• Aucun résultat trouvé

Chapitre 3 : la Responsabilité sociale des entreprises

3.2 Responsabilité sociétale des entreprises : origine et définition

La montée en flèche du concept de RSE a fait couler beaucoup d’encre dans la littérature, pendant plusieurs années. Plusieurs définitions lui sont attribuées et plusieurs points de vue sont, ici, présentés.

Les questions fondamentales en matière de responsabilité sociétale d’une entreprise sont aussi anciennes que l’entreprise elle-même mais, constituent jusqu’à nos jours un sujet de débat (Crane et al. 2008).

La RSE a été évoquée pour la première fois par Clark en 1926, dans ses monographies où il signale que l’entreprise a des obligations envers la société. En 1932, Berle publia le premier article discutant de la RSE ; ce dernier s’attarde sur la responsabilité des gestionnaires de fournir « la sécurité, la protection et les moyens de subsistance à ceux qui sont incapables de survivre dans les conditions normales de travail ou du commerce » (Berle, 1932, p 34). D’autres anciennes monographies comportent Barnard (1938) et Kreps (1940) qui contribuent à leur tour à introduire les responsabilités sociales parmi les obligations des entreprises.

Dans les années 1950, la RSE fait l’objet d’une élaboration théorique chez plusieurs chercheurs. Bowen (1953, p.6) définit les responsabilités sociales comme étant « les obligations des gestionnaires de poursuivre les politiques, prendre les décisions ou suivre les

lignes d’actions qui servent les objectifs et les valeurs de notre société ». Quelques années plus tard, Heald (1957, p 375), un autre expert en RSE de la même époque, affirme que: « la direction qui reconnaît son obligation envers la société aide non seulement à atteindre un rendement économique maximal mais aussi, à mettre en place des politiques sociales humanitaires et constructives ».

Dans les années 1960, les recherches se poursuivent pour trouver une définition commune pour le concept de RSE. Davis, l’un des plus grands écrivains de l’époque, affirme que

la RSE se définit par les décisions des gestionnaires et leurs actions qui vont au-delà des intérêts directs, économiques et techniques, de l’entreprise (Davis, 1960).

De même, William C. Frederick, l’un des principaux chercheurs en matière de responsabilité sociale dit :

« La responsabilité sociale signifie que les gestionnaires doivent surveiller le fonctionnement du système économique qui répond aux attentes du public. Cela signifie que les moyens économiques de production doivent être utilisés de sorte que la production et la distribution servent à renforcer le bien-être socio-économique » (Frederick, 1960, p.61).

Au début des années 1970, Milton Friedman, avance un point de vue différent pour définir la RS :

« Il existe uniquement une seule responsabilité sociale de l’entreprise qui n’est autre

qu’utiliser ses ressources et les engager dans des activités destinées à accroître les profits, tout

en respectant les règles du jeu, c’est-à-dire rester dans le cadre d’une compétition ouverte et libre sans déception ni fraude » (Friedman 1970, Pages 32, 33, 122, 126). Par la suite, Sethi (1975) met le point sur les dimensions de la performance sociale des entreprises ; il distingue entre le comportement qu’on nomme « obligation sociale », « responsabilité sociale » et la « réactivité sociale ». Durant la même année, Preston et Post (1975) continuent à détourner l’attention accordée au concept de RSE, vers une notion de responsabilité publique.

A la fin de cette décennie, en 1979, Carroll avance une célèbre définition de la RSE qui pave la voie aux recherches pertinentes :

« La responsabilité sociale des entreprises répond à toutes les attentes économiques, juridiques, éthiques et discrétionnaires, envisagées par la société à un moment donné » (Carroll, 1979, p.608).

Les définitions de la RSE ont bien progressé durant les années 1970. Au cours de cette période, les hommes d’affaires étaient fortement impliqués dans la philanthropie d’entreprise et les relations communautaires. Durant cette même période, quatre aspects de performance sociale émergent et deviennent bien connus : la responsabilité sociale, la comptabilité sociale, les indicateurs sociaux et l’audit social (Backman 1975).

En 1980, Thomas M. Jones ajoute aux définitions de la RSE une perspective intéressante :

« la RSE consiste en une obligation et un devoir que doit accomplir l’entreprise envers

les groupes constitutifs de la société, outre les actionnaires, dépassant ceux prescrits par la loi et la convention collective. Pourtant, cette définition présente deux facettes qui pourraient être critiquées. Premièrement, une obligation doit être volontaire tandis que les conduites influencées par la contrainte de la loi et de la convention collective ne sont pas volontaires. Deuxièmement, l’obligation est large et doit cibler les parties prenantes internes et externes

comme les clients, les salariés, les fournisseurs et les communautés voisines » (Jones, 1980 p. 67).

