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Représentation du clown en institution et du travailleur social

5. Partie analytique

5.2. Résultats de l’enquête

5.2.2. Représentation du clown en institution et du travailleur social

2.1. « Quelle est votre représentation du clown en institution ? »

Nous avons choisi de présenter un extrait de chacune des réponses des interviewés à cette question, afin de comprendre quel regard les professionnels qui ont suivi cette formation portent sur le clown en institution.

Clown n°1 : « C’est clairement un plaisir mais y a quand même un travail, une discipline, une méthodologie à avoir. »

Clown n°2 : « Le clown c’est un personnage qui est authentique. […] il a en lui […] un

germe d’enthousiasme, un personnage qui est lumineux, […] qui apporte de la gaieté, […] une légèreté […] qui accepte le présent comme il est. […] C’est surtout quelqu’un qui entre en lien avec ce moment présent et qui entre en lien avec les personnes qu’il rencontre. »

Clown n°3 : « Le clown, c’est un être qui se laisse complètement diriger. […] Franchement, la meilleure image du clown pour moi, c’est le dépouillement. On se fout à poil émotionnellement, relationnellement, on vire tous les codes et on se met en présence à soi, enfin vraiment l’authenticité de ce qu’on est, à ce moment-là.»

Clown n°4 : « Un partenaire incontournable dans la prise en charge des personnes en

gériatrie, dans le handicap, il a encore toute sa place à faire. […] C’est lui qui, […] sans voler le travail de personne mais en complémentarité, c’est lui qui peut, […] écouter sans qu’on lui demande rien, […] C’est un des rares personnages qui redonne une totale autonomie, autodétermination aux résidants. Ça veut dire qu’un résidant qui dit « dehors ! Je ne veux pas vous voir. » Le clown il sort, il n’a rien à prouver. […] Du coup, la personne redevient vraiment maître de qui elle a envie de voir […] de quand commence la visite et de quand elle s’arrête. C’est elle qui dirige. »

Clown n°5 : « Pour moi, l’approche du clown relationnel, c’est vraiment un outil pour permettre à la personne qui n’a plus d’autres contacts, de vivre quelque chose encore. Alors c’est une relation éphémère, on est d’accord, c’est une relation qui n’a pas de suite, qui n’est pas thérapeutique en soi parce qu’on ne va pas soigner les gens avec ça, mais par contre, on leur permet de vivre un bon moment […] dans la relation. » Clown n°6 : « Il va se mettre là où il y a des manques. C’est ça la force du clown. Il va se mettre là où les autres professionnels sont démunis [...]. C’est pour ça […] qu’on est bon avec les gens qui sont en fin de vie, on est bon avec les gens désorientés. Le clown est profondément fraternel. Il ose dire tout haut ce que tout le monde pense tout bas, mais sans aller au clash, toujours avec bienveillance. Alors bien sûr de l’irrévérence, de la provocation mais toujours de la bienveillance derrière. »

Clown n°7 : « Ce qu’il représente, c’est plutôt ce qui l’amène et […] c’est vraiment

[…] cette histoire de la relation. C’est être disponible pour la personne le moment-là dans ce que la personne elle a envie et besoin. […] Il amène de la joie bien sûr, du réconfort, une écoute. […] Quand un clown débarque dans une institution auprès

48 d’une personne, il n’y a pas d’heure, il n’y a pas de projets, […] y a pas de contraintes. Y a juste à être là et ça c’est quelque chose de l’ordre du cadeau.»

Clown n°8 : « Alors il permet une certaine audace, par rapport à certaines situations,

aussi par rapport à certains éducateurs. […] Pour moi, le clown en institution, il permet de faire des liens. […] Ca permet une autre respiration, c’est… d’ailleurs quand on arrive, […] même si on n’échange pas, le fait de passer, on laisse une trace et la journée n’est pas la même. »

Pour résumer les représentations des interviewés, le clown qui intervient en institution est un être authentique, fraternel, disponible, bienveillant, avec une grande qualité de présence et d’écoute, amenant de la légèreté, qui se laisse complètement diriger et qui peut être un confident pour les résidents. Il est surprenant de constater que la notion de confident soit revenue aussi souvent dans les discours des personnes interviewées. Nous n’imaginions pas, avant de commencer notre recherche, que le clown qui intervient en institution pouvait occuper ce rôle de confident auprès des résidents. En effet, contrairement à ce que nous pourrions croire ou penser, ce n’est pas le fait d’intervenir fréquemment auprès des personnes qui a comme conséquence qu’elles se confient. Nous pensons davantage que c’est parce que le clown parvient, dans son attitude, à faire comprendre à la personne qu’il est là, vraiment disponible pour elle, à l’écoute, que le résident se sent alors considéré. De ce fait, il peut se laisser aller à la confidence.

