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2 Les vécus de l’interne lors des annonces de décès dévoilés

2.3 Leurs paroles en codage thématique

2.3.4 Ressources : les acquis et l’apport de l’expérience

2.3.4.1 Bagage de l’interne, héritage du chemin passé.

Le Nœud le plus redondant dans le verbatim, toutes catégories confondues, est l’expression de l’ABSENCE DE FORMATION. « On est quand même assez démunie parce que justement on n’a jamais appris à le faire, qu’on n’a pas de technique (I1). Ce n’est pas évident en tant qu’interne parce qu’on n’a pas de formation, on ne nous montre pas forcément, on ne nous explique pas, on est un peu seul (I3). Ah oui je n’en ai pas parlé mais je n’avais jamais vu d’annonce de décès avant, c’était « prend le téléphone et annonce à la famille le décès », et ce n’est pas normal quoi… Je pense que la spé « annonce de décès » elle est complètement mise à part, complètement oubliée par tout ce qu’on peut apprendre au fur et à mesure de nos études (I5). Durant l’externat on est vraiment détaché. On est jamais confronté à ça ou invité à participer et au contraire peut-être que ça serait bien (I12) ».

2.3.4.2 Apprentissage, initiation par l’expérience.

Il existe alors, d’après ce que le verbatim apporte, quatre moyens d’évoluer et d’apprendre selon les internes. Le premier concept est qu’ils apprennent « SUR LE TAS ». « Non, c’est venu au feeling (I5). Cela s’est relativement bien passé même si j’apprends sur le tas, sur mes erreurs, mes erreurs que je ressens après coup (I7). Non (rire), t’apprends sur le terrain. En faisant, au final tu fais ça au feeling (I12). Sur le tas quoi… (I13). Sur le tas, (rire) comme on fait beaucoup (I14) ».

Ensuite ils utilisent l’OBSERVATION de l’équipe infirmière « Quand je vois comment les infirmières justement communiquent avec les proches, j’essaie de faire pareil (I3) » ou des co-internes le plus souvent « De façon involontaire, quand des co-internes appellent et que je suis à côté, mais pas par un

en fait. (I6) ». Ou plus rarement, du chef « J’avais vu mon chef l’avoir fait une ou deux fois un peu en retrait les mains dans le dos dans la chambre, j’essayais de m’imprégner du truc (I7) ».

Parfois ils bénéficient de CONSEILS qui semblent se faire plus rares. « En fait moi les conseils qu’on m’a dits, de plusieurs urgentistes, c’est qu’en fait c’est un peu de juger et de savoir en gros, d’essayer d’arriver à juger la personne (I7). Déjà on en avait beaucoup discuté avec mes co-internes quand on était en deuxième semestre à Xavier Arnosan (I9). Après j’avais bien demandé à ma chef si on lui apprenait au téléphone ou si je lui demandais de venir à l’hôpital (I10) ».

Et parfois ils profitent pleinement d’un peu de SOUTIEN qui dans ce verbatim est uniquement apporté par l’équipe infirmière. « Heureusement il y avait une infirmière un peu âgée qui était là (I3). Donc il y a toujours une infirmière qui est plus ou moins dans le secteur et avec laquelle on peut parler si nécessaire (I9). Je trouve que le fait d’avoir une équipe cela soutient (I12) ».

2.3.4.3 Apport de l’expérience et des vécus par l’interne.

Concernant leur évolution, les étudiants semblent s’adapter différemment. Germe de temps à autre, une nouvelle ASSURANCE, CONFIANCE : « Je suis beaucoup moins perdue, j’ai plus confiance en moi. J’ai développé des techniques (I3). On est plus sûr de soi quand on est en dernier semestre qu’en premier. Après je pense que cela s’est modifié un petit peu, j’ai dû prendre plus d’assurance (I14) ». Ils ressentent également des MODIFICATIONS EMOTIONNELLES de leurs vécus par l’acquisition d’une forme de sagesse « C’est un moment à part. L’expérience fait que… profiter est pas un bon mot mais ça reste un moment intense (I7) ». Ou de façon assez paradoxale car souvent vers une meilleure prise de conscience et donc plus de profondeur dans les vécus. « Pas forcément en bien, je pense que je me rends plus compte qu’au début, j’ai plus de prise de conscience sur ce que ça… ce que tu… (…) mais du coup ça entraine plus de souffrances de se rendre compte (I1). C’est bizarre mais je ne sais pas je suis peut-être devenu plus sensible avec l’âge (I5). Quand on est jeune on se sent plus invincible et peut être aussi qu’en médecine on grandit plus vite parce qu’on est confronté à des choses pas forcément faciles… (I12) ».

Donc par association, cela dégage plus de DISTANCIATION : « La première fois (…) je n’étais pas très bien alors que maintenant, je me rendors (I2). Je crois avoir quand même réussi à le faire et justement à m’oublier un peu (I4). On arrive à mieux le gérer émotionnellement je pense, parce qu’on en a eu plusieurs, donc au bout d’un moment c’est pas qu’on est blasé mais on apprend à faire avec quoi (I14) ». Ils racontent développer une meilleure MAITRISE DU RYTHME allant surtout vers plus de temps de pause. « J’ai l’impression que je laisse davantage de temps de parole aux familles (I6) Je suis plus serein, je prends plus le temps (I7) ».

Et une meilleure MISE A NIVEAU des interlocuteurs : « Ah, elle a utilisé un terme savant, elle sait de quoi elle parle. Et derrière en plus elle sait me l’expliquer », c’est quand même vachement bien (I6). On arrive mieux à communiquer et échanger, on a les mots peut être les plus justes, si on peut définir un mot juste… Les moins blessants et heurtants (I12) ».

Malgré ou peut-être plutôt grâce, à toute la variabilité et la complexité des vécus, on

retrouve une grande dynamique de progression, exprimée initialement par l’absence de

formation préparatoire puis par l’acquisition de processus évolutifs comme le maniement

du rythme du langage…