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3. HTAP : PHYSIOPATHOLOGIE CELLULAIRE ET MOLÉCULAIRE

3.3 P HÉNOTYPES CANCÉREUX

3.3.3 Reprogrammation métabolique

Les mitochondries sont de véritables centrales énergétiques pour la cellule. À partir des composés issus des voies métaboliques de la glycolyse et de la b-oxydation, elles génèrent du pouvoir réducteur (au cours du cycle de Krebs) qu’elles utilisent pour produire l’énergie cellulaire sous forme d’ATP via la chaine de transporteurs d’électrons.

Les mitochondries sont également les senseurs métaboliques qui reçoivent les signaux de « santé de la cellule » et qui décident de la survie cellulaire, en produisant de l’énergie, ou de la mort cellulaire par apoptose112. L’apoptose peut être un moyen de préserver les réserves énergétiques

quand la demande des cellules prolifératives excédent les apports, mais aussi de préserver la descendance des dommages à l’ADN causés par le stress oxydatif. Ainsi, la résistance à l’apoptose dépendante des mitochondries offre un moyen de survie aux cellules prolifératives indépendamment des apports énergétiques et des dommages.

La glycolyse est une succession de réactions d’oxydoréductions qui aboutissent à la formation d’ATP et de pyruvate. Le pyruvate issu de la glycolyse est transporté dans les mitochondries pour y être transformé en acetyl-coA par la pyruvate dehydrogenase. L’acetyl-coA entre ensuite dans le cycle de Krebs qui génère des donneurs d’électrons (NADH, FADH2) qui seront utilisés par la chaine de transporteurs d’électrons afin de créer un gradient de protons, nécessaire à la production

d’ATP par l’ATP synthase. Ce phénomène est appelé respiration cellulaire ou oxydation du glucose. Dans les cellules saines, les molécules d’ATP proviennent majoritairement de la phosphorylation oxydative (production d’ATP dans la mitochondrie via la chaine de transporteurs d’électrons) alors que les cellules cancéreuses ont pour caractéristique de produire l’ATP via la glycolyse aérobie. Ce changement métabolique en faveur de la glycolyse, décrit par Otto Warburg (d’où le nom effet Warburg), permet à la cellule de produire beaucoup d’énergie sans solliciter la mitochondrie et ainsi échapper à l’apoptose induite par la mitochondrie en plus de stimuler la progression du cycle cellulaire. La glycolyse ayant un rendement plus faible que la phosphorylation oxydative en termes de production de molécules d’ATP, les cellules cancéreuses consomment des taux plus importants de glucose pour atteindre le même niveau d’énergie qu’une cellule saine89,113.

Cet effet Warburg associé à une consommation plus importante de glucose est aussi caractéristique des CMLAP et fibroblastes dans l’HTAP114,115. Plusieurs autres phénomènes participent à la

reprogrammation métabolique, notamment l’hyperpolarisation mitochondriale et l’inhibition de la la pyruvate dehydrogenase. Il a été démontré chez l’homme et le rat qui développaient de l’HTAP qu’il y avait une hyperpolarisation des mitochondries associée à une diminution de ROS116,117, de

la protéine SOD2 (ou MnSOD : superoxide dismutase, une enzyme responsable de la détoxification et notamment de l’élimination des ROS en générant des médiateurs redox diffusibles comme H2O2118) et une augmentation de l’activation des facteurs de transcription HIF-1 et NFAT, connus

pour être impliqués en HTAP dans l’inhibition de l’ouverture des canaux potassiques Kv1.5, l’induction de la glycolyse et dans la prolifération cellulaire103,119,120. Ces trois évènements ont pour

effet de supprimer l’apoptose. L’hyperpolarisation mitochondriale diminue l’insertion membranaire et l’ouverture de pores de perméabilité mitochondriale voltage dépendant à travers desquelles les médiateurs pré-apoptotiques fuient vers le cytoplasme pour induire l’apoptose. Il a été découvert que l’inhibition génétique ou pharmacologique de la « malonyl-coenzyne A (CoA) décarboxylase » supprime l’oxydation des acides gras ce qui favorise l’oxydation du glucose et empêche le passage du métabolisme vers la glycolyse121. Les modulateurs métaboliques

cliniquement utilisés pour imiter les effets du manque de Malonyl-coenzyme A décarboxylase permettent de renverser l’HTAP chez le rat et la souris monocrotaline (MCT : modèles murins d’HTAP, voir section matériel et méthode) et hypoxique via la libération des canaux Kv1.5 par l’inhibition d’NFAT, ce qui a pour effet de réduire la résistance à l’apoptose des CMLAP HTAP121.

la suppression de l’oxydation des acides gras permet de favoriser l’oxydation du glucose vis-à-vis de la glycolyse et ainsi renverser l’hyperpolarisation des mitochondries et favorise l’apoptose mitochondriale. Cet effet s’explique également par le fait que l’oxydation des acides gras inhibe la la pyruvate dehydrogenase , orientant ainsi le métabolisme vers la glycolyse. Or, l’inhibition de la Malonyl-coenzyme A (CoA) décarboxylase permet également de lever l’inhibition de la la pyruvate dehydrogenase ce qui permet à la cellule de se réorienter vers l’ oxydation du glucose. Dans les artères pulmonaires de patients HTAP il a été démontré qu’il y avait une augmentation de la kinase pyruvate dehydrogenase kinase dont la fonction est de rendre inactive la la pyruvate dehydrogenase provoquant ainsi le changement métabolique, l’hyperpolarisation mitochondriale, la survie par résistance à l’apoptose. Le dichloroacétate, permet de bloquer l’activité kinase de la Pyruvate dehydrogenase kinase et ainsi de lever l’inhibition de la la pyruvate dehydrogenase. Son utilisation a démontré une amélioration des paramètres hémodynamique chez l’Homme (diminution de la PAPm, des TPR, de l’hypertrophie cardiaque et de l’épaisseur médiale de l’AP) ainsi que dans deux modèles de rats122,123. D’un point de vue cellulaire, McMurtry et al ont

démontré que dans les CMLAP HTAP le dichloroacétate permet la dépolarisation des mitochondries et provoque la libération de médiateurs redox (H2O2) et du cytochrome c, ce qui

diminue la prolifération et augmente l’apoptose d’un facteur 10124.

Plus récemment, l’importance du rôle des mitochondries dans le remodelage vasculaire fut à nouveau mise en évidence. L’accumulation dans les mitochondries de la protéine chaperonne HSP90, connue pour être augmentée dans les CMALP HTAP125,126, augmente la survie cellulaire

en préservant les fonctions bioénergétiques et l’intégrité de l’ADN mitochondriale. L’utilisation du gamitrinib un inhibiteur d’HSP90 la ciblant uniquement dans les mitochondries, améliore la maladie dans deux modèles de rats127 démontrant ainsi le rôle pathologique de cette protéine

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