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Chapitre 6 : Discussion

1. Synthèse des résultats

1.3. Remarques générales sur le Dice Game

Les passations réalisées ont confirmé le caractère ludique et écologique de l’outil, qui a été bien accueilli par tous les sujets. Nous développerons ci-dessous deux points de réflexion liés à l’utilisation effective du Dice Game.

1.3.1. Modalités de passation

Dans cette étude nous avons adopté les conditions de passation suivantes : les sujets ont été rencontrés à domicile, ou sur leur lieu de prise en charge orthophonique. Selon l’endroit de rencontre, nous avons fait appel à un tiers plus ou moins familier du sujet pour constituer le récepteur du discours du sujet. Une étude antérieure suggérait d’enregistrer sur dictaphone les explications de sujets, auxquels il avait préalablement été demandé de « faire comme si » ils exposaient la procédure à quelqu’un pour que cette personne la comprenne ultérieurement. Ce cas semble isolé. La présence physique et la naïveté de l’interlocuteur pour laquelle la plupart des études ont opté semble essentielle pour justifier du caractère écologique du test, et la mise en jeu des capacités communicationnelles pragmatiques dans le discours. Concernant les CLD, cette dimension ne peut être mise de côté tant la littérature regrette les conditions artificielles de test appliquées dans les recherches.

Cependant, il faut reconnaître que le respect de ces conditions écologiques pourrait constituer un frein à une utilisation généralisée du Dice Game en pratique:

104 l’orthophoniste doit pouvoir « recruter » ponctuellement une personne à même d’entendre le discours du sujet. Cette contrainte invite à imaginer d’autres modalités de passation : par exemple la transmission des instructions procédurales par téléphone, ou encore via l’informatique (ce qui respecterait une interface visuelle entre locuteurs). Ces possibilités permettraient peut-être également à l’examinateur de maîtriser le degré de connivence entre sujet et interlocuteur : nous n’en avons pas mesuré les effets dans les passations, mais ce facteur peut participer au cadre pragmatique d’élaboration du discours.

La question des conditions de passation amène également deux observations :

Tout d’abord, nous avons observé que, malgré la consigne donnée en amont, plusieurs sujets ont été surpris de devoir fournir l’explication du jeu en l’absence du matériel. Celui-ci était en effet retiré de la vue de l’interlocuteur au moment du discours. L’insistance sur ce point dans la consigne paraît importante. Nous pouvons imaginer que cet enjeu conditionne la prise d’informations lors de la découverte du Dice Game, et mette déjà en jeu l’identification des informations pertinentes à destination de l’interlocuteur.

D’autre part, nous avions choisi de ne pas considérer la part non verbale du discours, en particulier la gestualité. Elle peut intervenir dans des informations relatives au sens du parcours, ou à la description du plateau. Pour limiter le risque de biaiser la cotation du test, en étant forcé d’ignorer les informations véhiculées par le canal non verbal, les conditions de passation semblent importantes. Dans notre étude, le contact visuel entre locuteurs était total, mais McDonald (1993) avait dans ses travaux instauré la situation suivante : l’interlocuteur avait les yeux bandés. Cette condition annule certes le rôle phatique du regard, mais elle a le mérite de convertir naturellement des informations non-verbales en informations verbales, dans un objectif d’explicitation du jeu. Un compromis envisageable pourrait être la disposition d’un écran dissimulant les membres supérieurs du sujet, mais sans couper le contact visuel.

105 1.3.2. Modalités de cotation

Sur le plan pratique, la transcription du discours verbatim est coûteuse en temps. S’ajoutent les questions que soulève la cotation du Dice Game : l’analyse propositionnelle qui constitue un obstacle sérieux à la standardisation de l’outil.

Ces deux arguments invitent peut-être à remettre en question la modalité de cotation du test. Nous nous interrogeons notamment sur l’intérêt d’une cotation directe du discours sous sa forme orale (enregistré sur support vidéo pour pouvoir la visionner autant que nécessaire). Cette modalité a fait ses preuves au sein du Protocole MEC dans les épreuves de discours conversationnel et narratif. Elle pourrait présenter deux avantages : constituer un gain important en termes de rapidité de cotation ; et induire une cotation en accord avec la modalité orale du discours.

Nous insistons sur ce second point : la transcription littérale d’un discours est une pratique apparentée à la linguistique. Elle souligne donc toutes les marques d’élaboration, hésitations, conduites d’approches, appuis verbaux qui caractérisent la forme orale. Présentés à l’écrit, ces éléments font-ils l’objet du même jugement de valeur que lorsqu’ils sont entendus à l’oral ? Nous avons vu qu’ils partageaient les cotateurs, notamment dans l’identification des propositions EAS et répétées. Au lieu d’un découpage exhaustif, tel que nous l’avons expérimenté, une modalité de cotation sur support oral pourrait être plus écologique, tout en respectant une appréhension juste des propositions déviantes. Par exemple, le format de check-list oui/non que nous évoquions comme une alternative à un étiquetage individuel des propositions déviantes pourrait constituer cette évolution.

Adopter ce type de cotation supposerait la suppression du taux d’informativité (les propositions EAS n’étant pas comptabilisées). Il inviterait aussi à repenser l’évaluation de l’ordre du discours : la note d’organisation serait-elle attribuée sur une simple appréciation globale à l’oral, ou impliquerait-elle de reporter précisément l’ordre d’apparition des propositions essentielles, au fur et à mesure du visionnage du discours ?

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