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Lors de l’exploration des conduites des trois enfants de notre étude, nous nous sommes questionnées et avons remis en cause notre pratique. L’ouvrage Imiter pour grandir de Jacqueline Nadel (2011) nous a apporté une piste de réflexion intéressante. Ce livre nous a permis de mieux comprendre ce qu’imiter signifie mais également de découvrir les bénéfices de l’imitation dans la communication. Voici un résumé de quelques passages qui ont retenu notre attention.

« Ce qu’imiter veut dire » :

Selon Jacqueline Nadel (2011), définir l’imitation comme « imiter c’est faire comme l’autre » ne suffit pas. Il existe plusieurs types d’imitation qui mettent en jeu à la fois des compétences communes telle que l’attention (visuelle et auditive) mais aussi des compétences plus spécifiques comme :

le transfert intermodal : capacité à transférer un type d’information sensorielle en un autre ;

la connaissance du corps ; la production motrice ; la mémoire ;

le contrôle de l’activité : capacité à régler son action au fur et à mesure de son déroulement, en vitesse et en direction ;

le rapport moyen-but ;

l’analyse séquentielle des sous-buts: procéder étape par étape ; la planification ;

la représentation ;

la rotation mentale : exercice mental qui consiste à se mettre dans une autre position dans l’espace ou par rapport à autrui (Gonzalez-Rothi, Ochipa et Heilman, 1991 in Nadel, 2011).

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Imiter est donc une activité complexe qui sous-tend les questions d’imiter quoi, quand et comment ? (ibid Nadel, 2011).

Imiter quoi ?

Lorsque l’on se pose cette question, il convient de distinguer l’imitation d’actions nouvelles et l’imitation d’actions familières ainsi que l’imitation de ce qui est possible et ce qui ne l’est pas. D’après Jacqueline Nadel, les capacités à imiter dépendent des possibilités du répertoire moteur. C’est grâce au répertoire d’actions familières que l’on peut apprendre des actions nouvelles. « Ce sont les mêmes notes qui sont utilisées pour de nouvelles symphonies, ce sont les mêmes mots qui font des phrases différentes, de même on apprend de nouveaux savoir-faire en observant, à condition toutefois d’avoir les briques pour construire la nouveauté » (ibid Nadel, 2011). Pour l’auteur, la question du « quoi imiter » est d’autant plus importante lorsque l’on travaille avec des enfants porteurs de trisomie 21 car il faut se demander « quel répertoire ont construit ces enfants ? Jusqu’où peuvent-ils imiter des actions nouvelles ? ».

Imiter quand ?

« Selon que l’on imite tout de suite, plus tard ou beaucoup plus tard, l’imitation change d’effet et elle ne requiert pas les mêmes capacités. Pour résumer, on parle d’imitation immédiate quand on fait comme l’autre, en même temps que l’autre, d’imitation décalée quand on fait la même chose avec un retard et d’imitation différée lorsqu’on réalise la même chose bien après l’autre, et en son absence. Ces types d’imitation exigent de la mémoire à des niveaux différents, et ont des conséquences sociales différentes » (Nadel, 2011).

L’imitation immédiate a pour objectif principal de communiquer, de s’adresser à l’autre. Sur le plan social, être imité est généralement reçu comme une marque d’intérêt voire même d’admiration.

L’imitation différée nécessite la mémorisation de l’action observée et impose de trouver la bonne occasion pour reproduire l’action, de façon à ce qu’elle fasse sens. L’objectif de l’imitation différée est d’apprendre quelque chose de nouveau.

L’imitation décalée permet d’apprendre mais sous le contrôle d’un modèle. Ici le moyen n’est pas de communiquer.

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Imiter comment ?

Pour Jacqueline Nadel (2011), la qualité de l’imitation est un dernier aspect essentiel à prendre en compte lorsque l’on définit l’imitation. Elle peut être « exacte ou approximative, complète ou partielle, d’emblée ou après de multiples corrections ». Ces éléments vont nous renseigner à la fois sur les capacités motrices de l’enfant mais aussi sur ses capacités de perception.

L’imitation vocale / verbale :

Tout comme l’imitation gestuelle, l’imitation vocale est très précoce chez le nouveau-né et dépend des capacités motrices du nourrisson. On distingue plusieurs formes : l’imitation vocale / verbale immédiate et l’imitation vocale / verbale différée. L’imitation vocale consiste à reproduire des sons entendus avec la même intonation. Très fréquente dans les premiers mois de vie, elle est indispensable à la préparation au langage. L’imitation verbale consiste à répéter les mots que l’on entend et participe à l’explosion lexicale de l’enfant entre 2 et 3 ans.

Imiter ou l’art de communiquer :

L’imitation immédiate permet de parler sans mots, de communiquer. Elle est utilisée entre 2 et 4 ans, par les enfants entre eux de préférence. Pour communiquer, trois composantes sont nécessaires : la synchronie, le tour de parole et le partage de thème.

Les études de Jacqueline Nadel ont mis en évidence la sensibilité précoce des

bébés à un défaut de synchronie dans l’interaction. On a présenté à des bébés âgés de

deux mois des vidéos, tantôt en direct, tantôt en différé, des interactions de leurs mères. Alors que les bébés imitent leur mère lorsque les interactions sont directes, il a été remarqué que les bébés n’imitent pas dans les situations où la mère n’est pas synchrone. Ainsi, s’il n’y a pas

de synchronie entre l’enfant et son partenaire, il n’y aura pas d’imitation et donc pas de communication. Jacqueline Nadel (2011) insiste sur l’importance de prendre en compte le rythme de l’autre, pour établir une communication efficace.

L’imitation est un système de communication car il y a une répartition des rôles : l’un

imite tandis que l’autre est imité. La différence entre le système de communication verbal et

le système imitatif est que l’imitateur et le modèle « parlent » en même temps mais avec des rôles différents.

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L’imitation décalée et différée ne servent, quant à elles, pas à communiquer mais plutôt à apprendre.

« Le système imitatif permet d’exercer ces composantes essentielles de la communication verbale dans le concret, dans le physique de l’action : c’est ce qui le rend basique et intuitif, d’accès direct, sans aucun apprentissage. Son inconvénient est d’être tout entier dépendant du présent, sans laisser place à l’imaginaire, au futur, à l’objet absent. C’est ce qui signe sa perte dès que le mot est là pour remplacer la présence physique de l’objet. Mais ce système aura permis d’exercer sur le terrain, directement, des capacités nécessaires pour se parler » (Nadel, 2011).

Pour la suite des séances, nous faisons le choix d’imiter les conduites des enfants lors de certaines activités. Nous utilisons pour cela l’imitation immédiate particulièrement intéressante pour notre étude puisqu’elle vise à communiquer avec l’autre et à lui manifester l’intérêt qu’on lui porte. De plus, « être imité permet au modèle d’apprécier son pouvoir d’influence sur l’autre, puisqu’il voit l’autre réaliser ses propres intentions » (Nadel, 2011). Nous ne demandons pas explicitement aux enfants de nous imiter dans le sens où il s’agit d’une activité complexe, qui dépend directement du répertoire moteur des enfants. Ne connaissant pas précisément la richesse de leurs répertoires moteurs, nous ne nous aventurons donc pas dans cette expérience. De plus, notre nouvel objectif est bien de nous adapter aux enfants et non plus de leur demander de s’adapter à nous. Les imiter nous semble être une solution simple et efficace pour nous centrer sur leurs préoccupations cognitives et sur leurs rythmes cognitifs.

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3. Les dernières séances d’exploration

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