En 1983, Carroll (p.505) formule une différente définition de la responsabilité sociétale des entreprises :

« la RSE est une conduite de l’entreprise qui intègre le profit économique, le respect des lois, la morale et le support social. La rentabilité et la légalité sont donc les conditions de base pour une entreprise pour assumer sa responsabilité sociale. D’où les quatre facettes de la RSE : économique, légale, éthique et volontaire ou philanthropique ».

Une année plus tard, Freeman (1984) avance sa célèbre théorie des parties prenantes et apporte ainsi une nouvelle dimension à la littérature consacrée aux entreprises. Selon lui, les parties prenantes comportent les clients, les concurrents, les associations commerciales, les médias, les écologistes, les fournisseurs, le gouvernement, les avocats des consommateurs, les communautés locales et le milieu des affaires, qui doivent participer activement à la mise en place du concept de RSE.

Dans les années 1980, la relation entre la RSE et la rentabilité est mise en relief : la RSE renforce la réputation des entreprises ce qui accroît la loyauté de leurs produits et services et par conséquent, la rentabilité. (Al Am, 2016)

Ensuite, au cours des années 1990, de nouvelles définitions de la RSE émergent. Elkington introduit le principe du triple résultat (triple bottom-line) qui évalue la performance de l’entreprise sous trois angles : social (personnes), environnemental (planète) et économique (profit). Ce concept a été largement adopté dans le monde des entreprises. Durant cette même décennie, Carroll (1983) contribue au développement du concept RSE ; il ajoute le mot philanthropique à sa définition et l’illustre en forme de pyramide à base économique.

Au commencement du 21ème siècle, apparaît une nouvelle dimension de la RSE. Pour la Commission Européenne (2002, p. 347), la RSE présente des relations étroites entre l’entreprise et la société :

« la RSE est un concept dans lequel les entreprises intègrent les préoccupations sociales et environnementales dans leurs activités et dans leurs interactions avec leurs parties prenantes, sur une base volontaire ».

Le conseil mondial des entreprises pour le développement durable (World Business Council for Sustainable Development, 2008, p.34) définit la RSE comme étant : « l’engagement des entreprises à adopter des comportements éthiques et à contribuer au développement économique tout en améliorant la qualité de vie des employés, de leurs familles ainsi que de la communauté locale et de la société dans son ensemble ».

A son tour, Dahlsrud (2008) affirme que malgré la diversité des définitions avancées de la RSE, elles se réfèrent toutes à cinq dimensions :

a. Economique, socio-économique

b. Sociale, la relation entre l’économie et la société. c. Environnementale, l’environnement naturel d. Volontaire, activités non prescrites par la loi

e. Parties prenantes, la relation avec les parties prenantes ou les groupes de parties prenantes.

Le 21ème siècle correspond à l’époque de diffusion de l’industrie de la RSE, vu que de grandes entreprises ouvrent des départements spécialisés et embauchent des directeurs et des consultants spécialisés en RSE. Les universités tiennent des conférences à ce sujet et les chercheurs contribuent à une nouvelle littérature consacrée à la responsabilité sociale des entreprises. De nombreux ouvrages et articles de journaux traitent du même sujet.

La communauté s’intéresse désormais à faire le rapport entre ce que pensent les entreprises de leur responsabilité sociale et ce qu’elles font pratiquement.

Selon Phillip Kotler et Nancy Lee (Kotler & Lee, 2005), toutes les définitions déjà mentionnées pourraient être groupées en deux grandes catégories : « l’approche traditionnelle » et « la nouvelle approche ». Les entreprises ne considèrent plus que la RSE soit une obligation mais plutôt, un outil stratégique.

L’approche traditionnelle couvre les définitions qui se rapportent à une obligation, avant les années 1990. Les entreprises adoptaient cette approche pour la seule cause qu’elle leur procurait une place dans le marché. Elles ne le faisaient pas car elles s’intéressaient au bien- être de la société mais, dans le but de construire leur image corporative. Les engagements étaient à court-terme, ce qui aidait à répartir les richesses entre les entreprises au cours des années. La direction de l’entreprise choisissait les initiatives qui reflétaient ses désirs et ses préférences au lieu de supporter ses buts stratégiques.

La nouvelle approche émerge au début des années 1990, quand la RSE n’est plus conçue comme obligatoire, mais devient un outil stratégique visant à renforcer les activités de promotion de l’entreprise et donc, à améliorer son image et sa réputation et contribuer à la réalisation de ses objectifs. Dans ce cas, tout le monde est gagnant, puisque l’entreprise réussit à construire une bonne réputation tout en faisant le bien de la société.