2.2. « Quelle est votre représentation du travailleur social ? »

Le clown n°3 répond ceci : «Y a le côté où on sait à la place des autres, c’est ça être éduc, c’est être capable de savoir pour les autres, savoir ce qui est bien pour l’autre, pis c’est vrai, on est formé à ça. Etudier les besoins, analyser les besoins de la personne, savoir ce qui est le mieux pour elle, tout ça. »

Pour le clown n°7, le travailleur social est un équilibriste qui « jongle » entre ce qui lui est demandé, le temps qui lui est imposé, ce qu’il a envie d’être et de donner aux personnes qu’il accompagne. Pour lui, l’éducateur doit autant utiliser sa tête que son cœur pour faire son travail, l’un ne pouvant être séparé de l’autre.

Le clown n°5 affirme que l’animateur socioculturel doit occuper les résidents qui sont encore lucides et leur permettre de vivre des projets, de s’exprimer. Il insiste sur le fait de garder des liens avec l’extérieur, avec la famille. Pour les personnes qui vivent mal le fait d’être placées dans un EMS, il explique que le rôle de l’animateur est de valoriser la personne et de l’aider à supporter « cette espèce d’exclusion, d’enfermement ».

Le clown n°2 nous explique l’importance qu’il y a à utiliser l’humour comme travailleur social afin de parvenir à débloquer les situations, relativiser et amener de la légèreté.

Pour le clown n°6, sa représentation du travailleur social se dessine ainsi : « Le travailleur social, à mon avis, il va redonner de l’humanité dans des lieux où on l’a perdue. » Le clown n°8, musicothérapeute, trouve que son métier est proche de la pratique de clown en institution, car pour pratiquer les deux approches, il se doit de recourir à la communication non-verbale et de rester attentif « à vivre le moment présent ».

Nous avons omis involontairement de poser cette question à deux personnes interviewées. Nous pouvons constater que le travailleur social est un équilibriste humaniste qui étudie et analyse les besoins des résidants, qui peut mettre en place des projets avec eux afin de les valoriser et leur permettre de s’exprimer, et qui fait le pont entre l’institution et l’extérieur.

49 Les outils relationnels utilisés par les travailleurs sociaux sont : la communication non-verbale, l’humour, la mise en place de projets, etc.

Notre représentation du travailleur social rejoint celle des clowns interviewés dans le sens où nous le percevons aussi comme quelqu’un d’humaniste, qui sait identifier les besoins et les ressources des personnes qu’il accompagne et qu’il cherche à valoriser. De notre point de vue, il est très important que le travailleur social mette en place des projets afin de permettre aux résidents de s’exprimer.

Pour ma part, mon expérience personnelle, à travers le spectacle que j’avais monté avec les enfants au sein d’une ONG mauricienne durant mon stage, m’a permis d’identifier la danse et le chant comme des moyens qu’utilisaient les enfants pour s’exprimer. Je souhaitais valoriser leurs compétences à travers cette activité. Tout en accordant le libre choix de participer, il m’apparaissait important que chaque enfant ait un rôle à jouer dans ce spectacle. Je souhaitais aussi qu’ils puissent en retirer des apprentissages et qu’ils éprouvent du plaisir à le faire. Nous avons invité les familles des enfants ainsi que certains de leurs amis. C’était ainsi l’occasion aussi pour eux « de sortir de ce rôle d’enfant placé en institution » pour être perçus différemment, comme des personnes talentueuses.

Ces considérations nous amènent à parler de la valorisation des rôles sociaux, qui est la capacité du travailleur social à permettre aux résidents d’avoir des liens avec l’extérieur, soit avec leur famille ou leurs amis, soit en intégrant un club ou une équipe. Nous nous souvenons d’un cours à la HES SO de Sierre qui traitait de la valorisation des rôles sociaux, donné par Alain Dupont (2013). Celui-ci nous avait expliqué l’importance qu’il y a, à ce que les personnes se sentent appartenir à la société, qu’elles puissent sortir de l’institution et créer des liens avec l’extérieur. « L’intégration sociale va de pair avec la participation sociale. » Ce cours nous avait permis de réaliser à quel point la plupart des institutions visent un objectif d’intégration sociale, sans pour autant permettre concrètement aux résidents d’avoir des liens avec l’extérieur.

