E.1 Cadre g´ en´ eral
E.1.2 Les repr´ esentations irr´ eductibles du groupe sym´ etrique
Soit n ∈ N∗
Lien avec les partitions d’entiers Une partition de n est un r-uplet d’entiers λ = (λ1, . . . , λr)
tels que : r X i=1 λi= n et λ1> . . . > λr> 1 On note λ ` n.
Une permutation σ ∈ Sn se d´ecompose de mani`ere unique en produit de r cycles `a supports dis-
joints (on prend en compte les points fixes). Si on les ordonne par taille de support d´ecroissante, le r-uplet des tailles des cycles est alors une partition de n. On l’appelle la structure de cycles de σ.
On peut alors montrer que deux permutations σ1, σ2∈ Snsont conjugu´ees ssi elles ont la mˆeme
E.1. CADRE G ´EN ´ERAL 173 Ainsi, l’ensemble des classes de conjugaison de Snest en bijection avec l’ensemble des partitions
de n {λ ` n}. On note p(n) son cardinal.
Un r´esultat classique de la th´eorie des repr´esentations de groupes dit que le nombre de repr´esentations irr´eductibles (ou pour ˆetre plus pr´ecis de classes d’´equivalence de repr´esentations irr´eductibles) d’un groupe G est ´egal au nombre de ses classes de conjugaison.
Ainsi, Sn admet p(n) repr´esentations irr´eductibles et on peut les indexer par les partitions de
n. On note Rn l’ensemble des repr´esentations irr´eductibles de Sn.
L’objectif est double :
• D´ecrire les repr´esentations irr´eductibles • Les ordonner
Partitions d’entiers et tableaux de Young Une partition λ de n se repr´esente par un di- agramme de Young :
Comme λ est une partition de n, le diagramme a exactement n cases.
Un tableau de Young de forme λ, encore appel´e λ-tableau, est le diagramme de Young de λ rempli avec les nombres 1, 2, ..., n. On note T (λ) l’ensemble des λ-tableaux. On a clairement |T (λ)| = n!.
Un tableau de Young standard est un tableau de Young dont les entr´ees sont (strictement) croissantes au sein des lignes (de gauche `a droite) et des colonnes (de haut en bas). On note T S(λ) l’ensemble des λ-tableaux standards.
Un tableau de Young semistandard est un diagramme de Young rempli avec des entiers > 1 de mani`ere croissante au sein d’une ligne et strictement croissante au sein d’une colonne. Un tableau de Young semistandard de type µ = (µ1, µ2, ..., µs) (de forme λ) est un tableau
semistandard (de forme λ) qui contient µifois le nombre i, pour i = 1, ..., s.
Pour deux partitions de n λ = (λ1, . . . , λr) et µ = (µ1, µ2, ..., µs), on d´efinit la relation d’ordre :
λ D µ si ∀j ∈ {1, ..., min(r, s)} , j X i=1 λi6 j X i=1 µi
(Attention la convention n’est pas prise ici dans le mˆeme sens que dans Diaconis). Elle d´efinit un ordre partiel sur {λ ` n}.
On note λ B µ si λ D µ et λ 6= µ.
On appelle nombre de Kostka-λµ, not´e Kλµ, le nombre de tableaux semistandards de forme λ
et de type µ. On a alors :
Action de Snsur les tableaux de Young Snagit naturellement sur {1, ..., n} par σ·i = σ(i).
Cette action s’´etend canoniquement aux parties de {1, ..., n} `a k ´el´ements par : σ · {i1, ..., ik} = {σ (i1) , ..., σ (ik)}
ou encore aux k-uplets par :
σ · (i1, ..., ik) = (σ (i1) , ..., σ (ik))
On peut en fait g´en´eraliser l’approche. On fixe λ ` n.
On dit que deux λ-tableaux t1, t2sont ´equivalents si chaque ligne de t1 contient les mˆemes nom-
bres que la ligne de t2 correspondante.
Une classe d’´equivalence pour cette relation s’appelle un λ-tablo¨ıde. On note T (λ) l’ensemble des λ-tablo¨ıdes. Un ´el´ement t ∈ T (λ) peut se voir comme un λ-tableau dont les entr´ees des lignes ne sont pas ordonn´ees.
On voit facilement que |T (λ) | = n! λ1!...λr!
Dans le cas de certaines partitions λ, on peut interpr´eter les t ∈ T (λ) de mani`ere simple : • Si λ = (n − k, k), T (λ) est en bijection avec les parties de {1, ..., n} `a k ´el´ements en
associant `a t la partie constitu´ee des ´el´ements de sa deuxi`eme ligne.
• Si λ = n − k, 1k, T (λ) est en bijection avec les k-uplets de {1, ..., n} `a k ´el´ements en
associant `a t le k-uplet form´e des ´el´ements de chacune de ses lignes except´e la premi`ere. Dans le cas g´en´eral, T (λ) est en bijection avec l’ensemble des partitions de {1, ..., n} en r parties de cardinaux λ1, λ2, . . . λr.
