 Synthèse des urées (molécules 6a-c, Figure 20) et thiourées (molécules 7a,b, Figure 20)

Au même titre que les diamides, ces dérivés sont issus de l’intermédiaire 2 mis en présence d’isocyanates ou d’isothiocyanates commerciaux (Figure 25).

3.I.7 Optimisation de la synthèse du dérivé 6b

Consécutivement aux résultats obtenus par les différents tests pharmacologiques décrits ci-après et suite à l’analyse de type structure-activité que nous avons réalisée pour l’ensemble des dérivés de l’acide 18β-glycyrrhétinique que nous avons synthétisés, nous avons identifié le dérivé 6b (Figure 26) comme un candidat méritant des évaluations pharmacologiques in vivo. L’étude pharmacocinétique d’une molécule nécessite souvent des quantités importantes de produit. C’est pourquoi, nous avons du élaborer un nouveau schéma de synthèse pour obtenir ce produit avec un rendement plus élevé. Pour cela, nous voulions développer une voie de synthèse avec un nombre restreint d’étapes. Nous avons ainsi réussi à mettre au point un procédé de synthèse de la molécule 6b en une seule étape à partir de l’acide 18β-glycyrrhétinique (Figure 26). Ceci a nécessité la préparation au préalable d’un réactif amino-urée via la réaction avec le 3,5-bis(trifluoromethyl)phenyl isocyanate. L’étape de couplage de type peptidique entre l’amino-urée et l’acide 18β-glycyrrhétinique a ensuite permis d’obtenir le composé 6b pur avec un excellent rendement de 93% (Lallemand et coll., 2012 ; annexe 1).

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Figure 26. Schéma d’optimisation de la synthèse du dérivé urée 6b (d’après Lallemand et

coll., 2012 ; annexe 1). a: THF, DCC, HOBt, DIPEA, RT, 24 h, 93 %.

3.I.8 Pureté, stabilité physicochimique et métabolique de certains composés en vue de leur évaluation in vitro

Après l’étape de synthèse de chacun des dérivés générés dans le cadre de notre travail, une phase de vérification de la pureté a été mise en œuvre. Les composés dont la pureté a été jugée suffisante (> 95%; Figure 27A) par approche HPLC-UV ont ensuite été analysés en termes de stabilité physico-chimique (en solvant organique et dans du milieu de culture cellulaire dépourvu de sérum) et pour certains d’entre eux en termes de stabilité métabolique (microsomes hépatiques).

La stabilité physico-chimique d’un composé dont on désire analyser diverses propriétés pharmacologiques, ne fut-ce qu’in vitro, est une notion trop négligée. Cette étape doit pourtant impérativement être réalisée pour évaluer de manière fiable la qualité des tests réalisés in vitro puis in vivo. Les règles de base consistent en la vérification de la stabilité des molécules d’intérêt dans leur meilleur solvant de dissolution ainsi que dans un milieu de culture dépourvu de sérum, c’est-à-dire un milieu aqueux contenant divers types d’ions et d’acides aminés en concentrations variables. Nous avons effectué ces analyses de stabilités physico-chimiques dans le méthanol ainsi que dans un milieu de culture cellulaire de type MEM (voir le chapitre Matériel et Méthodes) par dissolution dans le DMSO qui est le solvant utilisé lors de la mise en œuvre de la plupart des tests pharmacologiques réalisés in vitro. Les résultats de ces deux études montrent que la majorité des molécules que nous avons synthétisées restent stables à plus de 95 % dans un milieu de culture cellulaire ou dans un solvant organique pendant 7 jours à 37°C, mis à part les composés 6c et 8.

