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5- Les ressources pour le contrôle

Dans le document Contrôle de l'activité en chimie (Page 39-45)

CHAPITRE 2 : LE CONTRÔLE DE L’ACTIVITÉ PAR LES EXPERTS

II- 5- Les ressources pour le contrôle

Les ressources cognitives dont disposent les experts ont été classées en distinguant des « savoirs » et des « pratiques ».

Quatre catégories de savoirs ont été retenues : « savoirs théoriques », « savoirs pratiques », « savoirs techniques » et « savoirs d’expérience ».

En tant que pratique, ont été distingués des « pratiques techniques », des « pratiques sociales » et des « pratiques organisationnelles ».

On été considérés comme relevant de savoirs théoriques (Sthéo) les faits, théories qui constituent les ressources pour raisonner et évaluer, mais aussi ce qui est énonçable, transmissible par le discours.

Ont été considérés comme savoirs pratiques (Spra) ce qui peut néanmoins être énoncé, mais qui ne prend sens, ne se retient, que dans la pratique.

La catégorie savoir d’expérience a été utilisée pour les items faisant explicitement référence à ce qui ne peut pas s’énoncer, ce qui doit être montré, ce qui relève d’une pratique personnelle, et ce qui fait partie des expériences particulières rencontrées, qui sont capitalisées comme ressource et qui construisent l’expertise.

Les évocations de pratiques d’instruments ( on utilise .. ) ont été notés « Pratique technique » (Ptech).

Les savoirs sur les conditions d’usage d’un appareil ou les limites de réponse ont été classés en « savoir technique » (Stech) ; ils sont parfois d’ordre théorique parfois d’ordre pratique, pas toujours facile à discerner.

Les experts évoquent parfois des « pratiques organisationnelles » (Porg) telles que l’usage d’un cahier de manipulation par exemple.

Les experts rappellent aussi que leur démarche n’est pas individuelle. Ils ont des « pratiques sociales » (Psocio) qui font partie du processus de contrôle.

 Savoirs théoriques

Ces savoirs sont principalement en jeu dans une situation d’ « extension ». Ils permettent de délimiter ce qui est plausible, acceptable :

« est ce que la valeur est correcte ... et semble raisonnable » (E1,35/2-3)

Ils sont mobilisés après un critère de reproductibilité :

« est ce que c’est reproductible… est ce que j’arrive à me faire un modèle » ( E1, 45/1-3)

Ce sont des savoirs théoriques généraux :

" donc quand on fait un matériau nouveau, là on est pas censé savoir, enfin quand même on connaît un peu de chimie…! "(E2, 24/11-12)

" On peut pas dire j’ai fait tel composé là donc je fais tel autre c’est pareil, non c’est pas pareil ... Bon y a des familles bien sûr mais euh …" (E2, 12/32-34)

"(…) je prends un exemple pas forcement dans ma recherche mais bon pour ce soit clair, donc on va tester le fluor, alors que tout est déjà connu sur le chlore, on sait que le fluor et le chlore c'est pas très loin (…)" (E1, 8/15-17)

ou des savoirs théoriques plus particuliers, fait établi et inscrit dans un raisonnement qui le rend compréhensible :

"(…) donc ben il se détruit, ça on sait !, on sait ça ! ... parce que on fait à l'air, on sait que ce composé va se détruire (…)" (E2, 6/41-44)

des savoirs théoriques articulés à des appareils de détection :

"Donc comment est-ce qu’on s’en aperçoit, ben tout simplement parce que, c’est en RMN ... on s'attend .. c'est à dire, on sait déjà presque à l'avance, on connaît presque les signaux qu'on va voir tout simplement parce que la structure de notre molécule est telle qu’on sait que tel pic, tel proton va résonner à tel endroit, a telle forme et donc finalement on sait déjà à l'avance presque les spectres qu'on va voir ... "(E3, 20/2-7)

" ce qu’on appelle diffractogramme … leur fiche d’identité quoi, avec les raies qu'on connaît…. "(E2, 24/37-38)

 Savoirs pratiques

Les savoirs pratiques ne sont pas issus de la théorie, même s’ils peuvent s’y inscrire.

