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Section I : L'aspect universel de l'environnement

1.1. Caractère international de l'environnement

1.1.2. Les ressources naturelles partagées

Le problème qui se pose ici est comment établir un équilibre entre les intérêts des États partageant des ressources naturelles et leur souveraineté sur ces ressources.

On remarque donc que la souveraineté est au cœur du problème. En effet, la notion de ressources naturelles partagées insiste par elle-même sur l'interdépendance entre les différents États partageant ces dernières. « Elle met l'accent sur la solidarité active et les sorte que les activités exercées dans les limites de leur juridiction ou sous leur contrôle ne causent pas de dommage à l’environnement dans d’autres États ou dans des régions ne relevant d’aucune juridiction nationale ». La Conférence des Nations Unies sur l’environnement, Résolution 1972/2849, Doc. Off., A.G.N.U., 26e sess., suppl. n° 29, Doc. N.U., A/8429 (1972).

285 Le principe 2 de la Déclaration de Rio sur l’environnement et le développement de 1992 prévoit

que : « Conformément à la Charte des Nations Unies et aux principes du droit international, les États ont le droit souverain d'exploiter leurs propres ressources selon leur politique d'environnement et de développement, et ils ont le devoir de faire en sorte que les activités exercées dans les limites de leur juridiction ou sous leur contrôle ne causent pas de dommages à l'environnement dans d'autres États ou dans des zones ne relevant d'aucune juridiction nationale ». Déclaration de Rio sur l’environnement et le

développement, préc., note 76.

286 Licéité de la menace ou de l’emploi d’armes nucléaires, Avis consultatif, (1996), C.I.J. rec., p. 241, en ligne :

<https://www.icj-cij.org/fr/affaire/95/avis-consultatifs>, (Consulté le 24 novembre 2019).

287 Affaire relative au projet Gabčíkovo-Nagymaros (Hongrie / Slovaquie) (1997) C.I.J., en ligne :

<https://www.icj-cij.org/files/case-related/92/092-19970925-JUD-01-00-FR.pdf>, Consulté le 24 novembre 2019).

obligations réciproques que cette dernière implique »288.

La notion de ressources naturelles partagées a été consacrée par divers instruments internationaux parmi lesquels on retrouve la Charte des droits et devoirs économiques de 1973, et surtout le projet de principes du PNUE datant de 1970, ainsi que la Convention

sur le droit relatif aux utilisations des cours d'eau internationaux à des fins autres que la navigation, adopté à New York par l'Assemblée générale des Nations Unies le 21 mai 1997

et entrée en vigueur le 17 août 2014289.Cependant, on ne trouve pas de définition de cette notion en droit international.

Certes, la notion de ressources naturelles partagées joue un rôle important dans la construction des paramètres indispensables à la gestion de ces ressources entre les pays qui partagent le même cours d'eau. Toutefois, il ne paraît pas difficile de dégager le critère d'une telle définition, qui est, sans l’ombre d’un doute, « le partage » de la ressource naturelle en question entre deux ou plusieurs États. C'est le même critère qui est d'ailleurs utilisé tant dans le droit international que la doctrine pour identifier les fleuves internationaux ou les cours d'eau internationaux.

Ainsi, on appelle cours d'eau international, tout cours d'eau qui touche au territoire de plusieurs États.290 À partir de cette définition, on peut affirmer que les fleuves internationaux sont par excellence, des ressources naturelles partagées. D'ailleurs, ce n'est pas par simple coïncidence que la réglementation internationale régissant les cours d'eaux internationaux consacre les mêmes principes élaborés par le droit international concernant la gestion et la préservation des ressources naturelles partagées291.

288 René-Jean DUPUY, préc., note 265, p. 492.

289 La notion de « ressource naturelle partagée » est présente dans plusieurs articles de la Convention de

New York, soit de façon explicite, soit de façon implicite dans les articles : 2, 3, 5,6 et 20. Convention sur le droit relatif aux utilisations des cours d'eau internationaux à des fins autres que la navigation, Résolution

51/229, Doc. Off., A.G, N.U., 51e sess, Suppl. n° 49 (A/51/49).

290 On trouve cette définition dans l’article premier (b) de la Convention sur le droit relatif aux utilisations

des cours d’eau internationaux à des fins autres que la navigation, Résolution 51/229, Doc. Off., A.G, N.U.,

51e sess, Suppl. n° 49 (A/51/49).

291 Ressources naturelles partagées, Troisième rapport sur les ressources naturelles partagées: les eaux

souterraines transfrontières, par M. Chusei Yamada, Rapporteur spécial, Document A/CN.4/551 et Add.1, 11 février et 9 mars 2005. En ligne : < https://legal.un.org/ilc/documentation/french/a_cn4_551.pdf >, (Consulté le 24 novembre 2019).

