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La remise en cause du secret dans l’intérêt des créanciers

Dans le document La protection du secret des affaires (Page 70-72)

Partie II – Le développement européen d’une véritable protection du secret des affaires

Section 2 – L’encadrement indispensable des balbutiements du secret des affaires par la protection des

A. La nécessité d’une limitation du secret des affaires en faveur d’intérêts privés

3. La remise en cause du secret dans l’intérêt des créanciers

Le secret cédant devant l’obligation de payer ses dettes. – Ce dernier questionnement entrant dans la limitation à donner au secret des affaires dans l’intérêt privé va concerner un élément fondamental du droit des obligations, le paiement de sa dette par l’entreprise débitrice.

En effet, le secret des affaires pourrait être opposé par une entreprise pour ne pas justifier une absence de remboursement de ses dettes. Pourtant, l’article 2284 du Code civil énonce comme principe « quiconque s’est obligé personnellement, est tenu de remplir son engagement sur tous ses biens mobiliers et immobiliers, présents et à venir ». Bien que le droit de gage général dont il est question ici ne soit pas directement lié à la présente étude, celui-ci demeure un principe directeur du droit des obligations faisant qu’un débiteur doit payer son créancier jusqu’à satisfaction de ce dernier. Ainsi, opposer le secret des affaires pour ne pas satisfaire son créancier ne semblerait pas justifié par un intérêt suffisant. Toutefois, cet équilibre pourrait s’inverser dans le cas de difficultés de l’entreprise.

345 Code de gouvernement d’entreprise des sociétés cotées, Afep-Medef, mise à jour en novembre 2016,

www.afep.com/uploads/medias/documents/Code%20de%20gouvernement%20d'entreprise%20des%20soci%C3%A9t% C3%A9s%20cot%C3%A9es%20novembre%202016.pdf (site consulté le 24 août 2017).

346 Charte de l’administrateur, Institut français des administrateurs, www.ifa-asso.com/a-propos-de-l-ifa/visions-de-l-

ifa/charte-de-l-administrateur.html (site consulté le 24 août 2017).

347 Une violation de cette confidentialité pouvant être sanctionnée au titre des fautes commises dans leur gestion, sanctions prévues par l’article L. 225-251 du Code de commerce.

Le cas particulier des entreprises en difficulté. – Il est ici nécessaire d’identifier deux temps du droit des entreprises en difficulté en traitant d’abord de l’équilibre entre secret des affaires et transparence préalablement à toute procédure collective, puis ensuite en voyant l’inversion de cet équilibre en cas d’ouverture d’une telle procédure.

Tout d’abord, dans un premier temps, avant l’ouverture d’une procédure collective, divers mécanismes vont intervenir et favoriser le secret sur la transparence, ceci en éludant toute information des créanciers. Ainsi, le Code de commerce va organiser une confidentialité pour la mission d’un mandataire ad

hoc349 et des différents intervenants à une procédure de conciliation350 grâce au principe de son article L. 611-

15 qui édicte que « toute personne qui est appelée à la procédure de conciliation ou à un mandat ad hoc ou qui, par ses fonctions, en a connaissance est tenue à la confidentialité ». Mais au-delà de cette confidentialité de la mission, cette caractéristique va également toucher l’existence même de ces deux procédures, le mandat ad hoc n’étant par exemple pas connu du ministère public351.

Cette confidentialité de la situation de l’entreprise, situation qui peut être comprise en tant que secret d’affaires, va intervenir de façon à ne pas étaler au public les éventuelles difficultés passagères de l’entreprise, qui perdrait alors la confiance de l’ensemble de ses créanciers, investisseurs, etc. et qui perdrait également des chances de se rétablir d’elle-même et de protéger l’emploi. Cette confidentialité importante permet également à l’entreprise de protéger son fonctionnement futur en cas d’amélioration de sa situation, ce qui ne serait pas rendu possible par l’étalement de ses secrets d’affaires.

Toutefois, cette confidentialité est nécessairement limitée et une certaine transparence intervenant dans la matière. Ainsi, une transparence vis-à-vis de la juridiction doit être assurée, l’article L. 611-6 du Code de commerce prévoyant que le Président du tribunal peut obtenir « communication de tout renseignement lui permettant d’apprécier la situation économique, financière, sociale et patrimoniale du débiteur ». Par ailleurs, ce dernier article, accompagné de l’article L. 611-9 du même code, prévoit la communication de la procédure de conciliation, en cas d’échec ou d’homologation, à certaines personnes ou institutions.

Ensuite, dans un deuxième temps, la confidentialité des mesures traitées ci-dessus va totalement disparaître en cas d’ouverture d’une procédure de sauvegarde352, de redressement353 ou encore de liquidation

judiciaire354. En effet, le secret doit ici céder face aux enjeux des procédures collectives, qui tiennent

notamment à la meilleure satisfaction possible des créanciers et à la sauvegarde de l’emploi. Pour cela, une publicité doit être opérée et va donc intervenir, la situation ne se prêtant plus à une défense aveugle des secrets d’affaires. Toutefois, au-delà de la publicité de la situation de l’entreprise et de ses dettes, d’autres informations pouvant avoir la qualité de secret d’affaires, à l’image des savoir-faire, procédés, etc., vont devoir être conservés secrets étant donné que ceux-ci ont une valeur économique pouvant fortement impacter le déroulement et le sort de la procédure.

En conclusion, les droits des créanciers ne vont pas pouvoir être remis en cause par le secret des affaires, ceux-ci conservant alors par principe leur droit à être payé par l’entreprise débitrice. Toutefois, lors d’une procédure collective, le secret des affaires va pouvoir prendre le pas sur la transparence en cachant à ces créanciers et aux tiers intéressés, de manière temporaire, la situation financière de l’entreprise de façon à lui laisser une chance de se rétablir grâce à des mesures spécifiques. Mais, lorsque la situation sera gravement obérée, la transparence l’emportera afin d’informer les créanciers de l’entreprise de sa situation problématique. Cette nécessité d’information ne pourra cependant contribuer à divulguer des secrets d’affaires d’une autre nature, ceux-ci conservant de la valeur et pouvant constituer une part importante du

349 Art. L. 611-3 du Code de commerce. 350 Art. L. 611-4 du Code de commerce. 351 C. DELATTRE, op. cit.

352 Art. L. 621-1 du Code de commerce. 353 Art. L. 631-7 du Code de commerce. 354 Art. L. 641-1 du Code de commerce.

patrimoine de l’entreprise, qui va ainsi contribuer à son redressement ou à la satisfaction des créanciers dans le cas d’une liquidation.

Ainsi, suite à ces différents développements sur la nécessité de préserver les intérêts privés malgré une protection plus importante du secret des affaires, il apparaît que cette question est globalement gouvernée par un principe de mise en balance des intérêts. De cette façon, lorsque la préservation du secret est essentielle, la transparence sera écartée, mais, à l’inverse, lorsque l’effacement du secret sera nécessaire afin de protéger les intérêts des tiers, mais aussi indirectement de l’entreprise, supérieurs au simple intérêt à la conservation du secret, dans ce cas la protection du secret des affaires devra être écartée. Mais il convient de voir que ce compromis intervenant vis-à-vis d’intérêts privés, parfois ponctués d’intérêt public, la protection de l’intérêt général va également intervenir pour limiter la protection du secret des affaires, cette fois-ci de façon bien plus drastique, grâce à l’intervention des droits et libertés fondamentaux.

B. La nécessité d’une limitation du secret des affaires découlant de la liberté de

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