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E CADRE HISTORIQUE

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HAPITRE

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A COMMUNAUTÉ ITALIENNE DE

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UNISIE

Dans ce premier chapitre, nous proposons de revenir brièvement sur l’histoire de la communauté italienne qui a fait le choix de migrer en Tunisie, sous le Protectorat français, à travers une approche historique et sociolinguistique. Notre objectif est de donner le cadre historique de notre travail de recherche et, plus spécifiquement, de situer l’objet de notre étude que constitue le journal Simpaticuni.

Comment s’est formée la communauté italienne qui a migré dans la Tunisie coloniale ? Comment expliquer les contacts plus que séculaires entre l’Italie et la Tunisie ? Quelles sont les langues qui étaient parlées dans la Tunisie de l’époque ?

De par sa position géographique avantageuse en Méditerranée et à proximité de l’Europe, la Tunisie constitue une zone de passage, de mouvement, de choc et d’échanges, ainsi qu’un boulevard d’accès au continent africain (Baccouche, Skik, 1976 : 157). En effet, les côtes Nord-Est de ce pays forment avec les côtes Ouest de la Sicile une sorte de détroit qui, « […] dans sa partie la plus resserrée, entre la pointe du Cap-Bon et Trapani, mesure environ 150 kilomètres de large » (Pellegrin, 1948 : 18). Ce détroit, qui met en communication la rive occidentale et la rive orientale de la Méditerranée, représente un « pont » entre l’Europe et l’Afrique qui a permis, dans le passé, le rapprochement des communautés italienne et tunisienne et la création de liens solides entre l’Italie et la Sicile d’une part, et la Tunisie de l’autre (Pasotti, 1970 : 9).

On sait que les deux rives ont représenté et représentent encore à certains égards, deux aires de civilisations différentes, deux mondes à part. Mais, à travers de multiples contacts qui ont débuté, de façon plus intensive et constante, avec la domination arabe et qui se sont prolongés jusqu’à nos jours, Italiens et Tunisiens se sont influencés de manière réciproque pendant des siècles et ont pu ainsi développer des similitudes dans les domaines linguistique, culinaire, architectural, et même religieux.

La présence arabe en Sicile (827-1061) a engendré l’établissement de relations commerciales enrichissantes entre les rives occidentale et orientale de la Méditerranée. Progressivement, les premiers commerçants italiens se sont installés en Tunisie (Pasotti, 1970 : 9). Néanmoins, c’est sans conteste pendant la période moderne et contemporaine12 que cette présence italienne est à la fois la plus massive et la plus visible. En effet, le XIXe siècle et la première moitié du XXe siècle ont été marqués par l’installation d’un nombre considérable d’Italiens et en particulier de Siciliens dans les différentes villes tunisiennes. Les traces de la vitalité de cette communauté sont encore perceptibles en Tunisie grâce notamment aux nombreuses œuvres accomplies dans les domaines social, culturel, économique et politique. Quelle que soit leur origine géographique ou leur appartenance socio-économique, les Italiens de Tunisie ont largement contribué au développement et à la modernisation de leur pays d’accueil.

Dans le premier paragraphe de ce chapitre, nous proposons d’évoquer brièvement l’installation des Italiens et, notamment, des Siciliens en Tunisie à l’époque du Protectorat français (§ 1.1). Puis, nous reviendrons sur les anciens contacts entre Italiens et Tunisiens qui ont largement contribué au développement de relations intercommunautaires (§ 1.2). Nous

12 Pour la Tunisie, la période dite moderne commence avec le rattachement à l’Empire ottoman en 1574, alors que la période dite contemporaine débute avec l’établissement du Protectorat français en 1881.

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analyserons la situation sociolinguistique des plus importantes communautés vivant dans la Tunisie coloniale (§ 2). Enfin, nous présenterons les événements historiques les plus marquants mentionnés dans le journal Simpaticuni, objet de notre recherche (§ 3).

1.LE PIC HISTORIQUE (XIXE–XXE

SIÈCLES) 1. 1. Installation des Siciliens en Tunisie

Quelles ont été les étapes de la formation de l’importante communauté italienne ? L’immigration italienne en Tunisie a connu une intensification pendant le XIXe

siècle et au cours des premières décennies du XXe siècle, contribuant ainsi à l’enrichissement de la communauté installée anciennement dans le pays.