L’investigation de la stabilité métabolique de la molécule 6b en faisant appel au test des microsomes hépatiques nous donna des informations intéressantes quant aux formulations

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futures qui devront être développées pour administrer le produit in vivo ainsi que pour la détermination des séquences et des voies d’administration (i.v. versus orale, voir section 3.III. 1.2). Par ailleurs ces tests métaboliques ont révélé que le lien ester de la molécule 6c et 8

serait facilement clivé en présence de certaines estérases constitutives des microsomes comme illustré en Figure 27B, ce qui explique l’instabilité observée en stabilité physico-chimique. En effet, le produit de dégradation du 6c est bien résolu en séparation chromatographique, ce qui nous a permis d’observer l’apparition de ce métabolite au cours du temps. Un résultat des plus intéressant que nous avons obtenu similairement lors de ces analyses se rapporte au fait que la molécule 8, une molécule de référence de la littérature (Tatsuzaki et coll., 2007) relargue la déhydrozingérone après clivage de son ester en position C-30. Ce résultat signifierait éventuellement que l’effet anticancéreux de ce composé 8 pourrait se rapporter uniquement au polyphénol relargué (Tatsuzaki et coll, 2007).

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3.II. Evaluation in vitro des nouveaux dérivés de l’acide 18β-glycyrrhétinique

3.II.1 Détermination des activités inhibitrices de croissance in vitro à l’aide du test colorimétrique MTT

La caractérisation de l’activité d’inhibition de la croissance globale in vitro des composés que nous avons synthétisés au niveau de diverses lignées de cellules cancéreuses humaines et murine a été réalisée grâce au test colorimétrique MTT en présence des dérivés d’intérêt pendant une durée de 3 jours.

Les différentes molécules ont ainsi été analysées au niveau de sept lignées cancéreuses humaines et une lignée cancéreuse murine. Comme détaillé au sein du chapitre Matériel et Méthodes, les lignées cancéreuses humaines comprennent les cellules de cancer du poumon non-à-petites-cellules (NSCLC) A549, les cellules de mélanome SKMEL-28, les cellules d’astrogliomes T98G et U373, les cellules d’oligodendrogliome Hs683, les cellules de cancer de la prostate PC3 et les cellules de cancer du sein MCF7. La lignée cancéreuse d’origine murine correspond au mélanome B16F10.

Les valeurs de concentration inhibant de 50% la croissance globale des différents types de cellules cancéreuses (indices IC50) pour chacune des molécules d’intérêt après trois jours de leur mise en présence (ou en leur absence dans les conditions contrôles) des divers types de cellules cancéreuses sont données dans la Table 3.

Les 8 lignées cellulaires que nous avons utilisées présentent des sensibilités diverses aux stimuli pro-apoptotiques. Ainsi, les lignées HS683 (Ingrassia et coll., 2009), MCF-7 (Dumont et coll., 2007), PC-3 (Dumont et coll., 2007) et la lignée murine de type B16F10 (Mathieu et coll., 2009) sont sensibles aux stimuli pro-apoptotiques alors que les lignées U373 (Ingrassia et coll., 2009), T98G (Branle et coll., 2002), A549 (Mathieu et coll., 2004) et SKMEL-28 (Mathieu et coll., 2009) présentent des degrés divers de résistance aux stimuli pro-apoptotiques. Cependant nous avons essayé de voir si nos nouveaux dérivés classés par famille de composés, pouvaient exprimer une différence significative entre deux lignées cellulaires cancéreuses de gliomes, l’une sensible (Hs683) et l’autre résistante (U373) aux stimuli pro-apoptotiques. En effet, la lignée cellulaire cancéreuse Hs683 présente une

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délétion au niveau du gène 1p19q alors que p53 n’est pas muté, ce qui augmenterait sa sensibilité à l’apoptose (Dittmann et coll., 2012). Inversément, le gène 1p19q est présent alors que p53 est muté dans la lignée cellulaire cancéreuse U373, ce qui rendrait la lignée résistante (Gomez-Manzano et coll., 1997).