Ils fonctionnent dans tous les cas de situation, mais sont particulièrement présents dans de situations de « reproduction » :

"Ça dépend du type d’expérience ! quand c’est une expérience de … disons de routine, on a des références, donc on sait que quelque chose est allé de travers …" (E1, 8/1-3)

"… bien que ce soit des manips originales, dans un sens qu'on n’a jamais fait, on a quand même des points de référence, des manips proches." (E1, 8/19-20)

C’est ce qu’il faut connaître pour « suivre » un protocole opératoire avec quelque chance de réussite :

"La chromatographie couche mince, je vous ai dit, il faut le faire proprement ! Bien déposer ces taches, pas très près des bords, par très loin, (E5, 58/1-2)

"… par exemple quand on fait un étalonnage ... on sait très bien que on doit obtenir tel potentiel (…)"(E1, 8/6-7)

"…c'est extrêmement sensible au pH, et malheureusement il faut en mettre beaucoup, et je ne connais aucun bouquin qui dit qu'il faut mettre beaucoup de tampon ! "(E4, 36/36-37)

" On broie..dans un mortier rond, on fait un angle à … » (E2, 42/9)

"et je ne savais pas à l'époque que dans le dichlorométhane que j'utilisais, même distillé, y avait des traces d'éthanol …y avait une impureté à l'état de trace, mais qui réagissait très fort avec mon produit ! " (E5, 26, 4-10)

 Savoirs d’expérience

Les experts disent : « ça s’acquiert au cours du temps », « ça ne s’apprend pas », « ça fait

partie des gens, ça s’explique pas », " c’est la pratique qu’on a acquise au cours des années d’expérience."

Ce sont des savoirs qui sont souvent utiles dans le contrôle a posteriori en cas de panne, d’écart entre ce qui est attendu et ce qui est obtenu.

C’est ce qu’on a déjà rencontré mais qui n’est pas habituel donc qui peut être distingué des savoirs pratiques :

"Par exemple en RMN (…) on trouvera toujours un pic à telle position et ça peut provenir du fait que juste à côté y a une radio, donc des ondes de radio qui interfèrent avec notre onde à nous finalement, par exemple un poste de radio musique tout bête " (E3, 18/9-16)

c’est ce qui marque parce que c’est une expérience vécue :

" et ben quelqu’un qui a de l’expérience il va dire : « t’as pas branché ton électrode derrière le voltmètre » ... quelqu’un qui n’a pas l’habitude il va dire « eh bien je comprends pas, ça ne marche pas » euh. voilà c’est un peu ce genre de choses qui permet de vérifier pourquoi ça ne marche pas, ça s’apprend pas… » (E1, 23/3-6) "alors que nous, on a déjà eu ce problème, donc on sait d’où ça vient "(E1, 121/4) "… Si vous voyez dans un ballon du rouge et de la fumée, il faut vite, sans attendre, arrêter la manip et en discuter après. En chimie, il y a beaucoup de risques ! "(E4, 40/12-15)

"certaines de ces manips de complexiométrie au moment où le pH change, dans le milieu basique ou acide, alors il y a un tout petit changement de couleur (…) quand on sait pas faire, on se dit : ah on est au virage ! mais ce n'est pas du tout la fin du dosage ! ce n'est pas la fin de la manip. Cela est très intéressant, une fois que vous la connaissez bien. "(E4, 36/44-51)

"… Il y avait un liquide et puis il y avait une espèce de flotte blanche sur le récipient. Ça ne ressemblait pas du tout à un savon. "(E4, 16/9-10)

" … rien qu'à voir, c'est une pastille qui est bleu ou là elle a gardé la même couleur ça a pas bougé, rien qu'à la vue (…)"(E2, 26/3-5)

 Pratique technique

L’ensemble des experts en chimie organique évoquent les méthodes de caractérisation et des instruments qu’ils utilisent pour contrôler l’évolution :

" je l’ai pesé pour voir s’il y a une évolution dans la masse du composé, c’est pour ça que je vous disais l'autre fois il ne s'est rien passé, je le pesais avant, je le pesais après : rien du tout, et là je le vois "(E2, 6/21-23)

ou pour identifier un produit :

" En chimie organique tu as toujours des carbones, des hydrogènes quelque part, tu auras toujours un spectre d’RMN ... tu auras toujours au moins ça de base, à partir de là, tu n’auras peut-être pas le produit attendu ! " (E1, 58/1-3)