Au cours des XVIIe et XVIIIe siècles, des juifs Italiens, provenant de Livourne et d’Ancône par arrivées successives, se sont établis dans les différentes villes de la Régence de Tunis. Ces gens étaient originaires d’Espagne ou du Portugal. En effet, à la fin du XVIe

siècle, le grand duc de Toscane, Ferdinand II, voulant favoriser le développement du port de Livourne, a décidé d’y attirer les marchands étrangers et, entre autres, les marchands juifs. Il a invité ainsi les juifs marranes, alors persécutés en Espagne et au Portugal, à venir s’établir dans ses États (Sebag, 1989 : 53). Beaucoup de juifs quittèrent alors la Péninsule ibérique pour s’installer en Toscane, et principalement à Livourne où ils ont pu vivre et travailler en toute liberté, en prenant une large part aux activités de la ville. Les nouveaux venus se sont employés à développer les échanges entre le grand port toscan et les États barbaresques. Ils n’ont d’ailleurs pas tardé à créer à Tunis des agences de leurs maisons de commerce, à la tête desquelles ils placèrent des parents ou des amis. Venus dans la capitale des deys et des beys pour un temps, un nombre considérable de juifs Livournais, que l’on appelait Grana13, s’y est établi, entraînant ainsi l’enrichissement d’une petite communauté qui ne cessa de se développer au cours des siècles suivants (Sebag, 1989 : 53-54)14. Les Livournais ont donc pris une place importante dans la vie économique du pays. Ils avaient le monopole du commerce entre Tunis et Livourne et ont contribué à la gestion des affaires du Bey15.

Au début du XIXe siècle, plus précisément dans la période qui s’étend entre 1815 et 1861 (année de la proclamation de l’Unité italienne), la Tunisie a connu une vague d’émigrations politiques constituée d’activistes, de patriotes, de francs-maçons et d’intellectuels qui fuyaient les répressions des Bourbons et des Autrichiens pendant les insurrections précédant l’Unité italienne. Ils provenaient des régions centrales (Livourne, en Toscane) et septentrionales (Gênes, en Ligurie) (Ersilio, 1941 : 9-10 ; Loreti, 2007 : 443 ; Pasotti, 1970 : 22).

Ces réfugiés étaient instruits et ont activement contribué à la modernisation de la société tunisienne en créant les premières écoles modernes, ainsi que des théâtres, des journaux (cf. infra, Chapitre 2) et des loges maçonniques. L’un des événements les plus

13 Alors que la communauté juive tunisienne était nommée Twansa (litt. Tunisiens) dans le dialecte judéo-arabe, les juifs Livournais étaient appelés Grana dans ce même dialecte (nommés gornim dans les textes en hébreu) (Cohen, 1964 : 4-5 ; Hagège, 2003 : 311).

14 On cite certains noms de familles livournaises installées en Tunisie : Cordoso, Lumbroso, Valensi, Boccara, Pereira, Spinoza, Serrano, etc. (Pasotti, 1970 : 15-16 ; Sebag, 1989 : 53-54).

15 À ce propos, M. Poiron (1925 : 16) précise : « Ce sont eux (les juifs Livournais) en qui le Bey a le plus de confiance pour l’administration de ses finances. Le grand cayd, ou grand trésorier, est juif, ainsi que tous les trésoriers particuliers, tous les teneurs de livres, écrivains et autres officiers dont les fonctions ont quelque rapport avec l’écriture et les calculs ».

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significatifs est probablement l’institution, en 1828, de la première école de Tunis par deux exilés napolitains, L. Visconti et L. La Rotonda, qui en sont devenus les maîtres. En 1831, aidé par sa sœur Esther, l’émigré politique livournais Pietro Sulema a créé une deuxième école publique afin de contribuer à l’instruction de la population européenne (Triulzi, 1971 : 169-170).

Vers l’année 1830, l’abolition de la course imposée par les puissances européennes marque un tournant dans l’histoire de la communauté chrétienne de Tunis. La sécurité des relations maritimes, la vie paisible assurée à tous ceux qui voulaient s’établir dans le pays pour y travailler ont entraîné un développement continu des diverses colonies européennes pendant le XIXe siècle. Ainsi, la communauté italienne déjà établie s’est enrichie. On assiste donc à l’installation de plusieurs commerçants, notamment d’origine génoise et juive livournaise, qui travaillent dans le domaine du négoce et de la banque16.

