• Aucun résultat trouvé

1 LES INCLUSIONS MAGMATIQUES

1.2.2 Représentativité des liquides piégés en fonction de leur mode de piégeage. piégeage

Les inclusions magmatiques primaires piègent le liquide silicaté à partir duquel l’olivine hôte a cristallisé. Ce liquide est donc théoriquement à l’équilibre thermodynamique avec l’olivine hôte. Cependant plusieurs études ont montré qu’il existait, autour du cristal en cours de croissance, une zone hors équilibre, enrichie en éléments incompatibles dans ce cristal et ayant une faible vitesse de diffusion (éléments tels que Al, P ou Cl dans le cas d’une olivine ; Albarède et Bottinga, 1972 ; Watson et al., 1982 ; Watson, 1996). Si cette zone, appelée « couche limite », est piégée dans l’inclusion, alors la composition de l’inclusion ne sera pas représentative de celle du magma parent. Kuzmin et Sobolev (2003) ont montré que seules les inclusions inférieures à 15 µm seraient affectées par ce déséquilibre. Une étude plus récente (Baker, 2008 ; pour des inclusions dans des pyroxènes et des plagioclases) montre que cette couche limite existe pour 20

Chapitre 1. Les inclusions magmatiques

tout élément dont la vitesse de diffusion est trois fois inférieure à la vitesse de croissance du minéral hôte. La représentativité des liquides piégés lors des études expérimentales a été décrite dans les trois études expérimentales suivantes :

- Goldstein et Luth, 2006 : La composition des inclusions a été modifiée par la

cristallisation d’olivine aux parois de l’inclusion pendant la trempe. Même si les compositions mesurées dans les inclusions sont proches de celle du liquide parent, il est difficile de juger la représentativité des liquides piégés dans ces conditions.

- Kohut et Nielsen, 2004 : Leurs résultats montrent que les inclusions formées dans les

expériences avec palier de température ont des compositions identiques à celles du verre matriciel, indépendamment de la taille de l’inclusion (Fig. 1.05a). Les cristaux développent des morphologies dendritiques lors de la phase de croissance rapide contrôlée par la diffusion. Les cavités présentes entre les excroissances dendritiques sont ensuite scellées lors de la phase de croissance lente et à l’équilibre (au cours du palier en température), permettant la croissance selon une morphologie tabulaire (Fig. 1.04d). Cette deuxième phase de croissance lente est contrôlée par des processus d’interface et permet d’homogénéiser la couche limite formée lors de la première phase de croissance rapide, et ce avant que l’inclusion soit scellée. Donc la succession d’une phase de croissance rapide suivie d’une phase de croissance à température constante permet la formation d’inclusions magmatiques primaires représentatives du magma parent.

- Faure et Schiano, 2005 : Contrairement aux expériences de Kohut et Nielsen (2004),

les inclusions ont été formées aussi bien lors d’une croissance rapide que d’une croissance lente. Cette étude a permis de contraindre les conditions de croissance dans lesquelles l’équilibre thermodynamique entre l’olivine et l’inclusion était atteint, et a montré qu’il existait un lien entre la représentativité des inclusions primaires et la morphologie de leurs olivines hôtes (Fig. 1.04a, b, c ; Fig. 1.05b). Les olivines dendritiques et squelettiques se forment par croissance rapide (supérieure à la vitesse d’incorporation des éléments dans l’olivine) liée à un refroidissement rapide, principalement contrôlée par la diffusion. Les inclusions formées présentent des compositions anormalement enrichies en certains éléments, montrant que la couche limite a été piégée (Fig. 1.05b). La composition des inclusions dans les olivines dendritiques ou squelettiques n’est donc pas représentative de celle du magma parent. Les olivines polyhédrales se forment par croissance lente contrôlée par des processus d’interface ou de dislocation-vis, avec des vitesses d’incorporation des éléments dans l’olivine inférieures aux vitesses de diffusion

Chapitre 1. Les inclusions magmatiques

des éléments dans le liquide. Les inclusions piégées se répartissent de manière aléatoire dans l’olivine et sont représentatives du magma parent (Fig. 1.05b), quelle que soit leur taille.

Figure 1.05 : (a) Compositions en FeO* (fer total sous la forme FeO) et MgO des verres et inclusions formés lors d’expériences de cristallisation d’un liquide basaltique saturé en olivine et en plagioclase, selon des taux de refroidissement variables. Les compositions des inclusions sont toutes à l’équilibre avec la composition de départ, sauf l’expérience sans palier de température. Figure modifiée d’après Kohut et Nielsen (2004). (b) Compositions en Al2O3 et CaO des verres et inclusions formés lors d'expériences dynamiques de cristallisation d'olivine dans le système CaO-MgO-Al2O3-SiO2 (CMAS) à taux de refroidissement et degrés de sur-refroidissement variables. Les compositions des inclusions magmatiques piégées dans des olivines de morphologies différentes sont comparées à la ligne de cristallisation d'olivine définie à partir des compositions du verre hôte. Figure modifiée d’après Faure et Schiano (2005).

Chapitre 1. Les inclusions magmatiques

Les trois études expérimentales (Kohut et Nielsen, 2004 ; Faure et Schiano, 2005 ; Goldstein et Luth, 2006) ont utilisé des matériels de départ, des techniques et des vitesses de refroidissement différents. Il n’est donc pas étonnant que leurs conclusions diffèrent. L’étude de Faure et Schiano (2005) est la plus restrictive : elle limite les inclusions représentatives des magmas parents au cas des inclusions des olivines polyhédrales (Fig. 1.06). Afin d’être sûr de la représentativité des inclusions choisies, nous avons décidé de suivre leurs recommandations : en excluant toute olivine squelettique ou dendritique de la sélection et toute inclusion de forme particulière (en sablier ou orienté préférentiellement selon le réseau cristallin), on s’affranchit potentiellement des problèmes de piégeage d’une couche limite de composition non représentative de celle du magma parent.

Figure 1.06 (a-c) : Photographies en lumière réfléchie de trois olivines polyhédrales (olivines d’Equateur) contenant chacune une inclusion primaire à l’affleurement, indiquée par une flèche.

Une précaution supplémentaire a été ajoutée : vérifier que la composition des inclusions de chaque échantillon étudié ne variait pas en fonction de la taille de ces inclusions. En effet, dans le cas du piégeage de la couche limite, on retrouve un enrichissement en éléments à diffusion lente (comme le phosphore) dans les inclusions de plus petite taille (Baker, 2008). Les résultats présentés dans ce manuscrit ne montrent aucune variation de composition en fonction de la taille des inclusions. Par exemple, les concentrations en P2O5 et les rapports Cl/P2O5 mesurés dans chaque échantillon étudié ne montrent aucune corrélation avec la taille des inclusions choisies (Fig. 1.07 ; Baker, 2008). Le résultat de ce test indique que la sélection des inclusions primaires dans des olivines polyhédrales est suffisante pour s’affranchir de tout effet de couche limite.

Chapitre 1. Les inclusions magmatiques

Figure 1.07 : Variation de la teneur en P2O5 des inclusions de cette étude en fonction de la taille de l’inclusion. La barre d’erreur représente l’erreur analytique moyenne (2σ).