"Ben c'est simple, moi je suis dans le domaine de la synthèse, donc on fait des synthèses des molécules, ensuite on prouve leur structure ... prouver la structure y a plusieurs techniques ... notamment spectroscopiques ... donc une ultravisible, une infrarouge, notamment la RMN, les rayons X, les co-RMN, "(E3, 10/1-4)

"L'infrarouge, la résonance magnétique nucléaire, la spectrométrie de masse, l'analyse élémentaire ... tout ça permet de connaître la structure du produit ... " (E6, 16/1-2)

" par exemple on fait de la croissance de monocristaux, on sait si ça marche, là c’est une technique qu’on a ... ça se voit, ça c’est rare, c’est étonnant, on voit ce qui se passe ... " (E2, 8/7-10)

 Savoir technique

Ces savoirs ont trait aux appareils et permettent d’optimiser leur utilisation.

C'est la distinction entre savoir "comment ça marche ?" et savoir "comment faire marcher ?" (De Montmollin, 1991)

Les précautions pour le bon usage des appareils :

" Dans l’ idéal ce sera d’utiliser une thermo-balance, mais on en a bien une mais elle peut pas, elle fonctionne pas sous ce mélange barbare de monoxyde et dioxyde de carbone… " (E2, 28/58-60)

" Ça n’arrive pas qu’on dise, ça mais non ton truc, tu me dis qu’il a telle formule, il est corrosif mais et moi je ne veux pas le passer dans ma RMN parce que ça va tout foutre en l’air "(E1, 59/1-2)

Les limites de détection :

" Par exemple, je vous ai dit on fait des analyses de rayons X pour vérifier la pureté, enfin si on a un composé obtenu ... mais ça donne un résultat jusqu’à un certain pourcentage ... Il peut y avoir des impuretés qu’on voit pas aux rayons X, j’appelle impureté soit une phase parasite, soit effectivement des trucs en plus qui sont / ... et c’est on verra pas. "(E2, 32/18-22)

« J’ai une électrode qui sait repérer le C12 et le C14, mais pas spécifiquement… » (E1,61/10-11)

 Pratiques sociales

Discussion avec les collègues :

"… et puis il fallait bien savoir d'où ça venait, après ça, j'ai été voir des collègues, je me suis renseigné sur les différentes impuretés qu’il pourrait y avoir, "(E5, 28/4-6)

Via la bibliographie :

« ... Donc la communauté scientifique va être au courant et puis des gens qui travaillent sur le même genre du sujet, avec qui on est en échange ... c'est pas un truc complètement isolé ... (…) ben c'est un contrôle lointain mais c'est un contrôle aussi ... sur la réalité de ce qu'on observe (…)"E2, 32/106-112)

Pour chercher des raisons d’un « échec » :

"(…) bon ben on n'a pas finalement ce produit là ... on a obtenu autre chose, on se pose la question pourquoi, qu'est-ce qui a fait que \ donc on va voir par rapport à la biblio qu'il y a eu dessus (…)"(E1, 9/3-6)

ou pour transformer son échec en réussite :

"C'est pas mal si ce composé n'est pas connu ... Ou bien si la méthode pour l'obtenir est très facile par rapport au produit connu ... donc ce qu'on va faire dans la bibliographie, on va / regarder si ce produit est connu ou pas ... "(E6, 24/4-7)

in fine c’est la communauté scientifique qui validera ( Latour 1996) :

"Finalement bon on arrive effectivement à ce que les chimistes se mettent presque d'accord, tout ça finalement une espèce de consensus qui nous permet d'avancer comme hypothèse (…)l'ensemble de la communauté scientifique donc la chimie en l'occurrence soit d'accord pour dire ben voilà c'est de passer par tel chemin. " (E3, 22/37-40)

 Pratique organisationnelle

Les cahiers de manipulation permettent de vérifier certains points notés :

" on essaie d’être bien soigneux quand on manipule, on marque tout sur son petit cahier"(E1, 27/5-6)

" Oui, pour savoir s’il y a eu une erreur ... des fois en lisant le cahier on voit j’ai pesé 100 g, j’ai pesé 10 g ; ben voilà l’erreur est trouvée ! ... " (E1, 29/1-2)

Dans le document Contrôle de l'activité en chimie (Page 39-45)