• Aucun résultat trouvé

Que restera-t-il du système « sécu » de

retraite dans 40 ans ?

La réforme vient finalement por- ter un coup à « l’étage » Sécurité sociale du système de retraite, en le rendant plus aléatoire et moins légitime mais également en le ren- dant accessoire à d’autres systèmes.

Des pensions faibles

Le système par point ne sera pas subi de la même manière par tous les salariés. Pour les plus pauvres c’est l’assurance de travailler plus longtemps (et donc de bénéficier moins longtemps d’une pension), pour les mieux lotis, c’est surtout un système qui sera accessoire. À l’absence d’économies réalisées à côté, d’acquisitions de biens, de placements financiers, la pension versée est le seul revenu disponible pour le retraité. Le « choix » entre prendre sa retraite et poursuivre une activité salariée ne se posera pas dans ce cas. Il sera obligatoire de poursuivre une activité pour ne pas être dans la misère. Indépen- damment de tout âge pivot une part importante des salariés sera donc contrainte à une exploitation sur une durée plus longue de sa vie. Les jeunes salariés et futurs salariés d’aujourd’hui ne pourront proba- blement pas prendre leur retraite à

E co nom ie et po lit iq ue /m ai-j ui n 20 19/77 8-779

62 ans dans le cadre de la réforme portée par Emmanuel Macron. Pour les salariés les mieux lotis, l’âge de 62 ans ne sera pas non plus la date de leur départ à la retraite. Ces derniers disposeront des éco- nomies nécessaires pour se mettre à l’abri en amont. La pension issue du régime général ne sera pour eux qu’un complément bienvenu mais absolument pas nécessaire pour cesser leur activité. Ils auront le loisir de développer des stratégies pour anticiper au mieux la cessa- tion de leur travail dans lesquelles le régime général risque d’être perdant. Si en effet les salariés les mieux rémunérés sont ceux qui cotisent le moins longtemps, alors l’enveloppe global de cotisations sera plus faible et la valeur du point également, au détriment des sala- riés les moins aisés. Phénomène accentué par le fait que des salariés particulièrement bien rémunérés pourront accepter des taux de remplacement beaucoup plus bas que ceux qui le sont moins. C’est ici que la rhétorique un euro cotisé égale un euro de droit prend l’eau. Le système par point en n’assu- rant pas une prestation définie porte en lui un affaiblissement de la solidarité entre salariés. L’âge pivot est d’ailleurs parfois invoqué comme un moyen de limiter les départs anticipés des salariés les plus rémunérés en accentuant la décote subie.

Le développement des systèmes privés

On trouve également en embus- cade des assurances privées qui proposent des placements finan- ciers pour assurer des pensions de retraite. Pour ces derniers, le blocage des cotisations est une aubaine. C’est autant de valeur « libérée » qu’ils peuvent désor- mais espérer capter. La perte de suffisance du régime général pour assurer une pension décente est également un moyen de créer un besoin qui jusqu’à présent se faisait peu ressentir. C’est donc un nouveau marché que les financiers peuvent espérer capter ainsi grâce à la réforme des retraites.

Pour les jeunes, c’est souvent un marché inaccessible, impossible pour la plupart d’entre-eux au vu de leur niveau de revenu de sous- crire à de tels produits financiers. Dans le cas de la retraite ce n’est

pas “grave”. Ils auront la possibilité pour ceux dont les revenus aug- menteront plus tard de souscrire à de telles assurances plus tard dans le déroulé de leur carrière.

Cependant, la Sécurité sociale n’a qu’un seul budget et l’affaiblisse- ment d’une de ses branches, en l’occurrence la remise en cause de sa philosophie même, vient fragiliser l’ensemble. Demain, c’est peut-être la branche famille qui fera l’objet de coupes budgétaires pour assurer « l’équilibre » avec le risque que cette fois-ci les jeunes soient directement impactés.

Idem pour la branche maladie où

même si la jeunesse protège de certaines pathologies, elle ne les exclut pas totalement, sans parler des accidents.

La précarité face à l’emploi, au logement ou encore à l’éner- gie constatée chez de nombreux jeunes pourrait ainsi s’étendre à des domaines jusqu’ici protégés par la Sécurité sociale. Pour revenir à la retraite, d’un système de solidarité qui couvrait une part importante des pensions, il ne restera plus qu’un système a minima dont toutes les stratégies pour le com- pléter et en sortir plus vite seront bonnes.

En conclusion

De réforme en réforme, la pers- pective d’un droit à ne plus tra- vailler à son vieil âge s’éloigne pour les jeunes. La revendication historique d’un âge de départ à la retraite à 60 ans paraît décon- nectée quand ces derniers doivent réunir 43 années de cotisations actuellement. L’emploi pour les jeunes est perçu comme quelque chose de difficilement accessible mais nécessaire. Difficile pour ces derniers face à un taux de chômage de 20 % d’aller se projeter dans le droit à ne plus travailler quand immédiatement ils voudraient voir reconnu leur droit à travailler. Les changements réguliers de statuts, l’alternance emploi non- emploi, formation qui parfois les prive de leurs droits, sont autant d’éléments qui peuvent rendre attirant à leurs yeux le discours simpliste de l’égalité, du « un euro cotisé est égal à un euro de droit ». La solidarité intergénération- nelle est également difficilement perceptible et audible quand ils constatent que le niveau de vie

des retraités est bien souvent largement au-dessus du leur. À des rémunérations faibles, les jeunes sont également confrontés à des loyers exorbitants, le parc social ne correspondant pas à la mobilité forte à laquelle ils sont souvent contraints. À l’inverse ils constatent que souvent leurs grands-parents ont pu soit profiter d’un marché de l’immobilier plus clément pour être propriétaires ou sont locataires du parc public bien moins cher.

Mobiliser les jeunes contre la réforme des retraites nécessite un important travail d’explication et doit nécessairement s’accom- pagner de revendications faisant directement écho à leur réalité. La protection sociale pour être défendue par tous doit s’adresser à tous et il est donc nécessaire que les jeunes y trouvent une place plus adaptée que les bricolages actuels. Le Mouvement des jeunes com- munistes de France a construit une proposition d’un statut social pour les jeunes qui leur garantirait une protection sociale de leur majorité jusqu’à leur entrée dans l’emploi et des protections associées. Ce statut viserait autant à assurer les conditions de vie des jeunes en étude que dans la recherche de leur premier emploi. Il ne s’agirait pas d’accompagner la précarité à laquelle ils sont contraints sous prétexte de « mobilité » mais à l’inverse de leur assurer un niveau de vie décent sans être contraint à des formes de sous-salariat. Un revenu pourrait ainsi leur être versé dans les périodes où ils ne sont pas en emploi financé de la même manière que les pensions de retraite en étendant le champ des cotisations patronales.

Loin d’être suffisant ce dernier de- vra être accompagné de l’ouverture de droits réels en termes d’accès à un parc social de logements adaptés à la sociologie des jeunes, de tarifs préférentiels sur les trans- ports collectifs (voire la gratuité), un affiliation à la Sécurité sociale émancipée de la logique « d’ayant droit » et ce dès leur majorité afin de mettre fin à une période de « minorité » vis-à-vis de la protec- tion sociale bien après leur 18e

58

co nom ie et po lit iq ue / m ai-j ui n 20 19/77 8-779

Les dossiers d'économie et Politique

es travaux du COR montrent que le « taux de remplacement » du dernier salaire par