D’une manière générale, les résultats de la Table 3 montrent que la plupart des nouveaux composés que nous avons synthétisés possèdent une concentration inhibitrice IC50 de croissance in vitro vis-à-vis de diverses lignées cellulaires cancéreuses plus faible (donc plus active) que le produit initial, à savoir l’acide 18β-glycyrrhétinique. Ces résultats suggèrent donc que le lien amide en position C-30 contribue à l’amélioration de l’activité inhibitrice de la croissance globale in vitro de divers types de lignées cellulaires cancéreuses, alors que l’oxydation de l’alcool en position C-3 pour un même composé (molécule 3d versus

3e) n’apporterait pas d’activité majorée par rapport à la molécule initiale, voire diminuerait cette même activité (Table 3). Lorsqu’on compare les deux lignées de gliomes entre elles vis-à-vis des différentes familles de composés déclinées, aucune différence notable d’activité ne peut être démontrée comme étant significative (p>0,05 ; Figure 28).

Enfin, une étude de biosélectivité du composé 6b a ensuite été programmée dans le but de voir si le 6b n’éprouvait pas la même sensibilité entre les cellules saines de type fibroblaste (NHDF) et les cellules cancéreuses de glioblastome U373. Alors que la concentration inhibitrice de la croissance cellulaire globale du 6b sur U373 était de 8 µM, elle augmente à 29 µM en présence des fibroblastes humains NHDF indiquant que son indice de biosélectivité se rapproche au moins de 3 (Lallemand et coll., 2012 ; annexe 1).

3.II.2 Inhibition du protéasome par divers produits d’intérêt

Selon Huang et ses collaborateurs (2008), l’acide 18β-glycyrrhétinique et certains de ses dérivés sont capables d’inhiber le site « chymotrypsine like » et également, mais de façon moindre, les deux autres sites catalytiques du protéasome, à savoir le site « caspase like » et le site « trypsine like ».

La majorité de ces dérivés décrits comme étant des inhibiteurs du protéasome présentent une structure modifiée en position C-3 par l’intermédiaire d’un lien ester. Nous avons dès lors décidé de voir si, malgré une absence de modification au niveau de cette position, nos dérivés modifiés en position C-30 avec un lien amide, étaient tout de même dotés d’un effet inhibiteur vis-à-vis de l’activité protéolytique du protéasome. Nous avons ainsi entrepris de tester neuf

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dérivés dont l’indice IC50 d’inhibition de croissance à 50% de diverses lignées cellulaires cancéreuses révélait une activité anticancéreuse in vitro supérieure à celle de l’acide 18β-glycyrrhétinique (Table 3). Ces neuf dérivés sont les composés 2, 3a, 3b, 3e, 3f, 6b, 7a, 8 et

9. L’activité « anti-protéasome » de ces neuf composés a été comparée à celle de l’acide 18β-glycyrrhétinique (1) ainsi qu’à celle d’un inhibiteur de référence du protéasome, le produit MG132 (Table 1). Comme décrit précédemment dans le Matériel et Méthodes, ce test a été effectué en utilisant la lignée cellulaire de glioblastome U373 et en tenant compte des effets des produits au niveau de chacun des trois sites catalytiques du protéasome (Figure 29).

Les résultats obtenus montrent ainsi que le composé 2 inhibe de façon irrégulière les trois activités protéolytiques du protéasome, le plaçant relativement proche d’un point de vue pharmacologique de l’activité inhibitrice du contrôle positif, le produit MG132. Le composé

6b (7 µM) inhibe de 50% l’activité de chacun des trois sites catalytiques et ce à une concentration bien plus faible que le composé 2 (60 µM). Il apparaît ainsi que la concentration du produit 6b qui réduit in vitro de 50% la croissance de cellules cancéreuses humaines telles les cellules gliales tumorales U373 (Table 3) coïncide également avec une inhibition de 50% de l’activité de chacun des trois sites catalytiques du protéasome (Figure 29).

Les huit autres composés que nous avons analysés inhibent tous l’activité protéolytique du site « trypsine like » mais activent en revanche les sites « chymotrypsine like» et « caspase like » (Figure 29).