Après la proclamation de l’Unité italienne et avec l’apparition dans la péninsule d’importantes difficultés internes, en particulier dans le Sud, on assiste à une forte migration d’Italiens méridionaux en Tunisie. Ce nouvel apport était constitué par des paysans, des artisans et des ouvriers qui ont fui le chômage et la misère de la Sicile, de la Sardaigne, de l’île de Pantelleria et de la Calabre, causés par une « mauvaise division de la propriété, une administration défectueuse, une âpreté des luttes sociales et des crises économiques […]. À cette énumération des maux qui pèsent si lourdement sur l’Italie méridionale, il convient d’ajouter l’incessant accroissement du nombre de ses habitants » (Loth, 1905 : 10-11). Dans le but de trouver du travail et d’améliorer leurs conditions de vie, ces nouveaux migrants, qui étaient très modestes, ont donc quitté le Sud de l’Italie pour la Régence où s’offraient de plus larges possibilités d’emploi.

Au fil des années, le nombre des Italiens de Tunisie, qui ne se comptaient encore que par centaines vers 1830, s’est élevé à quelques milliers vers 1860 pour atteindre et sans doute dépasser le chiffre de dix mille personnes à la veille du Protectorat, se présentant alors comme la communauté européenne la plus importante d’un point de vue numérique. D’après des statistiques, on dénombrait 2.000 Italiens vers 1850, 3.000 à 6.000 vers 1860, 9.000 dont 7.600 à Tunis et 1.400 à la Goulette vers 1880 (Sebag, 1998 : 304).

Après la proclamation du Protectorat français sur la Tunisie (1881-1956), l’affluence des Italiens, et plus spécifiquement de Siciliens, s’est renforcée jusqu’aux années Trente du XXe siècle. En effet, les projets français de transformation et d’exploitation de la Tunisie (construction de routes, de voies ferrées, de ponts, de bâtiments, etc.) offraient des occasions de travail particulièrement intéressantes pour ces gens (Rainero, 2002 : 19).

Le prolétariat sicilien s’est donc ajouté aux familles implantées dans le pays depuis plus longtemps et qui représentaient la bourgeoisie et l’élite intellectuelle. Les membres de cette dernière occupaient des postes dans le commerce, l’industrie et le secteur bancaire et exerçaient les professions d’avocat, de médecin ou de pharmacien. Les Siciliens quant à eux,

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D’après le témoignage de L. Paladini (1897 : 153, cité par Loth, 1905 : 69), la communauté italienne est bien présente en Tunisie au cours du XIXe siècle et pratique des métiers très variés : « En 1849, certaines localités sont déjà plus italiennes qu’arabes. A la Goulette, presque tous les fonctionnaires d’un certain rang sont d’origine italienne ou, tout au moins, connaissent la langue italienne. Dans les cafés, dans les tavernes, dans les bureaux, dans les corps de garde, à la douane, partout on entend résonner les ‘parlers’ de la Péninsule. C’est que la colonie est subdivisée en autant de régions qu’il y a d’Etats italiens, et l’on compte des groupements génois, toscans, livournais, napolitains et siciliens. Les premiers comprennent tout le haut commerce, les derniers, au contraire, représentent le petit trafic et sont composés presque exclusivement de marins, de pêcheurs et de ‘piccoli mestieranti’».

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se sont installés au cœur de la ville moderne et sont à l’origine de la création de deux quartiers qui, en raison de leur peuplement, ont été désignés sous les noms de Petite Sicile et Petite Calabre (Loth, 1905 : 333-334 ; Pasotti, 1970 : 21 et 54)17. Ainsi, les Siciliens formaient à eux seuls plus de 75% de la communauté italienne au début du XXe siècle (Loth, 1905 : 106).

La communauté italienne, dont le nombre de ces éléments n’avait cessé d’augmenter d’année en année, représentait la communauté européenne la plus importante numériquement. Selon les évaluations présentées par les autorités françaises, la population italienne s’élevait à 11.200 personnes en 1881, 81.000 personnes en 1906, 89.000 personnes en 1926, et 94.300 personnes en 1936 (Davi, 2000 : 100).

Cependant, dans les années Trente du XXe siècle, le ralentissement considérable de la vague d’immigrations en Tunisie ainsi que la politique de « désitalianisation » et de francisation des masses italiennes en provoquèrent le déclin progressif. En 1946, malgré les expulsions et les départs, le nombre d’Italiens qui vivaient encore en Tunisie s’élevait à 84.935 personnes (Pasotti, 1970 : 145).

L’histoire de la communauté italienne après l’indépendance de la Tunisie en 1956 est surtout une histoire de départs vers l’Italie ou bien vers la France, liés notamment à la prise de pouvoir tunisien et aux mesures pour la « tunisification » de l’économie nationale. Des 66.909 Italiens recensés en 1956, on passe ainsi à 51.700 en 1959, à 33.000 en 1962, à 19.000 en 1964, à 10.500 en 1966 et à 7.000 ou 8.000 en 1969 (Pasotti, 1970 : 166 et 180), tandis que sur les quelque 2.800 Italiens résidant aujourd’hui en Tunisie, seuls 800 environ appartiennent réellement à l’ancienne communauté (Davi, 2000 : 111).