2.4. « Si je vous dis le clown c’est un outil thérapeutique, qu’est-ce que vous me répondez ? »

Schéma n°6 : L’approche du clown en institution, un outil thérapeutique pour les résidents et pour les professionnels qui l’ont entreprise

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Non thérapeutique Thérapeutique

Pour les résidents

Pour les travailleurs sociaux qui ont suivi la formation

50 D’après le Larousse médical (2006, p. 995), le terme thérapeutique signifie ceci : « Partie de la

médecine qui s'occupe des moyens - médicamenteux, chirurgicaux ou autres - propres à guérir ou à soulager les maladies. »

Pour en revenir aux réponses des interviewés, cinq sur huit affirment que le clown n’est pas un outil thérapeutique. En effet, ils présentent divers arguments pour illustrer leur point de vue. Par exemple, le fait qu’une thérapie s’inscrit dans une continuité, avec des objectifs posés, alors qu’il n’en est rien avec l’approche du clown. Certains expliquent que cette approche peut avoir des effets thérapeutiques et des effets bienfaisants, mais qu’elle ne représente pas une thérapie en soi, comme le souligne le clown n°4 :

« Je vous dirais le clown Auguste n’est pas un outil thérapeutique. […] Ce n’est en tout cas pas une thérapie en soi. […] Il y en a d’autres qui font de la clown-thérapie […] Ça peut avoir des effets bienfaisants, possiblement thérapeutiques autant d’ailleurs aux apprenants qu’aux résidents […]»

Pour le clown n°5, la dimension thérapie inclut le fait de soigner les personnes, alors que cela n’est pas le but du clown qui veut juste passer un moment avec elles.

Le clown n°7 explique qu’il ne peut pas dire que le clown est thérapeutique car il faudrait, pour cela, intervenir plus régulièrement et mettre en place un suivi plus formel. Nous pourrions cependant considérer comme thérapeutique, selon lui, le fait que les résidents se confient au clown alors qu’ils ne le font pas avec les éducateurs ou les soignants. Il explique que la mise en place d’ateliers « à la recherche de son clown intérieur » pour les résidents pourrait relever du champ thérapeutique.

Le clown n°8 explique qu’il préfère utiliser le terme de développement personnel plutôt que celui de thérapie. Selon lui, pour que l’on puisse parler de thérapie, il faudrait qu’il y ait un contrat et un accord entre les deux personnes. Cependant, il pense que, pour chacun qui entreprend cette formation ainsi que pour les résidents, cette approche favorise le développement personnel.

En ce qui concerne les trois personnes qui ont répondu par l’affirmative, l’un d’entre eux, le clown n°6, explique que le fait de reconnaître la souffrance d’une personne et de l’amener à en prendre conscience est déjà en soi un acte thérapeutique.

« C’est parce que tu sens que la personne elle est seule, angoissée, pas bien… […] tu sens qu’elle est mal, tu prends ce mal en toi, tu lui renvoies et c’est là que tu la rejoins. C’est là qu’elle va pouvoir prendre conscience : « Ah mais lui, il a compris comme j’ai mal. […] Merci. » Ça c’est thérapeutique, profondément, mais c’est parce qu’on se laisse rejoindre soi. »

Il affirme que le clown ne vient pas pour faire de la thérapie mais que sa présence peut avoir des effets thérapeutiques. Par ailleurs, il pense également que se former à l’approche du clown peut se révéler parfois thérapeutique.

Le clown n°1 affirme que cette pratique est semi-thérapeutique. En effet, le clown est un confident et non un éducateur. Rien que le fait de mettre le nez de clown renvoie des choses à la personne qu’il rencontre. Il explique que pour que cette pratique soit considérée comme thérapeutique, il faudrait intervenir plus souvent. De son point de vue, il serait judicieux de mettre en place un suivi d’interventions plus régulier et il serait intéressant que les clowns participent aux colloques. Il trouve que pour définir cette approche comme thérapeutique, il serait plus adéquat que ce soient les éducateurs qui ont une grande expérience professionnelle et qui sont au bénéfice d’une formation de clown ou de gestalt-thérapie qui interviennent auprès des personnes accueillies en institution.