Par ailleurs, une étude de modélisation basée sur la structure tridimensionnelle du protéasome nous a permis de concevoir et d’évaluer l’affinité avec laquelle le composé 6b se liait sur les sites catalytiques de ce complexe protéique. Notre approche a consisté en la simulation du « docking » de la molécule d’intérêt (autrement dit l’amarrage de la molécule) au sein de chacun des trois sites protéolytiques comme représenté à la Figure 30.

Rappelons qu’il est toutefois nécessaire de trouver un compromis entre la volonté de réaliser cette simulation dans un temps raisonnable et celle d’obtenir une précision élevée, simulant la situation réelle. Les programmes de modélisation assistée par ordinateur (« docking moléculaire ») reposent sur diverses hypothèses. La majorité des algorithmes de calculs liés à ces logiciels sont conçus pour considérer le récepteur d’intérêt (en l’occurrence dans le cas présent chacun des trois sites protéolytiques du protéasome) comme rigide alors que la flexibilité conformationnelle de la molécule est envisagée. C’est une approximation qui peut

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dans certains cas être inappropriée. La difficulté à modéliser l’effet de solvatation environnant le récepteur nuit également à la précision de cette méthode. Néanmoins, malgré toutes ces contraintes, les algorithmes retrouvent dans environ 80% des cas la position cristallographique du ligand naturel (Wang et coll., 2003).

Nous avons donc entrepris des expériences de modélisations moléculaires de chacun des sites catalytiques de type « caspase-like » (C-L, Figure 30), « chymotrypsine-like » (CT-L, Figure 30) et « trypsine-like » (T-L, Figure 30) afin de corroborer les résultats théoriques ainsi obtenus à ceux obtenus précédemment de manière expérimentale et détaillés dans la Figure 30.

Au sein de la Figure 30D, les doublons des sites protéolytiques sont représentés dans une structure cristallographique complexée à la Fellutamide B (« code Protein Data Bank : 3D29 »). La molécule de référence qui se lie à chacun des trois sites protéolytiques est le bortezomib (Table 1). Cette molécule n’a pu être utilisée comme contrôle interne vu que le logiciel de « docking » moléculaire Glide ne prend pas en charge l’atome de bore. Dès lors, pour vérifier la fiabilité de notre approche de modélisation, nous avons « docké » le ligand naturel (Fellutamide B ; également illustré au bas de la Figure 30D) au niveau des trois différentes paires de sites catalytiques, et ce après l’élimination de toute molécule d’eau environnante pour éviter les interférences. Les poses de « docking » ont été comparées avec les poses du ligand cristallographié au sein du protéasome grâce à la mesure de la distance séparant la valeur prédite par le modèle et la valeur effectivement observée en cristallographie (« root-mean square deviation » ; Carugo, 2003). Ces distances étaient comprises entre une valeur de 0,6 et 2,0 Angström pour les trois sites catalytiques, ceci indiquant une grande similarité entre la prédiction et la cristallographie réalisée expérimentalement. Sur base de cela, le composé 6b a été également « docké » aux trois sites protéolytiques du protéasome. Il en ressort deux modes de liaisons.

Dans le premier cas, le groupement 3,5bis(trifluorométhyl)phényl s’accommode parfaitement de la poche spécifique S1 (Figure 30C) et les groupements amides opèrent plusieurs liaisons hydrogènes avec les résidus environnants. En effet, les poches spécifiques ayant une même séquence d’acides aminés et créant une structure permettant d’accueillir un substrat spécifique ont été identifiées et dénommées sous une nomenclature décrite par Schechter et Berger en 1967 et représentée en Figure 30C.

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Le premier mode de liaison se rapproche donc de l’hypothèse selon laquelle ces groupements dits « peptidiques » (amides, urées) miment le « docking » d’un peptide s’apprêtant à être dégradé par le protéasome (Figure 31A).

Le second mode de liaison, qui est observé le plus souvent dans les cas de liaison aux sites « caspase-like » et « chymotrypsine-like », montre que la partie 3,5bis(trifluorométhyl)phényl

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