La question qui se pose dès lors est de savoir quels sont les différents principes en question et comment présentent-ils une restriction à la souveraineté étatique ?

Le premier de ces principes est celui de l'utilisation non-dommageable du territoire, qui n'est d'ailleurs pas un principe spécifique, étant consacré partout dans le droit international de l'environnement. Notons à cet égard que le principe 3 du projet du PNUE ne fait que reprendre l'expression du principe 21 de la Déclaration de Stockholm.

À son tour, l'article 7 de la Convention de New York du 21 mai 1997 intitulé : « obligation de ne pas causer des dommages significatifs », nous donne une idée plus claire sur le contenu de ce principe en prévoyant que « lorsqu’ils utilisent un cours d'eau international sur leur territoire, les États du cours d'eau prennent toutes les mesures appropriées pour ne pas causer de dommages significatifs aux autres États du cours d'eau ».

Faut-il rappeler que ce principe constitue une limitation à la souveraineté des États riverains, dans la mesure où ils n'ont plus la liberté totale d'user, à leur gré, de leur territoire et, par conséquent, leurs compétences territoriales se trouvent limitées.

Cette conclusion est valable aussi pour le second principe qui est « l'utilisation équitable des ressources naturelles partagées »292, consacré par le principe 1 du projet du PNUE et repris par l'article 5 de la Convention de New York. En effet, cet article prévoit que les États riverains utilisent sur leurs territoires respectifs le cours d'eau international « de manière équitable et raisonnable, […] compte tenu des intérêts des États du cours d'eau concerné » et d'une manière compatible avec les exigences d'une « protection adéquate du cours d'eau ».

Le troisième principe est le devoir de coopération entre les États partageant la ressource naturelle. Il est vrai que le principe de coopération est mentionné partout dans le droit international, mais il occupe une place exceptionnelle en matière de ressources naturelles partagées. En effet, la gestion désormais nécessairement concertée de ces dernières ne peut

292 Jochen SOHNLE, « Le principe des responsabilités communes mais différenciées dans les instruments

conventionnels relatifs aux eaux douces internationales -Cherchez l’intrus », dans Les Cahiers de droit, Volume 55, n° 1, mars 2014, p. 229 et ss.

s'effectuer qu'à travers une coopération entre les États.

Ainsi, le principe premier du projet du PNUE prévoit « qu'il est nécessaire que les États coopèrent dans le domaine de l'environnement en matière de conservation et d'utilisation harmonieuse des ressources naturelles partagées ». À son tour, l'article 8 de la Convention de 1997 sur les cours d'eaux internationaux s'intitule : « obligation générale de coopérer ». Des principes comme celui d'information et de consultation ou celui de notification s'inscrivent dans le principe général de coopération et viennent lui donner une portée matérielle. D’ailleurs, ces principes occupent une place importante aussi bien dans le projet du PNUE (principes 5 à 11) que dans la Convention de 1997 (articles 9 à 19). En outre, le principe de coopération est consacré aussi par la jurisprudence internationale293.

Tout en restant dans la même perspective d'analyse, on doit remarquer, à l'instar du professeur René-Jean Dupuy294, que la mise en œuvre de ces différents principes risque d'entraver la faculté de décision de l'État désirant entreprendre des actions sur son territoire et de porter du même coup atteinte à l'exercice de ses compétences souveraines en soumettant ses initiatives à une sorte de « droit de regard » des autres États.

À la suite de ces analyses, une remarque s'impose : le droit international de l'environnement jusqu'ici réglementant les ressources naturelles partagées et les pollutions transfrontières, contribue certes à la protection de l'environnement. Mais cette protection, il faut le constater, demeure très limitée et très insuffisante.

En effet, sauf dans le cas des pollutions transfrontières qui sont sanctionnées par le droit international, chaque État est libre sur son territoire et peut même détruire ses ressources et son environnement sans que sa responsabilité soit mise en cause. C'est là précisément la limite de l’approche traditionnelle du droit international de l'environnement que nous venons d'analyser. Il a donc fallu réglementer la protection de l'environnement d'une manière générale, indifféremment des frontières étatiques. Ainsi, tout en restant un droit des relations de voisinage, le droit international de l'environnement est devenu surtout un

293 Affaire du Lac Lanoux (Espagne, France), Recueil des sentences arbitral, Volume XII, 16 novembre 1957,

en ligne :< http://legal.un.org/riaa/cases/vol_XII/281-317_Lanoux.pdf>, (Consulté le 28 décembre 2019).

droit de la protection de la biosphère dans son ensemble, d'où son approche nouvelle dite « globalisante ».

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