Partie II : JMJD2A et contrôle du cycle cellulaire
A. Représentation graphique à l’échelle des différentes constructions codant pour des
protéines JMJD2A utilisées en B et C. B. Analyse de la prolifération des U2OS surexprimant les constructions FL-JMJD2A, JMJD2A-nu977, JMJD2A-M584 ou le plasmide contrôle pCDNA3 par comptage du nombre de cellules le jour suivant la transfection (T0) puis 24 et 48h après. Les résultats représentent la moyenne de 2 expériences indépendantes et sont ramenés à 1 pour la condition contrôle. C. Temps de doublement calculé pour chacune des conditions.
A
B
C
0 1 2 3 4 5 6 7 T0 24h 48h pcdna3 FL M584 Nu977Nombre de cellules/T0
Temps de doublement (en h)
moyenne ecart type pCDNA3 29.32397456 0.414430647 FL-JMJD2A 33.40417457 5.313364048 JMJD2A-M584 23.47826087 0.737850554 JMJD2A-Nu977 21.36423576 1.415061243
pCDNA3
FL‐JMJD2A
JMJD2A‐M584
JMJD2A_nu977
FL-JMJD2A JMJD2A-nu977 (ΔN-JMJD2A mRNA) JMJD2A-M584Les résultats obtenus démontrent que même si aucun effet n’est observé sur la transcription du gène Cdc6 (cible de E2F), la perte de fonction de ΔN‐JMJD2A induit une accumulation des cellules en G1, démontrant son rôle à la transition G1/S.
Dans une stratégie gain de fonction, des cellules humaines U2OS ont été transfectées avec des plasmides codant pour l’une ou l’autre des isoformes, que nous avons développés et déjà utilisés pour le projet portant sur l’étude de la régulation des gènes musculaires. Ces différentes constructions sont représentées schématiquement en figure 31A. Brièvement, la construction FL‐JMJD2A code pour la protéine pleine taille, la construction nu977 correspond au clonage de l’ARNm ΔN‐JMJD2A identifié dans les C2C12, et la construction JMJD2A‐M584 code pour une petite protéine correspondant à la séquence de JMJD2A démarrant à la méthionine 584 de la forme pleine taille. Au cours de l’étude des gènes musculaires, nous avons pu montrer que cette petite protéine JMJD2A‐M584 a une séquence proche de l’isoforme ΔN‐JMJD2A et que l’expression de JMJD2A‐M584 dans les cellules récapitule l’effet de la surexpression de ΔN‐JMJD2A sur la différenciation musculaire (Verrier et al. 2011a). Le temps de doublement des cellules U2OS transfectées avec ces constructions a été analysée par comptage du nombre de cellules 24h (T0), ainsi que 48 et 72h après la transfection (J1 et J2). Les résultats sont représentés en nombre relatif de cellules par rapport au temps T0 (figure 31B). Le graphe ainsi obtenu montre que les cellules transfectées avec le plasmide codant pour ΔN‐JMJD2A prolifèrent plus rapidement que les cellules contrôles, de même que les cellules exprimant JMJD2A‐M584. De façon intéressante, la transfection du plasmide codant pour la forme pleine taille FL‐JMJD2A n’entraîne aucun effet significatif sur la prolifération des cellules. Le temps de doublement calculé à partir de ces résultats est plus court de 7h environ pour les cellules exprimant une petite forme de JMJD2A par rapport aux cellules contrôle (figure 31C), leur conférant un avantage prolifératif. La petite isoforme ΔN‐JMJD2A apparaît donc comme un régulateur positif de la prolifération cellulaire. Afin de compléter cette étude, il faudra rechercher l’effet de la surexpression des isoformes de JMJD2A (particulièrement de ΔN‐JMJD2A) sur l’expression des gènes cibles de E2F (cdc6 et dhfr dans un premier temps, ainsi que les cyclines) et le profil de méthylation de H3K9 sur les promoteurs correspondants. L’utilisation de la stratégie gain de fonction permet de s’affranchir de l’éventuelle complémentation fonctionnelle par une autre enzyme, qui peut avoir lieu dans le cas de
la perte de fonction. Une étude réalisée par gain de fonction a récemment été publiée pour démontrer le rôle de JMJD2A dans le contrôle de la réplication, validant ainsi ce type d’analyses.
3 Conclusions
L’ensemble des travaux préliminaires réalisés concernant l’étude de la régulation des gènes cibles de E2F ont permis de mettre en évidence le rôle de JMJD2A, plus précisément de la petite isoforme ΔN‐JMJD2A. Ainsi, ΔN‐JMJD2A est un acteur positif de la régulation du cycle cellulaire. Le mécanisme moléculaire sous‐jacent fait vraisemblablement intervenir la liaison de JMJD2A aux promoteurs des gènes cibles de E2F en corrélation avec la déméthylation de H3K9 et l’activation des gènes. De plus, l’histone déméthylase JMJD2C semble également impliquée dans ce mécanisme. Ces résultats tendent à dire que la coopération entre les histones déméthylases JMJD2A (plus précisément l’isoforme ΔN‐JMJD2A) et JMJD2C pour réguler l’expression génique (proposée aussi pour l’activation des gènes musculaires) est généralisable au moins pour l’induction de l’expression des gènes cibles de E2F. Dans ce cas, l’hypothèse de la déméthylation de H3K9 par un complexe contenant ΔN‐JMJD2A et JMJD2C reste à démontrer, notamment en analysant le profil de méthylation après la déplétion de ΔN‐ JMJD2A ainsi que le recrutement de JMJD2C sur les promoteurs cibles de E2F. Il sera intéressant de voir si JMJD2C est présent sur le promoteur des gènes cibles de E2F qu’ils soient activés ou réprimés (comme cela semble être le cas pour les gènes musculaires), ou si son recrutement corrèle avec l’activation seulement. De plus, tous les résultats que j’ai présenté n’ont pas été obtenus dans la même lignée cellulaire, car nous avons rencontré des problèmes de contaminations mycoplasmiques des cellules NIH3T3 et C2C12, empêchant la synchronisation des cellules et nous obligeant à continuer l’étude préliminaire dans les cellules humaines T98G et U2OS. Il sera important de reproduire les données obtenues dans ces lignées humaines (surexpression, expression au cours du cycle) dans les lignées murines, afin d’uniformiser nos résultats. De même, il faudra rechercher l’impact de l’inhibition de JMJD2A (par siRNA) sur la répartition dans les différentes phases du cycle des cellules U2OS. Les résultats déjà obtenus montrent que le rôle de ΔN‐JMJD2A dans la régulation du cycle cellulaire (qu’il soit dépendant ou non des gènes cibles de E2F) est conservé entre la souris et l’homme. L’approche dans les
lignées humaines est cependant tout à fait pertinente si l’on considère qu’une surexpression de JMJD2A a été observée dans certains cancers. Un mécanisme proposé est que cette surexpression permettrait un raccourcissement de la phase S en permettant aux régions de l’hétérochromatine de se répliquer de manière plus précoce (Black et al. 2010). L’impact d’une telle surexpression sur la voie Rb/E2F est clairement à déterminer pour comprendre les bases moléculaires du potentiel oncogénique de JMJD2A.