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Chapitre 4 Souffle nouveau pour l’éducation en Haïti ? La Réforme Bernard et ses résultats

4.1. Analyse de la Réforme Bernard

4.1.4 Renouveler la pédagogie

La grande réforme éducative de 1979 visait également à permettre le renouvellement de la pédagogie en éducation en Haïti. L’objectif ultime du ministre était d’apporter des changements importants pour l’éducation en optimisant la qualité de l’enseignement donné aux enfants haïtiens et en tenant compte des différences que présentait chacun d’entre eux à tous les paliers éducatifs. En tenant compte de ces différences, le système éducatif haïtien aurait les moyens de mieux cibler et répondre aux capacités d’apprentissage de chacun. Il fallait donc apporter des changements majeurs aux méthodes d’enseignement et chercher des moyens pour adapter l’enseignement à cette clientèle étudiante hétérogène. Il s’agissait d’un objectif important pour le ministre Bernard puisque l’ancien système ne prenait pas en compte les particularités de chacun de ces élèves fréquentant les écoles du territoire. Il n’était donc pas anodin de percevoir plusieurs problématiques émanant du système éducatif ayant précédé la Réforme Bernard, se traduisant notamment par des taux importants de redoublements et la présence des « sûrâgés » à tous les niveaux scolaires. Cette nouvelle approche devait donc réduire ces éléments problématiques. Mais comment le ministre allait-il s’y prendre pour atteindre cet ambitieux objectif et que dire de cet autre objectif?

La vision du ministre résidait dans deux idéaux bien précis soient de permettre « un âge uniforme pour l’admission en première année, soit 6 ans révolus, et la mise en place d’une pédagogie

40 DÉLIMA, Pierre. Constitutions, lois et éducation en Haïti, 1801-2011: éléments de politiques éducatives, Port-au-

108 active, centrée sur l’enfant qui retiendrait l’enseignement actuel et relié à la vie »41. De manière plus concrète, ces mesures devaient, dans un premier temps, prévoir l’âge à partir duquel les enfants devaient commencer leur cheminement scolaire, à l’exclusion du préscolaire, afin qu’ils commencent tous leur cycle d’apprentissage en même temps. Il s’agissait là d’une mesure importante qui allait permettre à tous les enfants de commencer leur apprentissage au même point, tout en étant en mesure de suivre la même courbe d’apprentissage et de gravir les échelons de leur éducation au même rythme selon leur niveau d’étude. D’autre part, en misant sur une pédagogie plus active plutôt que traditionnelle, cela favoriserait davantage le développement individuel de chaque enfant, l’impliquant activement dans son processus d’apprentissage. Par exemple en impliquant différents outils pédagogiques ou différentes activités pour stimuler l’apprentissage de chaque enfant, plutôt que de miser sur une approche plus magistrale misant sur un mode d’enseignement plutôt théorique pourrait s’avérer bénéfique. De telles améliorations devaient principalement passer par des changements aux méthodes d’enseignement, au contenu, mais aussi au matériel d’enseignement, à la révision des objectifs d’enseignement propre à chacun des niveaux éducatifs et aux modes de gestion des écoles.

Malgré la vision du ministre, cet objectif ne semble pas avoir connu les succès escomptés dans les années ayant suivi la mise en place de sa réforme. D’emblée, il est important de préciser que cet objectif a eu le mérite de conscientiser à la fois l’État, mais également les responsables de l’éducation quant à la réalité vécue par la classe étudiante haïtienne. Il a également permis de conscientiser les responsables de l’éducation quant à l’importance d’apporter des changements aux méthodes d’apprentissage dans les écoles avec une nouvelle offre éducative et une réalité changeante dans la façon d’enseigner aux enfants de manière générale. Toutefois, les mesures qui devaient être mises en place grâce à la stratégie du ministre Bernard n’ont pas pu se matérialiser et peu de résultats ont été observés en regard de cet objectif dans les années suivant la Réforme Bernard. En fait, même si la Réforme Bernard prévoyait mettre en place un plan visant à cadrer l’âge minimal pour que les enfants puissent accéder à l’école et ainsi uniformiser la prise en charge de ces enfants qui suivraient la même courbe d’apprentissage, il est possible de constater que plusieurs enfants continuaient d’intégrer les écoles à des âges variables. En ce qui a trait aux

41 JEAN, Rodrigue, À quand la réforme de l’éducation en Haïti?: Une analyse et des propositions pour agir,

109 moyens qui devaient rendre la pédagogie plus active que par le passé, peu de moyens sont recensés à ce sujet.

Un tel bilan peut d’abord s’expliquer par le fait qu’aucune méthode d’application pour permettre l’opérationnalisation des changements n’a été mise en place dans les années qui ont suivi la Réforme Bernard au sein des structures de l’État. Il n’est donc pas anodin de constater qu’aucun effet de nouveauté et que de faibles changements ne se sont manifestés sur le plan d’un renouvellement de la pédagogie. Par ailleurs, il est encore une fois possible de remettre en question l’intérêt réel de l’État en regard de cet objectif. En fait, aucun geste de l’État et des différents acteurs impliqués n’a pu être observé afin de permettre à cet objectif de connaître du succès. Au contraire, il semble qu’un statu quo se soit toujours maintenu. Comme le résume Rodrigue Jean, faisant un bilan de cet objectif, « les structures scolaires et les pratiques pédagogiques de manière à ne pas entraver le développement normal des aptitudes individuelles, sont, en règle générale, restées lettre morte »42. Bref, aucun changement majeur ou moyen mis en place ne sont observés permettant l’atteinte d’un tel objectif.