En conclusion, on observe que la communauté italienne n’était pas homogène et qu’elle était composée d’un important nombre de Siciliens. Dans la rubrique qui constituera le corpus (pour les conditions de sélection, voir infra, Chapitre 3, § 1), la vie de la communauté sicilienne est donnée à voir (le lecteur pourra les parcourir par les mots clefs en petites majuscules en tête des fichiers).

1. 2. Pourquoi l’intensité de tels contacts ?

Comment parler des contacts de langues qui se sont produits sur le sol tunisien entre la communauté italienne et la population arabo-tunisienne à l’époque contemporaine sans évoquer et rappeler l’histoire des relations commerciales et culturelles entre l’Italie et la Tunisie. En effet, il nous semble important de retracer brièvement l’histoire des contacts anciens entre Italiens et Tunisiens car ils ont conditionné et motivé les relations plus modernes.

L’une des particularités de la Tunisie, que nous avons mentionnée plus haut, est sa position stratégique en Méditerranée qui a facilité les relations entre les peuples et les civilisations.

17 À ce sujet, le témoignage de G. Barbera (1940 : 41) est significatif : « Où il m’a semblé d’être en Sicile fut Tunis, où je notai les quartiers de la Petite Sicile et Calabre, avec la nombreuse population de près de 60.000 personnes entre Palermitains, Trapanais, Catanais, Calabrais, Piémontais, Génois et Maltais. Les Trapanais représentent la majorité et chaque année, la fête de la Madone de Trapani est célébrée comme il se doit. Une telle fête attire tous les Italiens de manière indistincte dans un seul esprit catholique de fraternité sans que le musulman ne proteste […]. Ma première visite en Tunisie a été en 1907 et j’y suis retourné en 1930, époque au cours de laquelle je vis que les colonies italiennes avaient beaucoup augmenté » (traduit par nous).

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Les premiers contacts importants datent de la présence arabe en Sicile (827-1061). Les spécialistes affirment que, sous la domination arabo-musulmane, la prospérité de la Sicile a été remarquable. En effet, les Arabes ont rénové l’agriculture, les industries et le commerce, et Palerme est devenue une grande capitale où ont fleuri les lettres, les sciences et les arts (Pellegrin, 1948 : 108). En l’espace de deux siècles et demi, la Sicile a connu un important mouvement d’acculturation arabo-islamique qui l’a transformée, devenant ainsi partie intégrante de Dar al-Islàm dont elle ne sera séparée que par l’invasion des Normands. La langue employée par les Siciliens a également été influencée par l’arabe qui a laissé des traces dans plusieurs domaines (Pellegrini, 1972).

Les rapports entre les deux rives de la Méditerranée, et en particulier entre l’Ifriqiya18 et l’Italie, n’ont pas cessé avec le départ définitif des Arabes de la Sicile mais, bien au contraire, ils se sont intensifiés au cours du Moyen Âge et de l’époque moderne à travers des contacts pacifiques – avec le développement des échanges commerciaux –, ou violents – avec le regain de la pratique de la piraterie et de la course. Les contacts humains et linguistiques se sont donc nettement accrus (Baccouche, Skik, 1976 : 185-187).

Avec le développement du commerce maritime et l’émergence des grandes républiques maritimes italiennes (Amalfi, Pise, Gênes, Venise, etc.), une petite communauté (de marins, ouvriers, médecins et surtout de marchands) a commencé à se constituer à Tunis et dans d’autres villes (Pasotti, 1970: 9). En effet, les premiers contacts commerciaux auraient initié au début du Xe siècle, et plus précisément à l’époque où la dynastie fatimide (909-973)19 résidait encore à Tunis et à Mahdia (Manzelli, 1986 : 213). L’heure de gloire du commerce entre les grandes républiques maritimes italiennes et les villes de la côte tunisienne a donc débuté avec l’ouverture des ports arabes aux commerçants d’Amalfi, de Venise et de Gênes.