Maintenant, l’action de Sn sur {1, ..., n} s’´etend aussi naturellement sur T (λ) (c’est donc une
g´en´eralisation de l’approche pr´ec´edente). On note Mλ= {f : T (λ) → C}.
Il est engendr´e par les fonctions indicatrices de chaque λ-tablo¨ıde δt. On consid`ere alors l’action r´eguli`ere de Sn sur T (λ), not´ee ρλ :
ρλ(σ)δt= δσ·t i.e. (ρλ(σ)f ) t = f σ−1· t
Les repr´esentations irr´eductibles de Sn : les modules de Specht Soit λ ` n et t ∈ T (λ)
un λ-tableau.
On note Ctle sous-groupe de Sn constitu´e des permutations qui laissent stable les colonnes de
t (en autorisant un r´eordonnement).
On d´efinit le polytablo¨ıde associ´e `a t comme l’´el´ement et∈ Mλ:
et= X σ∈Ct ε(σ)δσ·t= X σ∈Ct ε(σ)ρλ(σ) ! (δt) = X σ∈Sn (ε1Ct) (σ)ρλ(σ) ! (δt)
On d´efinit le module de Specht Sλ= V ect {e
t| t ∈ T (λ)} .
Alors, un des r´esultats principaux de la th´eorie des repr´esentations du groupe sym´etrique assure que les Sλ sont des repr´esentations irr´eductibles in´equivalentes de S
E.1. CADRE G ´EN ´ERAL 175 Ainsi, on a r´eussi `a d´ecrire toutes les repr´esentations irr´eductibles de Sn en les indexant
automatiquement par les partitions de n. On peut d´ecrire les espaces Sλun peu plus pr´ecis´ement
: {et | t ∈ T S(λ)} est une base de Sλ. Ainsi :
dim Sλ= |T S(λ)|
Il se trouve qu’on dispose de deux formules pour calculer ce nombre. La formule d´eterminantale : dim Sλ= n! det 1 (λi− i + j)! 16i,j6r avec 1 k! = 0 si k < 0
Et la formule des ´equerres. Pour cela, on d´efinit, pour u une case du λ-diagramme (on note u ∈ λ), son ´equerre comme l’ensemble des cases `a sa droite et en-dessous (elle y compris). Le nombre de cases dans l’´equerre est appel´e la longueur d’´equerre de u, on la note hλ(u). On a
alors :
dim Sλ=Q n!
u∈λhλ(u)
Ordonner les repr´esentations irr´eductibles Jusque-l`a, nous avons r´eussi `a d´ecrire les repr´esentations irr´eductibles de Sn en les indexant par les partitions de n. Par ailleurs, nous
avons d´efinit un ordre partiel sur ces partitions de n. Nous allons donc voir comment on peut interpr´eter l’ordre sur les espaces Sλ. Nous allons nous appuyer sur un th´eor`eme, appel´e la r`egle
de Young :
Mµ'M
λ ` n
KλµSλ
Or, nous avons vu que Kλµ 6= 0 ⇔ λ E µ et Kλλ = 1. On peut donc r´e´ecrire la r`egle de
Young :
Mµ' Sµ⊕M
λ C µ
KλµSλ
On a donc : M(n)= S(n) M(n−1,1)' S(n)⊕ S(n−1,1) M(n−2,2)' S(n)⊕ S(n−1,1)⊕ S(n−2,2) M(n−3,3)' S(n)⊕ S(n−1,1)⊕ S(n−2,2)⊕ S(n−3,3) M(n−2,1,1)' S(n)⊕ 2S(n−1,1)⊕ S(n−2,2)⊕ S(n−2,1,1) M(n−4,4)' S(n)⊕ S(n−1,1)⊕ S(n−2,2)⊕ S(n−3,3)⊕ S(n−4,4) M(n−3,2,1)' S(n)⊕ 2S(n−1,1)⊕ 2S(n−2,2)⊕ S(n−2,1,1)⊕ S(n−3,2,1)
On peut donc ´ecrire :
M(n)= S(n) M(n−1,1)' M(n)⊕ S(n−1,1) M(n−2,2)' M(n−1,1)⊕ S(n−2,2) M(n−3,3)' M(n−2,2)⊕ S(n−3,3) M(n−2,1,1)' M(n−2,2)⊕ S(n−1,1)⊕ S(n−2,1,1) M(n−4,4)' M(n−3,3)⊕ S(n−4,4) M(n−3,2,1)' M(n−2,1,1)⊕ S(n−2,2)⊕ S(n−3,2,1)
Ainsi, on obtient le mˆeme diagramme pour les inclusions des espaces Mλ que pour la rela-
tion d’ordre des partitions de n. De plus, la “diff´erence” entre deux espaces Mλ comparables
s’exprime en fonctions d’espaces Sλ.