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Ressources génétiques pour l’amélioration de la résistance à la fusariose chez le blé dur

Le blé dur a depuis longtemps été signalé comme plus sensible à la fusariose que le blé tendre (Atanasoff 1920; Christensen et al. 1929). La plupart des cultivars de blé dur actuels présentent une haute sensibilité à la maladie. Les quelques variétés avec un niveau de résistance amélioré, issues des programmes de sélection Nord-Américains, ne présentent pas des niveaux de résistance équivalents à ceux atteints chez le blé tendre (Zhang et al. 2014). Jusqu’à présent, les progrès pour améliorer la résistance à la fusariose ont été freinés par la faible variation génétique disponible pour ce caractère au sein du germoplasme de blé dur. Le criblage d’importantes collections n’a permis l’identification que de seulement quelques variétés locales, ou landraces, avec un meilleur niveau de résistance à la fusariose (Elias et al. 2005; Talas et al. 2011; Huhn et al. 2012).

La raison pour laquelle il existe peu de sources de résistance à la fusariose chez le blé dur n’a pas encore clairement été élucidée. Une des explications avancée indique que les cultivars de blé dur actuels, issus principalement de germoplasme cultivé dans les conditions chaudes et sèches du bassin méditerranéen, n’aurait pas été exposés à des conditions de fortes pressions de la maladie (Ban et al. 2005). En outre, les investissements dans les programmes de sélection de blé dur ont été plus faibles comparé au blé tendre. Par conséquence, les variétés modernes de blé dur ont été développées à partir d’un nombre restreint de programmes de sélection, ce qui a pu mener à une base génétique plus étroite par rapport au blé tendre (Oliver et al. 2008). Enfin, différents auteurs ont suggéré l’existence de facteurs de sensibilité et/ou la présence de gènes suppresseurs dans le génome du blé dur qui affaiblirait sa résistance à la fusariose (Stack et al. 2002; Ban et al. 2005; Garvin et al. 2009; Ghavami et al. 2011). Pour faire face à ce déficit de sources de résistance, les sélectionneurs ont ciblé leurs recherches vers le criblage de matériel résistant au sein d’espèces apparentées, sauvages et cultivées, afin d’élargir la base génétique utilisable pour l’amélioration de la résistance du blé dur à la fusariose.

Le blé tendre hexaploïde a bénéficié d’intenses efforts de recherche ce qui a permis l’identification de sources de résistances issues de diverses régions du monde. Parmi celles-ci, la

102 variété de blé tendre chinois Sumai-3 confère un des plus hauts niveaux de résistance. Les tentatives de transfert de QTL de résistance identifié chez le blé tendre hexaploïde vers le blé dur tétraploïde sont gênées par les différences de niveau de ploïdie et ont eu, jusque-là, un succès limité. L’utilisation du blé tendre comme source de résistance pour le blé dur n’est pas simple. Bien que la plupart des QTL de résistance identifiés chez le blé tendre sont localisés sur les génomes A et B (Buerstmayr et al. 2009), le rôle du génome D, absent chez le blé dur, est susceptible de jouer un rôle déterminant dans la stimulation de la résistance à la fusariose (Fakhfakh et al. 2011).

Afin de pallier aux différences de ploïdie, des sources de résistance ont été criblées chez les autres espèces de blé tétraploïdes. Les espèces sauvages apparentées ont développé une large adaptation génétique aux stress biotiques et offrent un important réservoir de gènes pour l’amélioration du blé dur. Différentes études ont identifié des accessions modérément résistantes à la fusariose chez les blés tétraploïdes T. dicoccoides, T. dicoccum et T. carthlicum.

L’ancêtre du blé dur, T. dicoccoides, a été intensément étudié. Miller et al. (1998) ont criblé 290 accessions de T. dicoccoides issus de la collection de l’USDA pour leur réponse à la fusariose et ont identifié plusieurs accessions présentant des bons niveaux de résistance de type 2. (Buerstmayr et al. 2003b) ont évalué 151 lignées, originaires principalement d’Israël, et ont identifié huit accessions avec un bon niveau de résistance. De même, une large collection, comprenant 416 accessions de T. dicoccoides d’origines diverses, a été évaluée par Oliver et al. (2007). Une large variation pour la réponse à la fusariose a été signalée par les auteurs, avec plusieurs accessions possédant un haut niveau de résistance. Enfin, Oliver et al. (2008) ont criblé 376 accessions de différentes espèces de blé tétraploïde et ont identifié 16 T. carthlicum et quatre

T. dicoccum avec des niveaux de résistance à la fusariose modérés à hautement résistant. Ces

accessions de blé tétraploïde sont des sources de résistance intéressantes pour l’amélioration du

blé dur. Elles ont été jusqu’à présent peu utilisées dans les programmes de sélection. Aucune de

ces accessions n’est comparable à Sumai-3 en termes de niveaux de résistance. De plus, l’incorporation d’espèces sauvages apparentées dans les programmes de sélection de blé dur élite pose des difficultés du fait de leurs caractéristiques exotiques. Pour réduire le transfert d’allèles défavorables lors de l’introgression d’un allèle favorable (linkage drag), fréquemment rencontré lors de l’utilisation de matériel sauvage ou exotique, des techniques de substitution chromosomiques ont été utilisées pour transférer la résistance de T. dicoccoides vers le blé dur. Stack et al. (2002) ont ainsi évalué des lignées de substitution disomiques de l’accession,

modérément résistante, de T. dicoccoides Israel-A dans le fond génétique du cultivar de blé dur Langdon. Les lignées de substitution portant le chromosome 3A de T. dicoccoides présentaient des meilleurs niveaux de résistance. De la même façon, les lignées de substitution portant le chromosome 7A de l’accession de T. dicoccoides PI478742, présentaient également une meilleure résistance à la fusariose.

Les progrès réalisés en ingénierie et manipulation chromosomique ont permis l’utilisation d’espèces plus éloignées, appartenant aux pools secondaires et tertiaire du blé dur. Certaines de ces espèces, du genre Leymus, Roegneria ou Thinopyrum, sont issues de régions dont le climat est favorable à la fusariose et certaines lignées possèdent une très haute, voire une complète, résistance à la maladie (Cai et al. 2005). Elles représentent un précieux réservoir de gènes pour l’amélioration de la résistance à la fusariose. Un locus associé à la résistance a été identifié sur le chromosome 7E de T. elongatum et a été incorporé chez le blé tendre par l’utilisation de lignée de substitution et de translocation (Fu et al. 2012). Cette méthode est potentiellement utilisable également dans un fond génétique de blé dur. L’utilisation de ces espèces éloignées est toutefois entravée par leurs caractéristiques agronomiques défavorables. Une cartographie fine du locus à intégrer est en cours afin d’utiliser de manière efficace T. elongatum pour l’amélioration de la résistance à la fusariose (Chen et al. 2013). La cartographie précise des locus de résistance de ces espèces éloignées permettra l’utilisation et l’incorporation des locus associés à la résistance dans des cultivars adaptés, tout en réduisant le transfert non désiré d’allèles défavorables.

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