Les premiers commerçants qui auraient obtenu de la part des souverains tunisiens le droit de pratiquer librement leur activité commerciale à Mahdia et ailleurs sont ceux d’Amalfi20

. Ils possédaient leurs propres fondouks, à savoir leurs entrepôts de marchandise qui leurs servaient aussi d’hôtelleries, et même une église (Pasotti, 1970 : 9 ; Pellegrini, 1972 : 22). Par la suite, les villes de Pise, Gênes et Venise ont entamé avec les vendeurs et marchands arabes d’importantes relations commerciales dans les ports de Sousse, Mahdia, Sfax et Tunis21.

À partir du XIIe siècle, les Européens qui fréquentaient les villes côtières de la Tunisie étaient pour la plupart des commerçants pisans qui, depuis 1157, bénéficiaient de certains privilèges accordés par les princes maghrébins (Barbera, 1940 : 33). En 1166, un autre accord

18 Le terme Ifriqiya désigne la partie orientale de ce que les auteurs arabes appellent al-Maghrib, littéralement « l’occident », « le couchant », par opposition au Mašriq « orient », « levant ». Elle comprend notamment le territoire connu aujourd’hui sous le nom de Tunisie (Yver, 1986 : 1173). Cette partie de l’Afrique a été désignée par les Européens sous le nom de Berbérie, probablement en raison de l’origine berbère de sa population (Puccioni, 1949 : 137).

19 Sur le règne des Fatimides en Ifriqiya, voir A. Pellegrin (1948 : 113-116) et P. Sebag (1998 : 87-88).

20 Grâce à sa nouvelle indépendance du duché de Naples obtenue en l’an 839, Amalfi a en effet pu développer ses activités commerciales tout particulièrement avec l’Afrique du Nord et s’est progressivement transformée en une ville maritime riche et prospère munie d’un port permettant la navigation vers les côtes de la Méditerranée occidentale (Riverso, 1997 : 15). Cf. aussi G. Jehel (2001 : 27).

21 Malgré les différences de religion et de culture, H. Pirenne souligne que « l’esprit d’entreprise et la recherche du gain y étaient trop puissants et trop nécessaires pour que des scrupules religieux pussent les empêcher [les Italiens] bien longtemps de renouer leurs anciennes relations d’affaires avec l’Afrique et la Syrie […] » (H. Pirenne, 1963 : 14, cité par Pellegrini, 1972 : 45).

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entre les Pisans et la Tunisie almohade (1159-1227)22 a été établi. Il leur permettait de pratiquer librement leur commerce dans les ports de Gabès et de Sfax, et de posséder leur propre fondouk situé dans les faubourgs de Mahdia (Barbera, 1940 : 34).

Au cours du XIIIe siècle, les rapports commerciaux et les traités se sont considérablement développés. Les sultans Hafsides (1227-1535)23 avaient en effet noué des relations diplomatiques avec les nations chrétiennes et signé des traités de paix et de commerce avec le Royaume de Sicile, les républiques de Venise en 1231, de Pise en 1234 et de Gênes en 1236. Aux termes de ces traités, les marchands chrétiens pouvaient s’arrêter dans les différents ports tunisiens, y vendre et y acheter des marchandises et y séjourner aussi longtemps que la poursuite de leurs affaires l’exigeait. Ils pouvaient même s’établir dans le pays un temps plus ou moins long pour se livrer au commerce, demeurant dans les fondouks. Il leur était assuré une entière sécurité pour leurs personnes comme pour leurs biens (Barbera, 1940 : 34 ; Sebag, 1998 : 121-122).

Ainsi, le développement du commerce a permis la constitution, dans les différentes villes tunisiennes, de petites colonies de marchands vénitiens, génois et pisans qui préféraient s’occuper personnellement de leurs marchandises en s’installant sur place. Ils étaient logés dans des fondouks situés au sortir de Bāb al-Bahr (litt. Porte de la Mer), quartier se trouvant à l’Est de la vieille ville arabe appelée Médina, entre les murs de la ville et les rives du lac (Barbera, 1940 : 10).

Pendant les siècles qui ont suivi, plus précisément au cours des XIVe et XVe siècles, les traités ont été renouvelés avec les diverses républiques maritimes. Ainsi, la situation est restée inchangée et la Tunisie a continué à avoir des relations commerciales beaucoup plus intenses avec l’Italie qu’avec les autres villes du Maghreb et de l’Europe.

Pendant la première moitié du XVe siècle, des pêcheurs génois se sont installés à Tabarka, ville côtière du Cap-Bon au Nord-Est de la Tunisie, pour y pratiquer la pêche au corail et dans le but d’explorer les richesses de la mer et de développer le commerce entre les deux pays (Pasotti, 1970 : 11).

Sur un plan linguistique, les contacts fréquents entre arabophones et populations

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